Avez-vous entendu jargonner de la
perversité temporelle ? Ce truc qui émoustille ceux qui veulent échapper à
quelque chose ou réparer ce qui a précédemment été mal ou pas fait du tout ?
Des semblables qui cherchent dans le « rêve »
un refuge temporaire pour échapper à la déconfiture de l’esprit.
Le temps va et vient comme feuille
morte écrasée par des hivers proches et lointains, ne manquant pas l’occasion
de nous refaire le coup du coucou en rappliquant dès le printemps. Ah, le
frisson du temps jadis où tout était beau et bleu comme un ciel éternellement bleu
et des oranges aussi grosses que des pastèques !
Installé dans le salon, vous vous
voyez transporté par simple autosuggestion sur une terrasse côté sud, bercé par
le gazouillis merveilleux de piafs fantastiques, les arpions baignant dans l’eau
turquoise, les paupières apaisées... En fait pas du tout ! Hier comme
aujourd’hui, la boîte à manivelle vous joue des tours. Aujourd’hui comme hier,
vous vous trouvez quelque part en milieu hostile, cerné par des loups affamés,
pas une escarbille à vous mettre sous les dents pour chasser un encombrant bout
de castor coincé dans un creux de ce qui reste de votre rangée ; des ours surexcités, jouant les colonisateurs par la pénurie de saumons, vous tombant sur le paletot,
excités par la chair fraîche d'humains en état de décomposition mentale, ou par des ex-ministres voletant comme des
drosophiles à l’idée d’un futur festin national.
Où suis-je ? Que dis-je ?
Qu’écris-je ? Oh la vilaine perversité temporelle !
Si je parle des élections continues dans
une France en état de « guerre civile »,
on me reproche l’oubli palestinien, le mur israélien, Gaza, sa violence, les
victimes qui mangent le caillou à pleines dents, sans la moindre goutte d'eau pour soulager le gosier. On pensera que je suis un « mauvais frère », peut-être même un « mauvais à tout », de ne pas
chercher la « bonne conjugaison »...
Si j’aborde la Syrie et son usinage
terroriste par des États pervers ; des prémices d’une Troisième Guerre
Mondiale pour mieux soumettre l’insurrection qui vient, me voilà de fait devenu
un poutinien malfaisant, vassal de je ne sais quel chef sanguinaire, sans que
je ne sache davantage pourquoi...
De fait, j’oublie d’évoquer un bon
tas d’injustices, et pas des moindres, parant à ce qui me semble le plus « urgent » sur le sol que je foule… Ai-je tort d’être
comme je suis ?... Ai-je tort d’être insoumis aux règles décrétées par
des manipulateurs sans frontières ?...
Si je parle d’élections dans une
France qui boit pour ne pas perdre la raison, on me dira, plus ou moins gentiment :
« Oui, bof, il y a mieux à faire ailleurs
!... Mais la Grèce ?... Mais le Portugal ?... Mais l’Espagne ?… Et le
Soudan dans tout ça, t’en fait quoi ?...
Et l’escroquerie du climat ?... »
Atroce ! Tellement atroce, que j’ai
le chicotin qui chavire en Méditerranée ! Cette mer qu'on dit fermée et qui l'est pour des milliers de naufragés qui n'ont pas eu le plaisir fugitif de crier Terre !
Entre 7 et 9 millions de pauvres,
vivant sous le fameux « seuil de pauvreté
» en Hexagonie, se disputant bouts de cartons et trottoirs interdits,
faisant une queue humiliante devant les banques alimentaires ?... Aucune
importance, puisque plus loin l’horreur est ô combien plus distrayante !
Mais de quoi on parle ? Des pauvres
du monde à nos pieds, partout où l’on pose un arpion, ou de la stratégie
générale d’un capitalisme de la mort pour tout détruire sur son passage en
nivelant par le bas ? Mais de rien, puisque c’est toujours plus loin qu’on sert
les meilleurs plats !
Voilà à quoi ressemble la perversité
temporelle en ces jours d’après fêtes : passé et futur se mélangent les
pédales pour nous faire perdre définitivement le cap !
C'est cela, le sort des insoumis ?
Sous l’Casque
d’Erby