Le boulot
du prolo de base... ? Le point commun du très ingrat
boulot-prolo est d'être au bas de l'échelle hiérarchique du
travail-salarié, ce statut général à tous les échelons... à
gravir péniblement et avec très peu de succès. Double peine pour
le prolo-de-base !
Ici, de nos
jours, ce prolétaire se nomme ''agent de production'' au lieu
d'ouvrière-ouvrier ''O.S.'', dans ce qui reste des grandes,
moyennes, petites et très-petites usines ou fabriques... Ou sur les
chantiers de construction, d'infrastructures, de travaux agricoles,
etc. : mais ce secteur traditionnel de la classe ouvrière
d'hier est en déclin aujourd'hui, entraînant une croissante armée
de chômeurs, dit ''personnel à la recherche d'emploi''. Et
pourquoi ? Parce que ''c'est comme ça'' !
Tel est le
début du plus gros chapitre de mon essai en chantier ''Œuvrières
et Œuvriers'', qui évoque d'abord longuement le secteur privé,
avant le secteur public, dont voici une ''page arrachée'',
provisoire.
*
L'État (ou
''les pouvoirs publics'', municipaux compris) est lui aussi un gros
faiseur de prolos, en tant qu'employeur direct. Sans entrer ici dans
le dédale infernal (et bureaucratisé) de la pyramide étatique,
l'on constate déjà que cet État-Providence, censé être
''social'', ne favorise guère plus que le privé le prolétariat
qu'il embauche, et beaucoup, au tout bas de l'échelle. Ce prolo a au
mieux plus de sécurité de garder son (ou du) travail par statut de
fonctionnaire. Protection de plus en plus contournée par des
contrats d'emplois précaires (stages, CDD...) et par la
sous-traitance. C'est le cas du personnel ''basique'' d'entretien de
locaux et matériels de fonctionnement (parc auto, etc.). Mais, pire,
c'est le cas du personnel envoyé à vil salaire et en
''bouche-trou'' sur des postes à remplacer, par exemple de
pédagogues de l'Éducation Nationale : tant pis pour la
compétence, tant mieux pour l'équilibre du budget, délice du
supérieur... Ces tours de passe-passe sont courant notamment dans
les grands services qui furent hier ''domaine public'' et sont bradés
par paliers au ''privé'' : hôpital, enseignement, poste, rail,
route, air, mer (pour ''continuité territoriale de la Corse''...) et
énergie (même centrales nucléaires). Plus - sinon encore les
Services des Impôts et les Services-Secrets - la police (pour P.V.
de parking, etc.) et l'armée. Oui, la Grande Muette n'a rien à dire
sur sa sous-traitance de prolos-civils : dame, il n'y a plus de
service militaire, pépinière de gratuits larbins... en casernes, ou
de (presque) gratuits patriotes lancés au casse-pipe, aux champs
d'horreurs !
Enfin,
comme dans l'industrie, l'agro-industrie, le commerce, etc. du
''secteur privé'', le licenciement par ''plan (anti-)social'' est de
mise dans ''le secteur public'' - au nom de la sacré-sainte
réduction de la ''dette d'État'' et du rendement. Tant mieux pour
l'armée (qui devrait être supprimée), mais pas pour les vrais
services publics (hôpital, école, rail, poste, énergie...) :
là comme ailleurs, les emplois deviennent précaires ou sont rognés,
supprimés : c'est le cas notamment des services semi-privatisés
comme l'énergie ou la Poste, qui a perdue 80 000 emplois en dix ans,
avec l'introduction des robots !
*
''L'État-Providence''
mérite de moins en moins ce surnom. Pour rappel, il vient des
époques (1910, 36, 45, 68...) où le prolétariat se fit menaçant
des pouvoirs capitalistes et où l'État calma le jeu par des lois
sociales (à commencer par les 8h/jour et repos le dimanche, plus
tard les congés payés, puis les 35 heures) et des organismes comme
la Sécurité Sociale, les CCAS, Pôle-Emploi, etc. Mais ce sont là
lois et bureaucraties opaques, contournées voire bafouées :
l'État est plus que jamais en protection de la classe bourgeoise
possédante (et désormais valet du capitalisme mondialisé, branche
impérialisme US-OTAN). Entrons dans le détail du personnel
étatique, qui, prolo ou pas, est censé être au service du citoyen,
plus souvent prolo que pas (j'ai déjà évoqué, à propos de
l'école et l'adolescence, le cas du personnel de l'Éducation
Nationale).
1- Une
armée d'assistantes sociales est censée aider l'pauv'prolo à faire
son chemin dans la bureaucratie administrative. Il arrive qu'elle
(c'est rarement un homme) s'y perde et elle est débordée de boulot
ingrat mal payé, proche du SMIG : prolo spécialisée pour
aider prolo paumé, en somme. Pour anecdote, il m'est arrivé de
remonter le moral d'une assistante censée me remonter mon dossier :
elle avait plus besoin de moi que le contraire !...
2- Santé :
J'ai eu besoin par contre des soins d'infirmières (autre métier peu
masculin). Même si elles sont mieux payées que le prolo-de-base,
car techniciennes très ''pointues'', elles restent largement
sous-payées par rapport à des techniciens aussi ''pointus''
ailleurs. Et par rapport aux médecins, pas toujours plus compétents
(et souvent arrogants envers elles). Elles restent surtout humaines
et simples : comme le prolo soigné. Aidées en cela par les
aides-soignantes et les femmes de service, très souvent admirables
de dévouement à l'hôpital. Lequel se ''modernise'' à en oublier
son statut social : se croit usine à gérer !
Personnel
hospitalier comme tout personnel basique des services publics
(administrations d'État comme municipaux, etc.) se retrouvent donc à
faire grève, à manifester avec leurs homologues du ''privé'' :
c'est la même classe laborieuse face au même démon capitaliste.
Elle revendique plus sur ''avoir plus...'' que sur ''être plus
digne'' sous l'influence de syndicats réformistes. Mais l'aspect
qualitatif revient en force, signe des temps d'inquiétude
justifiée ! : Même les flics font grève !
3- Police
et Justice : la police est censée assurer la sécurité du
citoyen, la justice de trancher, non plus des têtes, mais des
casses-tête de litiges, ''au nom du peuple souverain''. Dans les
faits, nos p'tits magistrats sont dépassés de l'empilement des
dossiers, faute de personnel (d'huissiers surtout), et soumis à des
pressions occultes de puissants. Dans les faits, les p'tits flics
d'antan sont devenus, soit des ''municipaux'' (en sous-traitance, en
somme, de la police nationale), soit d'arrogants ''chasseurs'' de
tout ce qui bouge, avec sigles barbares genre ''BAC, BRI, GIPN'' etc,
et bien sûr CRS, de plus en plus ''robocops'' à l'inquiétante mode
yankee. Et pire pour gens-d'armes, G.M. et autres soldats des combats
contre ''l'ennemi-de-l'intérieur'', ces émeutiers, ces désordres
du vilain, du vil-prolo en légitime noire colère... Notez que les
ministères de la Défense et de l'Intérieur se disputent la
Gendarmerie : la solution serait de la supprimer carrément,
ainsi que les ministères, d'ailleurs!
4- Le
service militaire obligatoire n'a été, en France, supprimé (sauf à
le rétablir en cas de guerre, si...) qu'en novembre 2001, onze mois
après le début de ce siècle : hier. Analyser l'importance
historique de (feu) l'enrôlement forcé de tous les jeunes hommes
sous ''les drapeaux'' ?...: 5000 pages seraient un minimum !
J'ai préféré lire (en diagonale !) les 5 petits volumes
réjouissants de ''l'Anthologie de la Connerie Militariste'' de
Lucien Seroux, (éd.AAEL, Toulouse, illustrations des couvertures de
Tardi). Mais voici extrait de correspondance d'un ami de ma
génération (73-83 ans), qui fut comme moi ''appelé'' a faire la si
sale guerre d'Algérie : ''(…) Nous étions cette génération
qu’on appelait à l’époque ''les mutants'' de la révolution
industrielle. Fini la petite entreprise et les manufactures. Il
fallait disait-on savoir se préparer à évoluer avec son temps.
Plus de place pour tous à la ferme. Le petit commerce et les petits
artisans c’était une fin annoncée. Pour notre génération il
fallait se préparer à des mutations - professionnelles d’abord et
par voie de conséquences géographiques très souvent. Et
c’est là que le service militaire prenait tout un autre sens Car
souvenez-vous ! La peur d’être réformé, c’était en réalité
la peur de se voir fermer certaines portes d’emploi et notamment
dans les fonctions publics mais aussi dans plusieurs entreprises qui
ne voulaient pas embaucher des ''malades'' (''mauvais patriotes'').
Et donc le
service militaire était considéré comme l’un des sésames
nécessaires et nous partions quoique cela nous en coûte(...)'' :
ces quelques lignes résument la ''mutation'' prolétarienne forcée
de l'époque 1956-62 de la guerre d'Algérie, et la difficulté
immense de se faire réformer ou, bien pire, de déserter. Elles ont
parues dans le débat interne de l'association dont je suis (sur un
million de troufions qui ont ''fait'' l'Algérie !...) un des
200 membres : la 4acg, ''Anciens Appelés en Algérie et Amis
CONTRE la Guerre'', donc animée de dignité de témoigner. Dans mon
essai ''Le Piège'' (disponible chez moi - avis!), j'aborde la
question de la désertion du strict point de vue autobiographique :
question fondamentale de rester DIGNE dans une guerre (coloniale ou
non), si indigne. Vieille question réactualisée sans cesse par
l’inouï interventionnisme US et ''alliés'' (Vietnam, Afghanistan,
Irak... demain Ukraine?). Les désertions et mouvements anti-guerre -
plus ''robotisation'' de certaines armes - ont entraîné aux USA, en
France et ailleurs, la fin de la ''conscription obligatoire''... mais
pas la fin du racolage de pauvres prolos au chômdu à qui l'on fait
croire un ''métier d'homme'' (il y a même des femmes!)... Mais,
dans l'immense majorité des pays, ''l'appel sous les drapeaux''
reste obligatoire et souvent lourd : 2 à 3 ans en Chine,
Russie, Algérie et autres pays arabes... Ainsi qu'en Israël - où
les ''soldates'' patrouillent avec les mecs à étrangler la
Palestine... Et, désormais en Israël, tout comme avant-hier en
URSS (Afghanistan) ou hier en Russie (Tchétchénie), le mouvement
''refuznik'' est particulièrement courageux ! : quoi ?
Des prolos qui refusent de tuer d'autres prolos ??? Mais si ça
continue, ça va être l'anarchie !!! Ben oui, fier officier, et
te v'la au chômage...
*C'est nous
les Canuts, nous sommes tout nu !*
Après
l'écrasement, par l'armée, de la seconde révolte lyonnaise des
Canuts (artisans de la soie), en 1834 - moins de 3 ans après la 1°
-, Casimir Perier (président du Conseil), s’exclame :''Il faut que
les ouvriers sachent qu’il n’y a de remède pour eux que la
patience et la résignation''. Cette boucherie fut prémonitoire de
ce que fera Thiers en 1871 contre les Communards de Paris...
Sous l'casque d'Erby