ERBY |
Pasqua était un vieux monsieur d'allure vénérable. Un vieux vert, comme on disait de lui dans les maisons (j’allais écrire closes) de retraite du 92, du 93 dans lesquelles il tournait de temps en temps pour les « besoins de la cause ». Paix à ses cendres, comme on dit de quelqu’un qui vient de passer l’arme à gauche.
Pour mémoire, monsieur Pasqua était un gros pourri, un vendeur de pastaga qui n'ignorait rien sur le secret des urnes, sur la presse au pas et sur une Constitution de 58 qu’il a accompagnée dans les fonts baptismaux, pour la défense de laquelle il n’a jamais ménagé sa peine.
Charles nous venait de cette France à la faconde légère et à la main lourde. Sous des dehors populo se cachait une star du coup tordu. Un regard par en dessous, aussi venimeux que la morsure du mamba noir. Le vrai mauvais flic de l'histoire dans une série noire dialoguée par Alphonse Boudard ou Michel Audiard. Celui qui jouait au gentil, tout en tenant son calibre collé à la nuque du suspect pour lui niquer le limbique au moment où il se penchait pour allumer la cigarette qu'il venait gentiment de lui offrir.
Pour Pasqua, tout citoyen était un sociopathe en puissance, bon pour l’échafaud. Est-ce pour cette raison que Manuel Valls a fait lever la gauche à l'Assemblée nationale, créant un début de malaise ? Dans le cirque médiatique, Charles a toujours fait un carton. Il était le second couteau qu'on montrait à la télé comme un singe savant, par le biais de qui on pouvait se procurer un vrai-faux passeport, entre autres menus services. En réalité un vrai mauvais-garçon en Borsalino roulant sa bosse dans des étranges paradis.
Charles Pasqua admirait Jean Gabin et aurait pu tenir un rôle dans « Le cave se rebiffe », une affaire de fausse mornifle : toujours clean, costume trois pièce, cravate assortie, bars de nuit, palace et pépètes, prenant le thé avec des rombières des quartiers chics au saut du lit. Pour mémoire, Charles aimait la nuit, sans doute parce que tous les chats sont gris.
Charles écumait le pavé de la République avec insolence, lavait les salissures, qui étaient souvent les siennes, occultait, intriguait, frottait les impuretés, observait et emmagasinait du renseignement sur des tiers, au cas où... Un jour tout ça servirait. En attendant, il profitait, souriait, divaguait, plaisantait et scellait des pactes. Lui, le vendeur de pastaga se dit en ricanant : « ils sont tous aussi propres que le vernis de mon voisin, là-bas, au pays, quand j'étais minot. »
Quelque part, Charles était l'acrostiche d'un système corrompu, se lisant à l'horizontale se révélant à la verticale. Toujours un code, un pseudo ou un mot de passe à cacher dans la boîte à reliques. Ce qui lui avait permis de rouler carrosse dans des berlines avec, à l'intérieur, des pépées carrossées dernier cri, affichant des bassins à reproduire de la faune sur n'importe quelle planète en formation. Sur ses vieux jours, alors que durant des décénnies il avait régné sur l'ensemble des corps constitués, des malappris de la justice, des juges, ont bien cherché à prendre leur revanche, lui plomber l'autonomie en l'envoyant in pace comme une vulgaire blatte dans une zone de non transit pour une durée indéterminée. Peine perdue. Non-lieu !
Des situations difficiles à gérer, Charles en a vue des tonnes dans sa longue vie !
Je me souviens l’avoir observé un soir à la télé, sur le plateau de Frédéric Taddei, à côté de Siné et, dans des registres très opposés, aucun ne manquait de souffle. Siné restant l'artiste de l'intégrité morale, mais dans celui de gros dégueulasse Pasqua a été à la hauteur !
Sous l'casque d'Erby