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Eclairage - M art'IN |
« Un combat
sourd, silencieux, secret, tragique, met les créateurs dans une situation de
riche dépendance ou de misérable solitude. Ce conflit sans équivalent dans
l’histoire a mis beaucoup de temps à être perçu et élucidé par les artistes,
leur public et les amateurs. »
Aude
de Kerros, artiste et essayiste dénonce comme ses pairs en dissidence, une
marginalisation destructrice du créateur français. Cependant une institution
culturelle a été mise en place depuis plus de trente ans, soit disant, pour produire
exactement l’effet inverse. L’impôt pour la « Culture »
est collecté pour aider les artistes à exposer dans les meilleures conditions,
promouvoir, vendre et acheter leurs œuvres. C’est à travers un travail
d’enquête extrêmement approfondi, sur le plan artistique, philosophique,
sociologique, économique, dans la capitale et à travers le monde, que
l’essayiste fait le constat implacable sur la réalité chronologique référencée et
du suivi « événementiel »
de ce fameux « Art Contemporain ».
Cet art qui se voudrait perpétuellement à la mode et actuel, ne vante depuis
plus de trois décennies que le style conceptuel qui n’évolue pas. Il remplace
et nous confond en se substituant à l’art naturellement riche de styles et d’évolution permanente.
Trois
essais sur le sujet, parmi d’autres écritures : « L’art caché », « Sacré art
contemporain » et enfin ce dernier, «
L’imposture de l’AC, une utopie financière ». Livre le plus abouti quant à
la recherche du nœud gordien qui assujetti l’art, l’artiste et le public en
cette époque si sombre. Aude de Kerros évoque à plusieurs reprises George Orwel,
« 1984 » et Aldous Huxley, « Le meilleur des mondes ». On ne peut
être plus précis quand on sait, en tant qu’artiste, que la création nous offre
l’image du monde.
Naomi
Klein dans « La stratégie du choc » démontre comme il est facile de manipuler les hommes et les peuples à
travers leurs sens et leurs émotions, Aude de Kerros tente de comprendre le
cheminement de la tragique destruction de l’art et de la condition d’« artiste libre », comme on dit si
joliment.
« L’art est
lié à la condition humaine, le développement de ses formes ne s’achèvera
qu’avec le dernier homme. », écrit-elle, avant d’ajouter « qu’il y a autant de pratiques artistiques,
autant de facettes, styles et genres que d’êtres humains dont on sait qu’ils
sont tous singuliers. » Elle note que l’artiste sera toujours
libre et ruse contre la censure. On ne peut enfermer les sens.
Il
est malheureux de constater qu’en France perdure un art totalitaire avec son
lot de censures finement orchestrées. L’installation de l’institution culturelle
dans les années 80 n’a servi qu’aux marchés dominants, l’élite marchande et
politique occidentale. Le style conceptuel fut adopté en force pour imposer
l’élimination des autres langages artistiques.
Si l’on en croit des études psychiatriques, le choc, ou le gavage des sens
permet de manipuler et assujettir des peuples entiers. L’épanouissement des
sens est indispensable à l’équilibre de l’homme et de la planète.
Jadis,
la France possédait « l’exception
culturelle », aujourd’hui elle
n’est qu’instrument financier. Notre coq français transformé en corbeau ne
serait-il pas devenu victime de son ego, tout comme nous l’a conté La Fontaine.
N’aurait-il pas lâché son fromage pour que perdure sa jolie voie à travers le
monde. En lâchant ses propres artistes, il se retrouve colonisé par une
mouvance instaurée par de malins marchands aussi futés que le renard de la fable.
L’artiste
français, même formaté au conceptuel, est abandonné, humilié, déni par les agents
institutionnalisés. « … en France,
sur les 60 000 artistes répertoriés, 35% sont au RSA ». Or beaucoup d’artistes
n’étant pas célibataires, leurs partenaires possédant un revenu, ne sont pas
répertoriés dans les statistiques !… L’Etat finance ses universités et
écoles artistiques pour fabriquer une population de précaires qui n’ont même
pas appris les bases du dessin, de la peinture et de la sculpture. Seul l’art
conceptuel est enseigné. L’autre côté de la barrière. « La masse salariale répartie entre les 200 fonctionnaires de
l’inspection de la création est de 12 000 000 €. »… « En
trente ans d’AC, 27 000 achats d’œuvres
ont été effectués par l’Etat et les régions … 50% d’œuvres sont étrangères ». Les œuvres acquises par
l’Institution, manquant la plupart du temps de pérennité, des sommes folles
sont investies aussi par l’Etat pour
leur rénovation perpétuelle.
Les
agents de l’institution ont phagocyté tous les lieux d’expositions convenables.
Le contribuable français participe à son insu au système et finance son abrutissement.
La grande majorité ne comprenant rien au conceptuel se détourne de l’art
imposé. Une poignée entre en religion et s’accroche à capter le vide qui l’enfume. Les travailleurs
de l’institution sont payés pour y croire. Pendant ce temps, une élite savante
fabrique avec cet « art » de l’argent
comme en bourse.
La
frustration et les dégâts sont dévastateurs mais cela rapporte beaucoup à
certains en leur offrant de plus en plus de pouvoir.
« Les
artistes d’aujourd’hui » empruntent des chemins détournés. Soit ils
feignent d’être conceptuels, tout en cachant leurs vrais travaux artistiques,
soit ils tentent de détourner la mouvance en y glissant du sens caché. La
plupart des artistes sont rebelles et débrouillards. Ils font fi de leur
précarité et sans chercher plus loin, se créent des lieux alternatifs
sauvages, exposent par vents et pluies, même si leurs œuvres s’abiment dans la boue. Le
public court les jardins, les rues, les salles communales, de plus en plus réceptif,
car souvent confrontés dans leur vie aux mêmes effets néfastes du pouvoir.
C’est surtout sur internet que les plages sont libres d’expositions pour les
amateurs sensibles d’être en connexion avec l’art sensé qui offre l’émotion.
Aude
de Kerros nous détaille par le menu l’accouplement forcé de ce soi-disant art
soumis à l’argent, grossier, choquant, prostitué, enfanté par ce monde libéral
qui passe à côté des sources vitales pour que le capital puisse régner sur la
vie. Tout pouvoir a une fin. Comme la mouvance est un retour aux sources, à la
terre nourricière, avec un rejet du consumérisme, la recherche de l’harmonie, du sens et
du beau, « l’art d’aujourd’hui » se lève, prend les voiles. 30 ans caché mais tout de même exprimé, il refait surface.
« L ArTche
des sens » est gentiment mentionné par Aude de Kerros, ce qui nous honore ! Merci pour ce combat qui
nous est commun et pour ce travail colossal d’éclairage sur cette réalité toute
crue si dure à assimiler tant cela parait à ce point corrosif.
Pour
la lumière, lisez le dernier livre d’Aude de Kerros !
M art'IN
Sous l'casque d'Erby
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Illustration pour un blog ami |