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Ce texte fut à l'origine écrit dans le « Journal 1939-40 » de l'auteur (qui avait alors 36 ans). Il commence très cocassement comme ça... :
« Une bonne partie de la drôle de guerre, je l'ai passée dans un dépôt avec des rebuts de l'armée française : infirmes, invalides, incapables, communistes, anarchistes, oubliés, cinglés, égarés. On y buvait beaucoup, du vin rouge principalement.(...) Que je fusse un intellectuel, cela stupéfiait mes camarades. L'un d'eux me demande un jour ce que je faisais dans la vie ; embarrassé je lui réponds : professeur (c'était pas vrai). De quoi ? De philosophie (pas vrai non plus, mais enfin : j'ai un diplôme). Ah!ah ! Le camarade me toise avec sympathie et, se souvenant des bons kils de rouge que nous avions vidés ensemble, conclut : ''c'est vrai, je l'avais toujours pensé que tu étais philosophe'' (il n'a pas dit : un professeur de philosophie). »
Je passe des pages désopilantes - dommage ! - où Queneau s'amuse, entre autres, à étaler sa culture livresque, pour opposer ou rapprocher les mots philosophe et voyou. D'abord à propos d'antiques philosophes grecs voyous ou pas, puis à propos de la définition du mot voyou, qui oppose les auteurs de « Excentricités du langage » (1861) et du « Dictionnaire de la langue verte » (1866), etc. ...
Mais voici que le poète reprend divers arguments glanés au fil des pages, dans un épatant résumé « oulipien ». Extraits :
« (...)Le voyou est jaune : alors que le philosophe est un peu olivâtre, Descartes du moins. (…) De plus le voyou est criard, paresseux, flânant - le philosophe flâne, paresse, mais il n'est pas criard, il a du coffre. Le voyou bat les chiens (poétiquement maigres) et charbonne des phalli ou des callibristis, séparés ou coincés l'un dans l'autre. De plus il siffle. Décidément on ne reconnaît plus le philosophe. Le voyou ne croit pas : philosophe. Il crache sur sa mère : pas philosophe. Il estime que le ciel est une farce amère : philosophe ? Il est libertin : philosophe ?? Il est vicelard : philosophe ??? Philosophe luna-parkien en tout cas. (...)Il est brave, affronte la foudre, mange de la poudre, se jette au canon : pas philosophe. Il crie liberté : philosophe. Il moleste le repos des tremblants citoyens : pas philosophe. Il a le front barbouillé de poussière : pas philosophe. Il est prêt à jeter à Dieu le blasphème : philosophe. Et la pierre : pas philosophe.
(…) Le tampon dialectique entre ces deux modes d'être est à peine antérieur (qu'importe l'historicité) à l'apparition du plus « bas » : c'est le policier.(...) »
Queneau reprend ensuite, allègrement, sa promenade de lettré, par exemple chez Kierkegaard (« théologien voyou »), Vidock (« bagnard ou policier il ne change pas de nature »), ou chez Balzac, Stendhal... et enfin Chateaubriand : « Depuis, les catholiques (…) ont découvert un joli brin de plume au bout de leur goupillon pour la plus grande satisfaction des gens qui redoutent l'ennui. »
Ce sont là les mots de la fin de ce beau pamphlet, finale en pirouette qui laisse au lecteur le soin de conclure.
Mais voici que le poète reprend divers arguments glanés au fil des pages, dans un épatant résumé « oulipien ». Extraits :
« (...)Le voyou est jaune : alors que le philosophe est un peu olivâtre, Descartes du moins. (…) De plus le voyou est criard, paresseux, flânant - le philosophe flâne, paresse, mais il n'est pas criard, il a du coffre. Le voyou bat les chiens (poétiquement maigres) et charbonne des phalli ou des callibristis, séparés ou coincés l'un dans l'autre. De plus il siffle. Décidément on ne reconnaît plus le philosophe. Le voyou ne croit pas : philosophe. Il crache sur sa mère : pas philosophe. Il estime que le ciel est une farce amère : philosophe ? Il est libertin : philosophe ?? Il est vicelard : philosophe ??? Philosophe luna-parkien en tout cas. (...)Il est brave, affronte la foudre, mange de la poudre, se jette au canon : pas philosophe. Il crie liberté : philosophe. Il moleste le repos des tremblants citoyens : pas philosophe. Il a le front barbouillé de poussière : pas philosophe. Il est prêt à jeter à Dieu le blasphème : philosophe. Et la pierre : pas philosophe.
(…) Le tampon dialectique entre ces deux modes d'être est à peine antérieur (qu'importe l'historicité) à l'apparition du plus « bas » : c'est le policier.(...) »
Queneau reprend ensuite, allègrement, sa promenade de lettré, par exemple chez Kierkegaard (« théologien voyou »), Vidock (« bagnard ou policier il ne change pas de nature »), ou chez Balzac, Stendhal... et enfin Chateaubriand : « Depuis, les catholiques (…) ont découvert un joli brin de plume au bout de leur goupillon pour la plus grande satisfaction des gens qui redoutent l'ennui. »
Ce sont là les mots de la fin de ce beau pamphlet, finale en pirouette qui laisse au lecteur le soin de conclure.
Pour moi, lanceur de cailloux dans le brouill'Art, c'est clair : Je reprends la rigolote expression de « tampon dialectique entre ces deux modes d'être », mais cette fois « à l'apparition du plus haut » : le poète, l'artiste, le lanceur d'Oulipou-caillou Raymond Queneau. Bien au delà du voyou-philosophe que je tente d'être sur ce blog caillasseur !
Sous l'casque d'Erby
Bonjour les caillardeuses-caillardeux. Vingt dieux que cela fait du bien de plonger dès le matin dans l'univers de Raymond Queneau ! Ah, que je ne vais pas traîner pour me procurer ce "philosophes et voyous" ! Oulipien soit qui bien y pense.
RépondreSupprimerLa bonne journée aux passantes et aux passants.
Superbe mise en page, l'ami !
SupprimerLes deux liens que tu as trouvé ouvrent eux-mêmes, en cherchant bien sur une foule d'autres liens, de l'Oulipo et de l'immense collection Gallimard consacrée à la poésie!...
Y a de quoi y passer la journée et plus !
Bonne journée et à plus...
Et maintenant j'ai découvert ta trouvaille mise à la place de la "zique du jour" : la voix, sans musique, d'un excellent comédien lisant certains des si célèbres "Exercices ce Style" de Queneau ! : une merveilleuse façon de replonger dans cette virtuosité du fondateur de l'OULIPO : OUvroir de la LIttérature POtentielle... et donc immortelle !!
SupprimerMerci d’appuyer sur le fait que « nous sommes tous Humain !»
RépondreSupprimerBeau crobard Herby
Merci .... Quant au "H", no problem !!!! Ça fait écolo et l'HERBE (verte uniquement) n'est pas pour me déplaire dans ce Monde pollué qui nous menace quotidiennement !
SupprimerPardon Erby, mon doigt a fourché mais ton explication est bien plus belle !!!!!! On la garde.
SupprimerNon seulement voilà un très beau crobard d'Erby (Martine l'habille d'un "H" comme d'une écHarpe rouge !), mais il est très "raccord" avec le billet du jour : le kil de rouge en témoigne, ainsi que l'histoire du grillage anti-SDF d'Angoulème :
RépondreSupprimerUn Queneau d'aujourd'hui pourrait continuer d'enrichir le thème si fécond "philosophes et voyous", à commencer par le "dépôt pour rebuts sociaux" qu'évoque l'auteur dès sa première phrase...
Aujourd'hui, bien plus que jamais je crois, la marginalité sociale (volontairement choisie ou pas), dans toute ses variantes SDF, zonards, voyous, "déviants" etc. ainsi que farouches militants, artistes, philosophes et autres "malades mentaux" font un VIVIER de vrais philosopĥes, créateurs, œuvriers d'avenir !!
Le fait même que le thème du "djihad" puisse hélas séduire une frange de la jeunesse ANTI-CONFORMISTE à juste titre est bien une preuve que notre société du spectacle, dite de "consommation" est très malade, car vicieusement construite sur le seul fric, donc l'inégalité sociale... la guerre...
Soyons toutes et tous "voyous" (du point de vue de la bienséance bourgeoise) et "philosophes" (du point de vue de l'avenir)!!
Moi j'aime bien jeter des cailloux ; de la mitraille sur l'assaillant ; des pavés dans la mare, des "cratons" dans les godasses ou de la poudre aux yeux !... Mais toujours horizontalement ; jamais de cailloux en l'air !...
RépondreSupprimer" À trop jeter de cailloux en l'air, il est normal qu'un jour ou l'autre l'un d'eux te retombe sur la tête " (Lanza del Vasto)
Va pour Lanza !
SupprimerMais, tous le jours, mon cher ami, tu nous envoies dans le brouillard d'internet des crobards-cailloux qui font tilt! merci !
Horizontalement l'ami ! Horizontalement !... ;-)
SupprimerJusqu'à ton billet, je croyais qu'on écrivait "filosophes" et "voilloux" :-)
RépondreSupprimeron peut écrire aussi "fylozofs" et "voyons-ces-énergumènes-voyeurs-ch'napans-et-j'en-passe", ou ne pas l'écrire du tout, en langage articulé ou en langage des signes : l'essentiel est de se comprendre, is'n'it ??
SupprimerA propos du festival BD d'Angoulème, quelle honte d'être sponsorisé par Soda Stream http://www.sudouest.fr/2015/01/23/bulles-indesirables-1806534-813.php
RépondreSupprimerD'autant plus que : http://www.capjpo-europalestine.com/spip.php?article228
https://www.youtube.com/watch?v=BTud9Zf4mcI&list=PL6YUqv3vrMsCnL_SX5nhL5Xu83CUBT9c3
Le philosophe-voyou et vice versa, le tampon... Très éloigné de ces voyous officiels qui philosophent dans nos médias et qui ont leurs émissions de radio et leurs propres rubriques sur papier glacé pour nous sommer d'accepter l'ordre...
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