samedi 30 septembre 2017
jeudi 28 septembre 2017
lundi 25 septembre 2017
Il avait des lunettes, et une tête ronde
Le
fil de la mémoire est l'air confiné par où la fenêtre de l'âme
écarte les battants, un pied dans le présent, l'avenir en ligne de
mire pour respirer des sentiments ancrés aux quais des temps
anciens.
Quand je
reçois le livre d'un ami, je flippe autant que je suis heureux. Le
lire ? Oui, bien sûr. Le commenter ? De vive voix ?
Pas de problème, je m'en débrouille fort bien. Écrire sur le
sujet ? Une autre paire de manches ! Car, là, je suis face
à la vérité. Et la vérité, en ce qui me concerne, n'est pas la
chose que je gère pour faire plaisir quand je suis devant l'écran
blanc de mes pensées. Soit je l'exprime ex abrupto, et elle peut se
révéler désagréable ; soit je me tais, et cela peut l'être
tout autant, bien que la vérité demeure toujours affaire
subjective.
Jean-Claude
Cousin, alias Babel, m'offre le cadeau de son livre, Il avait des lunettes, et une tête ronde. J'aime ce livre. Sa lecture m'a procuré beaucoup d'émotion. Je
l'aime parce qu'il n'a aucune prétention. C'est un livre droit, à
l'image du bonhomme qui l'a écrit. Il n'a pas fait cela pour se
lustrer l'ego, pas plus que pour prétendre à des prix littéraires
et autres fantasmes de la même eau. Il l'a écrit parce qu'il en
était temps, pour sa famille, pour ses proches, pour les amis, pour
lui-même, pour que l'on sache enfin d'où il vient, qui il est. De
quel aliment se nourrit la joie, à quelle source s'abreuve le
désespoir. A quelle onde suprême appartient l'espoir.
Aucune
flamboyance littéraire dans ce livre, comme on en accuse réception
si souvent avec des trémolos dans les pixels. Un homme droit n'a pas
besoin d'artifice, il s'en passe très bien, il lui suffit d'être ce
qu'il est, humble. Ce que la vie finit par nous apprendre tôt ou
tard. Ce livre est cette lumière qui s'éteint et qui s'allume comme un phare au
gré de la vie, de sa perpétuelle évolution. Une trace que le sable
émouvant du souvenir fixe pour toujours dans les esprits.
Si vous
cherchez dans ce bouquin des effets de manche, vous n'y êtes pas. Si
en revanche vous cherchez à vous enrichir avec des choses simples,
nobles et humaines, vous venez de frapper à la bonne porte.
Sous l'Casque d'Erby
Libellés :
Babel,
chronique livre,
Jean-Claude Cousin,
lediazec
dimanche 10 septembre 2017
La Scène capitale – Pierre Jean Jouve
Les livres
sont comme les nuages : on les croise, on regarde, ou pas, la course folle ou
indolente et on poursuit son chemin. La tête dans le guidon, on ne fait pas
attention à eux. Ce n'est pas le moment de s'intéresser aux secrets qu'ils
recèlent, aux misères qu'ils cachent dans le coton, à l'espoir ou au bonheur
qu'ils procurent. A la poésie qu’ils inspirent.
Le ciel
propose toujours une danse, qu'on accepte ou qu'on refuse, sans que nous
sachions la raison profonde.
Ces temps,
j'ai négligé le blog, comme on oublie de se raser. Pourquoi ? La réponse n'est
pas mienne. Un sentiment de désordre s'est installé dans mon esprit comme un
sortilège dont je peine à me délivrer.
Puis il y a
eu Pierre Jean Jouve et La Scène capitale, un livre silencieux, fait de
murmures récurrents. Il est venu à moi comme on demande l'heure à quelqu'un,
parce que l'on sent qu'il est temps. C'est son jour. Celui où l'on attend
quelqu'un ou quelque chose. Il s'est présenté comme une personne qu'on retrouve
longtemps après avoir rêvé d’elle, sans savoir, au moment des retrouvailles, quel
plaisir ou quelle mauvaise surprise tout cela réserve. J'avais perdu souvenir
de ma première lecture. Rien de rien. Pas une image. Pas un son. A peine une mélodie. Quelques sensations, mais sans plus. Chose curieuse, je
me souviens avoir pensé en le retrouvant : "ça y est, j'ai trouvé de quoi reconstruire
un brin de pensée" !
L'architecture
mentale conduit souvent sur des sentiers sinueux. Là où le lecteur de La Scène capitale cherche lignes droites
et constructions rassurantes, conformes en tous points avec l'éducation reçue,
Pierre Jean Jouve propose un ensemble de courbes qui, en évoluant, tissent une
toile autour et à l'intérieur des fantasmes, ayant pour point de conjonction
nos propres hallucinations.
Pierre Jean
Jouve est né à Arras en 1887 et s'est éteint à Paris en 1976. Une belle vie de
poète, de romancier et de critique. Je n'ai lu de lui que ce seul livre, le
dernier de son œuvre. Il fut l'ami de Romain Rolland et militant pacifiste
contre la première boucherie mondiale de 14/18. Il le fut aussi de Stefan
Zweig, de Paulhan et bien d'autres…
C'est à
partir de 1925 qu'il rompt avec lui-même – autrement dit avec son œuvre
antérieure qu'il renie, orientant sa réflexion vers la psychanalyse, grâce à
l'influence de sa seconde femme, Blanche Reverchon, s'y consacrant totalement
jusqu'à la fin de sa vie. On le considère comme le premier écrivain français
dont le travail romanesque aborde la psychanalyse en tant que sujet à part
entière.
Malgré une réputation de « marginal hautain », l'homme sera de
tous les combats contre le nazisme, prenant soin de refuser tout embrigadement.
Pensée libertaire à laquelle il restera fidèle jusqu'au bout.
Trois
textes forment la trame de La scène capitale : Histoires sanglantes, La
Victime, Dans les années profondes.
Dans cet
ensemble, le soleil n'est plus cet astre vivant faisant frétiller les êtres comme
un banc de sardines et les choses selon l'ordre qu'on connaît, mais selon le coloriage
sous lequel vivent et s'agitent des ombres agissantes. Une mosaïque polychrome
dont les facettes brillent pour attirer le lecteur vers son ultime refuge :
l'univers microscopique et grouillant des démons intérieurs. L'en-dedans et
l'en-dehors tricotant des pensées pour
débrouiller une histoire au destin incertain.
Livre
magnifique qui n'est pas de ceux qu'on lit à la plage en attendant le passage
du marchand de glaces. Un livre de virtuose où le mot est à l'économie et aussi
à la clarté. Complexe et lumineux. Un livre dans lequel il est question des
affres de la relation homme/femme. Mais pas seulement. Oh, que non ! Il serait
dommage - et ô combien hâtif ! - de ne dégager de sa lecture qu'une part de
misogynie dont les détracteurs ont vite fait le compte. L'œuvre de Jouve la
récuserait pour ne conserver que ce qui lui importe le plus : l'étude du
comportement. A commencer par le sien propre.
La Scène capitale (1935-1961) de Pierre Jean Jouve, éd. Gallimard,
coll. L'Imaginaire 104, 1982
Sous l'Casque d'Erby
Libellés :
lediazec,
Notes de lecture,
Pierre Jean Jouve
Inscription à :
Articles (Atom)