''140
heures de travail par mois sur 45 ans... ET... ?''
Sur
son blog « Couleurs d'Aencre », l'ami Jean-Jacques titre
son beau billet du 25 décembre « le Sel de la Vie »,
titre de l'ouvrage de l'anthropologue Françoise Héritier, aux
éditions Odile Jacob. Ce livre me semble si épatant que je reprends
ici parties des extraits qu'il a choisi de reproduire. Pour plus de
clarté, j'ai un peu remanié l'ordre de quelques phrases, mais sans
en changer un mot.
Rém*
*
(...)Si
vous tablez sur une durée de vie moyenne de 85 ans, soit 31 025
jours, avec toujours, en moyenne et à la louche, 8 heures de sommeil
par jour ; 3h30 pour les courses, la préparation des repas, leur
consommation, la vaisselle, etc. ; 1h30 pour l'hygiène, les soins du
corps, les maladies, etc. ; 3 heures pour l'entretien domestique, les
enfants, les transports, les démarches diverses, le bricolage, etc.
; une heure par jour de rapports sociaux obligatoires, conversations
de voisins, pots, assemblées, séminaires, etc. ; 140 heures de
travail par mois sur 45 ans, à raison de 6 heures par jour(...).
Et
vous, vous étirez votre temps de travail en prenant sur tous les
autres temps et vous faites l'impasse sur toutes ces choses agréables
aux quelles notre être profond aspire.
Que
reste-t-il pour les activités qui font le sel de la vie ?
Les
vacances, le théâtre, le cinéma, l'opéra, les concerts, les
expositions, la lecture, la musique que l'on écoute ou que l'on
pratique, les arts divers où l'on s'exerce, la promenade le nez en
l'air, les excursions, les voyages, le jardinage, les visites
amicales, le farniente, l'écriture, la création, la rêverie, la
réflexion, le sport (tous les sports), les jeux de société, le jeu
tout court, le flirt, l'amour, et pourquoi pas des plaisirs
coupables ?(...)...j'ai oublié les fous rires, les coups de fil
à bâtons rompus, les lettres manuscrites, les repas de famille
(certains) ou entre amis, les bières au comptoir, les coups de rouge
et les petits blancs, le café au soleil, la sieste à l'ombre,
manger des huîtres en bord de mer ou des cerises sur l'arbre, les
coups de gueule pour rire, l'entretien d'une collection (de pierres,
de papillons, de boîtes, que sais-je?), la béatitude des fraîches
soirées d'automne, les couchers de soleil, être éveillé la nuit
quand tout le monde dort, chercher à se remémorer les paroles des
chansons d'autrefois, la recherche d'odeurs ou de saveurs, lire en
paix son journal, feuilleter des albums de photos, jouer avec son
chat, construire une maison de fantaisie, mettre un beau couvert,
tirer négligemment sur une cigarette, tenir son journal, danser (ah!
Danser!),(…)ruminer autour d'une idée, regarder un vieux film à
la télévision ou dans une salle d'Art et d'Essai, siffloter les
mains dans les poches, avoir l'esprit vacant, les moments de silence
et de solitude, courir sous une chaude pluie, les longues
conversations dans la pénombre, les baisers dans le cou, l'odeur des
croissants chauds dans la rue, les clins d'œil de complicité, le
moment où tout se tait dans la nature..., écouter les cris joyeux
d'enfants en récréation, se repaître de glaces ou de chocolats,
les moments où l'on sait qu'on plaît, qu'on vous regarde et qu'on
vous écoute, se sentir leste et ingambe, faire la grasse matinée,
monter sur un bateau de pêche, observer un artisan, s'arrêter pour
un bonimenteur (tiens! cela fait longtemps!), jouir du spectacle de
la rue, retrouver des amis qu'on n'a pas vus depuis des lustres,
prêter vraiment l'oreille aux autres.(...)J'oublie tellement de
choses encore.(...)
Sous l'casque d'Erby