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« Salut... T'as deux minutes ?... Figure-toi ...»
Au bout du fil, Rémi. Un drôle d'oiseau, lui aussi.
« Il y a deux jours, j'ai croisé un ami bouquiniste qui , bref ... » ; « j'ai quelque chose pour toi... » « Je te l'envoie. » « Surprise !... »
C'est ainsi que je suis entré en possession d'un Maurice Frot. Je dis un Maurice Frot comme on pourrait dire, je ne sais pas, un Kandinsky. Pourquoi Kandinsky ?... Peut-être pour ce que le peintre définit comme le « trouble mental de l'homme devant le monde ».
En ces temps d'allégeance, d'électoralisme effréné, de trahisons et des intentions criminelles de « nos élus », il est bon de pouvoir compter sur le hasard et sur l’amitié.
L'oiseau Maurice Frot est mort en 2004 à l'âge de 76 ans. Pour faire vite, on dira que le gars de la marge a de la ressource et un potentiel révolte propre à faire sucer de la tototte les petits rebelles de la néo planète NFP !
A dix-sept ans, il dégage son bled, son ennui, sa maternelle, qui le rejette et qui finira par se pendre, pour s'engager dans l'armée de l'air, direction l'Indochine...
Cette expérience traumatisante, nous la retrouverons tout au long de ses pages, tantôt sous forme métaphorique, tantôt de manière brutale... C'est l'histoire revisitée par un poète aussi vertical que viscéral. Un homme doublement blessé. Pas de place pour le regret, ni pour l'amertume, mais toujours cette douleur qui plane comme une ombre pour lui rappeler ce que le miracle de la vie a de précieux pour pousser le présent vers l'avenir, si incertain vous paraisse-t-il.
Chaque mot est une fenêtre et chaque paysage un monde à découvrir. Ils sont disposés non point pour faire joli ou pour l'épate, mais pour nous inviter à une chorégraphie que chacun prolongera au fil de son imagination.
Le bouquin s'ouvre sur l'histoire d'un gars qui a décidé de mettre les bouts. Ras calebasse. De Clichy, son bled, son quartier, son pays. Marre de sa gouaille, de cette vie de « civil à la con ».
C'est décidé, direction Lhassa, la capitale du royaume du Tibet. Plus tard, ce fut Katmandou... Mais auparavant, quelques bricoles à régler. Il faut qu’il se débarrasse d'un putain de rat qui prend sa tête pour un grenier. Aucun psy ne pouvant l’aider dans ce combat singulier contre lui-même.
On sent que cette extirpation va être rude, que pour vaincre la bête, il va lui falloir se surpasser, surmonter les derniers restes d’empathie afin d’atteindre ce haut niveau de détachement auquel il aspire.
« Le temps d'arracher cet enragé Gaspard qui s'agrippe à ma viande et circule comme chez lui dans la rue de mes artères. Qui se balade à l'air libre de mes poumons. Se paye des samedis dans mes testicules. Mais surtout, démon la vache, sait se blottir sans bouger d'un poil parmi les replis douillets de ma cervelle, ricanant tout son saoul, sous le jugement dernier de ma coupole. »
Aura-t-il sa peau ? En plus de fort, il va lui falloir être rusé avec la bestiole ! Réussira-t-il à atteindre Lhassa ? Et si, finalement, Lhassa ne se trouvait pas là où les cartes l'indiquent ?...
Autre bonne surprise de ce livre magnifique, la préface. Je l'ai lue après le livre. Œuvre de Léo Ferré, que Maurice Frot rencontra en 1956 et dont il fut secrétaire et régisseur jusqu'à leur brouille en 1973, sans que cela entache ni l'amitié ni le respect qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre…
Voici ce que Léo écrit au sujet de son ami et complice : « Il me dit avoir écrit pour se libérer. La belle affaire ! On n'écrit jamais que pour un miroir possible, pour se regarder d'abord, et puis partir dans des yeux lecteurs dont on ignore à jamais les capacités de rapt… ».
Ailleurs, Ferré ajoute : « Frot a une poche spéciale pour ses souvenirs : il les fait remonter et les remange. C'est un ruminant. À son pis s'égoutte tout un breuvage d'inavouables ratages. Frot, le jour, vend du contreplaqué pour acheter des plumes qu'il usera, la nuit, loin de ses amis qui ne sauront le reconnaître qu'à force d'illusions dominées. »
« Le Roi des Rats » est le premier volet d'une série de trois (« Nibergue », « Le tombeau des jaloux ») dans lequel Maurice Frot cherche à se débarrasser des sales choses commises pendant la « pute de guerre d'Indochine » qui lui a fracassé le cœur.
À défaut de s'en être débarrassé, il aura eu le mérite d'avoir dénoncé sa vie de « pauvre con » au milieu d'un tas d'autres qui n'ont pas eu cette chance ou ce mérite…
Le Roi des rats - Maurice Frot
Sous l'Casque d'Erby
Le bonjour à tous. Si à 25° on nous parle de canicule, où allons-nous ! Par ces temps glauques où ça braie de partout, pas forcément à tort, je n’ai qu’un livre à offrir, histoire de poser un cul à l’ombre d’un arbre séculaire. Le bon weekende à tous.
RépondreSupprimer"Le roi des Rats" ! Je crois me souvenir de ce jour où Rémi te l'avait offert ! Énigmatique Rémi ! Il pouvait se vanter d'en avoir vues, des choses ! Des rizières de Mao Zedong aux squats de Nantes, en passant par les navires à l'ancre à La Valette, et bien sûr ce canal de Suez qu'en dépit de toutes les recommandations il traversait à la nage, au milieu d'autres navires.... sans oublier ses exploits d'imprimeur clandestin !
RépondreSupprimerCe dont le souvenir me restera à jamais,, ce sont ses sœurs à qui j'ai pu parler le jour des obsèques, dont la plus jeune qui avait tellement conquis le cœur de Claude Français, et qui cinquante ans plus tard était toujours aussi belle ! Sans compter aussi sa magnifique Juliette, dont il parle tant dans "Le Piège" : « Toi, papa, tu as fait la guerre d'Algérie ? » — Non, il y a assisté avec horreur !
https://www.youtube.com/watch?v=028V3A24DQg
Ah Oma, tu ne l'as pas connu ! Quel indomptable personnage !
JC
https://i53.servimg.com/u/f53/11/40/28/12/pn_rzo10.jpg
C'est lui, à gauche, avec à droite Claudine l'ancienne "grouillote en chef" d'Antenne2, et au centre un certain Lediazec....
Coucou les fringants ! Incredible ! J'ai bu mon premier café en écoutant Cloclo ! Inoui....;-) Et découvert Maurice Frot que je ne connaissais pas....Merci les potes...J'aimerais bien connaitre votre histoire, elle m'interpelle votre photo :-) ...Merci ! (Je reviendrai) Oma
RépondreSupprimerCoucou Oma.
SupprimerSi tu me donnes ton adresse postale, je pourrai t'envoyer des bouquins qui ne sont pas dans le commerce. Je pense que tu seras édifiée. Mon adresse courriel : nizouk@gmx.fr (protégée par entre autres un mot de passe indétectable sauf par la force brute d'un ordinateur énorme)
En mail, j'avais pas compris !
RépondreSupprimerChère Oma, le courriel est le mot français pour mail, un mot forgé par nos cousins du Québec. Je dis cousins, parce que tant de Poitevins durent s'exiler là-bas... la faute à la révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV : notre région en a subi un énorme contrecoup.
SupprimerAh merci ;-)...Je me promets à l'instant d'essayer de ne plus confuser !
RépondreSupprimerLe bonjour à vous tous. Désolé si je ne réponds pas aux commentaires, mais je suis pas mal débordé. L'été, les bricoles, le temps qui file, pas le temps, mais merci à vous d'être là. Nous sommes beaucoup mieux par chez nous que dans la capitale, où les barrières ramènent à la mémoire une époque qu'on pensait révolue. Même Hitler n'avait pas osé cela à Berlin en 1936. Bref, la Seine est toujours là, aussi sale que toujours, mais une question demeure : sur quels comptes est passé le milliard et demi pour la rendre propre... La bonne semaine à vous.
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