lundi 26 décembre 2022

Mort à crédit - Louis-Ferdinand Céline

Source image
Rien n'est plus horrible que l'attente. L'attente c'est la mort à petit feu. L'espoir des « bonnes nouvelles » qui n'arrivent jamais ou alors trop tard. Il vous empêche de penser à autre chose, l'espoir. Toujours l'espoir ! L'espoir c’est attendre un putain de bateau qui ne vient pas et quand enfin il arrive, soit il passe sans vous voir, soit il fait naufrage à quelques brasses du mouillage. L'espoir c'est le coma sans rémission, ton caillou de Sisyphe qui roule dans ton sensorium de la naissance à la mort. C’est une île déserte grouillant de fantômes.
J'avais graillé de l'infini, accroupi au bord de cette grève à contempler la ligne légèrement courbe de l’horizon sans que jamais rien n'arrive. Sans que rien ne s'échoue, hormis quelques objets d'une autre vie que les vagues poussaient sur les galets. Parfois c'étaient des bouteilles sans vie, sans messages.
J'étais là à lancer du glaviot sur l'écume, l’œil fixant l'ennui, le cerveau aussi sec qu'un bout de bois flotté.
Louis-Ferdinand Céline, on est pour ou on est contre, influencés que nous sommes par la défroque qu’on lui a mis sur les épaules. Il l’avait bien cherché aussi. Mais il était comme ça, Céline : à l'intérieur et à l'extérieur de la réalité. Il était une île qui dérivait selon ses propres lois.
Le temps passe et repasse. Le bouquin reste silencieux dans son coin. Pour « plus tard ». Tout comme vous, il prend la poussière, mais pas une ride. Vaincu par plus fort que vous, vous le prenez et vous lisez. La lecture vous laisse totalement stupide, ébranlé, secoué, remué. Vous vous sentez coupable et honteux de l'avoir délaissé par pure bêtise, parce qu’on vous a dit que… 
Heureux d'avoir enfin osé, joui tout au long de la lecture, devant la puissance d'une œuvre de vie et de mort, de souffrance, d'errements, de génie, d'esprit insoumis et d’amour désespéré pour son prochain, vous vous reprochez d’avoir suivi comme un mouton des voix qui n’étaient pas celles de votre conscience.
Le temps continue de passer, la vue baisse à mesure que monte votre envie de continuer de lire. Parce que votre vie, c'est cela, lire, lire. Lire encore et toujours. Lire, non pas ces fadaises qu'on adorne du bandeau rouge du mégot littéraire récompensé, qu'on vous pousse à consommer tous les ans en guise d’œuvre littéraire. Que des « chefs-d’œuvre » !
Lire pour s'enfuir, pour sentir l'odeur de l'encre vous impregnant jusqu'aux os. Une encre noire. Formidablement noire. Faire un résumé de « Mort à Crédit » c'est épouser le ridicule en frisant la honte. Lisez-le et foutez-vous la paix avec ces histoires sur lesquelles règnent les agents de la « bonne conscience ».
Dites-vous une chose : Céline criait si fort sa douleur que tout le reste n'est rien en comparaison. Laissez-vous emporter par son immense talent. Par sa poésie et son style exceptionnel. Sa grandeur est unique dans l’histoire de notre littérature !
Ici je convoque le grand Frédéric Dard, le paternel d'Antoine San-Antonio, un autre monsieur de la voltige littéraire. Voici ce qu'il disait à propos de ce livre et de Louis-Ferdinand Céline : 
« Mort à crédit est pour moi le bouquin le plus important de ce siècle. Parce qu'il contient toute la détresse de l'homme. A côté du cri de Céline, moi, je pousse des plaintes de chiot qui a envie de pisser. Lui, il l'a balancée sa clameur ! Elle est intacte, satellisée au-dessus de nous. On ne peut rien y toucher. C'est toute la misère de la vie, toute l'angoisse, toute la mort. C'est plein d'amour, c'est plein de pitié, c'est plein de colère, c'est plein d'éclairs, de mains tendues, de poings brandis, de mains tendues qui se transforment en poings. Et puis de désespoir. Parce que le désespoir, c'est la vie. Lui l'a su. » 
Lire ou relire Céline c’est toujours un plaisir.

Sous l’Casque d’Erby
 

3 commentaires:

  1. Le bonjour les amis. Un Noël tranquille. A passer d'un livre à l'autre. Outre celui dont je parle ici (une relecture) j'entreprend la lecture sérieuse de "Lune de miel" de Cavanna. Un homme dont j'admire l'écriture et l'homme qu'il était parmi ses semblables. Que du plaisir.

    RépondreSupprimer
  2. Ah le temps Rod…. tout ce temps qui fait défaut pour lire, relire, découvrir, redécouvrir parmi toouut ce qu'on a aimé et par force parfois, délaissé… Livres, musique, poètes.
    A qui solliciter un abonnement pour une autre vie dédiée à revisiter tout ce qui nous a tant ému, étonné, fasciné ?
    Le temps, serpent rampant vers nous la gueule ouverte, insatiable de nos jours, de nos heures, impitoyable...
    Oma

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le bonjour Oma. Comme tu dis. Le temps. Le temps de pouvoir. Le temps d’avoir envie. Le temps de ne rien négliger… Le temps et notre impuissance à matérialiser son importance. Le temps et les regrets. Et puis, merde ! on est humains après tout. La Bise.

      Supprimer