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Dès lors que ma décision était prise, j’ai cherché sans relâche une plage d’or fin où mener à bien mon entreprise de déstructuration ou l’inverse.
J’ai enfin trouvé ce que je cherchais, vers là-bas, au bout du monde, dans ma Bretagne originelle.
La baie des trépassés était l'endroit idéal pour creuser mon trou !
Cette étendue de sable située entre les deux pointes de Plogoff et de Cap Sizun, m’a semblé l’endroit idéal pour tester et adopter la posture de cet oiseau coureur ne s’intéressant qu’à ses petites affaires sans se soucier de l’histoire du monde, ni de celle de sa propre communauté.
L’endroit où jadis s’échouaient les cadavres et les restes de navires naufragés, poussés par les vents dominants de l’ouest qui les fracassaient sur les récifs de Sein, endroit à qui l’histoire et une mauvaise traduction prêtent une si mauvaise réputation.
La baie des trépassés pourrait devoir son nom sinistre à une erreur de traduction : elle s'appelait à l'origine Bae an Avon, « la baie de la source » (un petit fleuve côtier s'y jette effectivement). Mais l'erreur a conforté la légende et attiré le touriste. Aubaine ou infortune ?
Un ami m’avait averti : « Attention, on ne devient pas autruche sans une préparation mentale préalable. L’autruche ne connaît pas l’empathie. Du moins la version humaine de ce sentiment. Cela peut te conduire très loin. »
Je suivis son conseil. J’entamais une préparation minutieuse ! J’essayais de ne rien négliger de l’effort et de la fatigue physique et mentale que j’allais infliger à mon organisme.
Me munissant d’un bloc de polystyrène assez épais, j’opérais un trou aux dimensions de mon crâne afin d’y placer la tête le moment venu. Ce fut le début de ma préparation. Ensuite, pendant deux longues semaines, nuit et jour, j’ouvrais les vannes de l’information sur les canaux intensifs, de ceux qui ne dorment jamais et vous en empêchent tant le matraquage est énorme.
Je sautais d’horreur en horreur comme l’abeille butine les fleurs.
Ce fut une expérience extrême. Quand cela atteignait le paroxysme, que mon esprit entrait en fusion, que je sentais mon âme chavirer dans le néant, j’enfouissais mon crâne dans le polystyrène et j’y restais assez longtemps pour étouffer la douleur qui m’étreignais. Ça marchait ! Surtout lorsque cela s’accompagnait d’une bonne rasade de vodka !
Après cette épuisante préparation j’arrivais sur les bords de cette plage écumeuse au sable d’or au point du jour. Pas âme qui vive à l’horizon. Pas de gendarmes à des kilomètres à la ronde, j’avais pris soin d’inspecter les environs auparavant. La rumeur des vagues m’enivrait. Je sentais en moi la rumeur jumelle de l’apaisement m’envahir. Le bonheur à l’état pur ! J’allais enfin éprouver le ressenti de cet oiseau venu du fond des âges.
Avec la bêche je creusais un trou au diamètre d'un crâne que j'avais gros. Je me suis agenouillé, postérieur en l'air. A cette heure je ne risquais rien, j'étais seul. J’ai plongé ma tête dans la béance et ne ressentis rien d’autre que l’odeur d’eau salée dans laquelle plongeait le sable.
Le bruit des hommes et les horreurs dont ils sont capables avait disparu. Ne restait qu’un bourdonnement persistant aux oreilles.
Comme si j'étais devenu sourd, ou sur le point de l'être.
Me sentais-je heureux pour autant ? Voire libéré ? Point du tout. A la rigueur un peu stupide.
En définitive, malgré ses efforts, l’homme ne sera jamais une autruche.
Vivre la tête enfouie dans le sable, ce n’est pas une vie !
Sous l’Casque d’Erby
Le bonjour à tous. Comme vous pouvez le voir, j'ai tenté l'expérience et j'ai échoué. Tant pis.
RépondreSupprimeroma
RépondreSupprimer" Mais ce n'est pas grave, homme, d'être sensible, c'est ce qui arrive quand on a de la magie dans le
coeur"... et l'autruche, elle n'en a plus... En un temps préhistorique, elle l'a été... puis elle a
appris au fil des siècles à ne se préoccuper que de ses plumes... ;-)