mardi 23 juin 2015

Derniers messages, par Stefan Zweig

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« Quelque différentes que puissent être nos opinions il est un fait sur lequel d’un bout à l’autre de la terre nous sommes tous d’accord aujourd’hui, c’est que notre monde se trouve dans un état anormal, qu’il traverse une grave crise morale. En particulier quand on regarde l’Europe on a le sentiment que tous les peuples et les nations qui la composent se trouvent dans un état de nervosité maladif. Le plus petit motif suffit pour provoquer une émotion intense. On accueille les mauvaises nouvelles plus facilement que les bonnes. Aussi bien les individus que les races, les classes et les Etats paraissent plus disposés à se haïr qu’à s’entendre. Personne ne croit à un développement calme et productif. Au contraire, tout le monde vit dans la crainte qu’une violente explosion ne se produise à tout moment.
D’où vient cette fièvre ? Je crois qu’elle est provoquée par un résidu de la guerre, un vieux bacille qu’elle a laissé dans le sang. Il faut se rappeler que dans tous les pays les années de guerre ont habitué les hommes à une haute et violente tension des sentiments. Des guerres ne peuvent pas être menées froidement. Il fallut donc un apport extraordinaire de passion pour mener, jusqu’au bout une guerre mondiale de quatre ans. Sans arrêt on excita les instincts de la haine, de la colère, de la fureur, car la passion, selon le mot de Goethe, « n’est pas comme le hareng saur une salaison qui se conserve des années ». La haine, la colère, la joie de se battre sont des émotions courtes, et c’est pourquoi on inventa cette effroyable science appelée propagande pour prolonger artificiellement ces états émotionnels. Des millions d’hommes d’ordinaire indifférents et pacifiques – trois ou quatre millions – furent pendant quatre ans habitués à produire en eux et à consommer plus de haine et d’hostilité qu’il n’était normal. Puis vint la paix et immédiatement ont mis fin à ce devoir de haïr et de tuer comme on tourne un robinet à gaz. Cela aussi est anormal. Quand un organisme s’est habitué aux narcotiques ou à des stimulants – café, morphine, nicotine – il ne peut s’en priver brusquement, et c’est ainsi que le besoin de se militariser, de haïr, de se battre, a continué de se manifester dans cette génération. Il a seulement changé d’objet. On ne hait plus le même ennemi. Mais on continue à haïr et à combattre avec la même passion dangereuse. » 

« Derniers messages », Stefan Zweig – chez Bartillat, Omnia Poche – 9€


Sous l'casque d'Erby




12 commentaires:

  1. Bonjour les caillardeuses et les caillardeux. Pas de chichis : quand les choses sont bien dites, elles le sont. Tel est le cas en ce qui concerne cette longue citation de « mon » écrivain et intellectuel préféré dont je conseille vivement la lecture.
    La bonne journée !

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    1. Excellent choix de citation, rappel opportun...
      Pour les lecteurs connaissant peu ou pas S.Zweig, il est nécessaire de rappeler que "la guerre mondiale" dont il parle ici est 14-18!
      pour rappel il s'est suicidé ainsi que sa femme, en 1942, désespéré de voir que ça recommençait...

      Pour le moment, du moins en Europe, ça recommence avec la guerre des banques-dictatoriales, notamment de la zone Euro contre la Grèce (après Chypre et avant le Portugal et...) : rappel...
      Statistiquement, sur l'an dernier, il y a eu 2 SUICIDES PAR JOUR en Grèce, par désespoir !

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    2. A quand un billet sur la Pig Mascarade de samedi dernier ?

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    3. C’est en cours, Martine s’y attèle, Rémi.

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  2. Raison pour laquelle des courants aujourd'hui préconisent de se forcer à ne retenir que le cotés positif des choses. Pas seulement pour le résultat de se sentir mieux question moral et fort de constater que cela fonctionne mais une portée plus vaste en découlerait . Le plan vibratoire est très important dans le monde dans lequel nous nous inscrivons , égales aux autres vies vibrantes. Les vibrations positives font un bien fou aussi sur l'entourage et l'environnement. . Il n'est pas question non plus de dire oui quand on sent qu'il faut dire non béatement en ne regardant que le positif mais plutôt être à l'écoute dans la vigilance extrême et se détournée de l'emprise de la maladie qui cherchent le pouvoir et les guerres par frustration, Ne pas répondre à la haine fera le plus grand bien à ceux qui sont dedans .Nous ricochons les uns sur les autres comme par enchantement. Être à l'écoute et ne coopérer qu'avec le positif et la force de la vie. est un exercice difficile surtout que l'on est habitué , conditionné; forcé à vivre dans le noir. Nous sommes, tout petits déjà, détournée de ce pourquoi nous sommes nées. Nous sommes conditionné dans la souffrances et les frustrations. Nous ne pouvons que propager la souffrance, la haine et la guerre....

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  3. "J'ai décidé d'opter pour l'amour. La haine est un fardeau trop lourd à porter." (M. Luther King)

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. A propos de repasser les plats, et surtout d'affirmer l'ESPOIR INDESTRUCTIBLE jusqu'à renverser les plats :

    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2015/06/24/appel-a-action-solidarite-avec-la-flottille-de-la-liberte-pour-gaza/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=solidarite_avec_la_flottille_de_la_liberte_iii_en_route_pour_gaza

    NOUVELLE FLOTILLE de Solidarité internationale avec le peuple de Palestine!

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  6. C’est en recollant des escarbilles mémorielles d’humains que dans un futur rêvé nous pourrons construire un navire pour une paix durable !

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  7. "Ne vivons plus comme des esclaves" : LE FILM de (grosse) graine d'espoir grec & anar...

    http://blogdejocelyne.canalblog.com/archives/2015/06/24/32266100.html

    (et il se trouve que la flotille pour Gaza est actuellement en Crête, en partance pour son but...

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  8. http://youlountas.net/
    C'est le blog de Yannis Youlountas, réalisateur du film "ne vivons plus comme des esclaves"...

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