« C'est nous-mêmes, petites gens, qui nous persuadons que la réalité marchande et financière du monde prime sur la réalité concrète et naturelle.
Il en va ainsi lorsque nous admettons que le déficit en argent d'un hôpital public, ou d'une entreprise privée produisant des choses réellement utiles (c'est à dire non encore perverties par la fabrication économique de pseudo besoins), puisse entraîner sa fermeture.
Une telle proposition a autant de sens que refuser des mots d'amour à l'être aimé par ce que le stock de mots d'amour de la journée serait épuisé. C'est confondre la réalité concrète de son sentiment amoureux avec son signe, le mot amoureux. C'est confondre la vie réelle avec la valeur en argent qui lui est attribuée par les marchés. C'est écraser la vie sous des représentations qui nous ont échappé. C'est renoncer à vivre. »
*
Ne cherchez pas qui se cache sous le nom de plume de Baba... : Gou-gueule vous renvoie à de brillants milieux de business yankee... Les histoires-pour-enfants vous renvoient à l'éléphant Babar et l'éléphante Céleste... Et rien non plus du côté des vieux babas-cool !...
Mais l'Atelier de Création Libertaire indique sobrement que « Baba collabore au mensuel La Décroissance », voilà tout ! Car l'important est que ce courageux éditeur (coopérative auto-gérée) lyonnais, ACL, ait publié ce très épatant bouquin signé Baba, lequel s'explique ainsi sur le titre surprenant de son essai, « Anarchie Économique » :
« La toujours vieille fille Économie n'a cessé d'essayer de classer et ranger dans ses catégories tout ce qui passe à sa portée ; la toujours jeune et intenable Anarchie n'a cessé de la rendre folle, fichant le bazar dans son ordre étriqué. » - point 2 du chapitre 1 intitulé « où l'on se félicite que les anarchistes soient de piètres économistes » (!). Mais, dès l'Introduction, Baba nous avertit : « (…) retour à l'anarchie ; à toute l'ambivalence géniale du mot ; à la fois confusion, désordre, état de trouble - mots appropriés pour notre époque, de l'aveu même de nos dirigeants, qui en font leur miel ; et, au cœur même de la tempête, et précisément grâce à elle, possibilité pour les dominés d'y retrouver de l'énergie, de découvrir de nouvelles relations humaines, de nouveaux rapports à la réalité naturelle dont nous faisons partie. Retour à l'anarchie, donc retour à l'histoire, qui seule autorise la critique sociale. »
« La toujours vieille fille Économie n'a cessé d'essayer de classer et ranger dans ses catégories tout ce qui passe à sa portée ; la toujours jeune et intenable Anarchie n'a cessé de la rendre folle, fichant le bazar dans son ordre étriqué. » - point 2 du chapitre 1 intitulé « où l'on se félicite que les anarchistes soient de piètres économistes » (!). Mais, dès l'Introduction, Baba nous avertit : « (…) retour à l'anarchie ; à toute l'ambivalence géniale du mot ; à la fois confusion, désordre, état de trouble - mots appropriés pour notre époque, de l'aveu même de nos dirigeants, qui en font leur miel ; et, au cœur même de la tempête, et précisément grâce à elle, possibilité pour les dominés d'y retrouver de l'énergie, de découvrir de nouvelles relations humaines, de nouveaux rapports à la réalité naturelle dont nous faisons partie. Retour à l'anarchie, donc retour à l'histoire, qui seule autorise la critique sociale. »
*
Bien que cet ouvrage ait été édité en février 2011, je ne l'ai hélas découvert qu'après rédaction de mon essai « Œuvrières & Œuvriers ». Je le regrette car il m'aurait bien aidé, et aurait surtout transformé ma laborieuse annexe « Stop ! Sortir de l'économisme » !... : tant pis.
Toujours est-il que, depuis deux semaines, je lis, relis, souligne et annote ce sobre et percutant essai, ce qui m'entraîne même à relire des pages qu'il recommande de Kropotkine ou Bakounine. Car, en solide anarchiste qu'est Baba, il a un pied dans l'immédiat présent (et donc notre avenir souhaité) et l'autre dans l'héroïque histoire sociale de notre odieuse société industrielle imposée, où (pour paraphraser Léo Ferré) les anarchistes ont tant cogné... qu'ils peuvent cogner encore !
A sa singulière façon cet écrit « cogne » : à la fois par la rigueur intellectuelle de démonter la machine infernale du système capitaliste condamnée à « la croissance » déshumanisante et par le choix de beaucoup d'exemples comme celui-ci, que j'ai légèrement retouché pour faire court : « Pour les dirigeants d'entreprises dont le métier est de couper les êtres de leur propre vie biologique, en matière de toilettes (par exemple l'usage des toilettes dites « sèches »), il faudrait taxer lourdement les dangereux terroristes qui refusent de voir leur merde se transformer en argent ». Cette citation est extraite du chapitre 2, « De notre sensibilité », qui évoque les puanteurs qui empoisonnent nos vies. Et, thème récurrent, tout l'ouvrage s'inspire de cette expression dénichée dans « Le Capital » de K.Marx : « sensible et sensiblement suprasensible »...: car, oui, nous sommes ce réel du vivant suprasensible, contre l'abstraction du système monétaire marchand, que justifie l'imposture d'une « Science de l'Économie ».
Le premier chapitre a ce titre en forme de boutade « Où l'on se félicite que les anarchistes soient de piètres économistes » et se termine ainsi (extraits) : « Par « anarchie économique », nous entendons son sens populaire de désordre. Les soubresauts d'agonie de notre vieil adversaire libéral ont des conséquences catastrophiques pour l'ensemble des êtres humains et naturels qui doivent subir la pression de ses dernières forces.(...) Mais par « anarchie économique », nous entendons aussi, conformément à l'originalité profonde de la pensée libertaire, ces moments particuliers qui, grâce à la débâcle économique, rendent possibles de nouvelles associations et alliances potentiellement émancipatrices entre les êtres pour créer (ou ne pas créer) des richesses.(...) L'esprit de l'anarchie,qui intègre toute la négativité du!onde -à la différence des insupportables romances à l'eau de rose servies continuellement (solidarité, éthique, citoyenneté, vivre ensemble, etc.)- est le mieux à même de saisir les potentialités émancipatrices de notre situation. Lesquelles semblent totalement évanouies aux yeux des mouvements sociaux et politiques « sérieux », quelque soit leur couleur. Pour la simple raison que ceux-ci ont, pour leur malheur, scéllé leurs destins avec des forces aujourd'hui mortes (libéralisme, communisme, social-démocratie...) ».
A sa singulière façon cet écrit « cogne » : à la fois par la rigueur intellectuelle de démonter la machine infernale du système capitaliste condamnée à « la croissance » déshumanisante et par le choix de beaucoup d'exemples comme celui-ci, que j'ai légèrement retouché pour faire court : « Pour les dirigeants d'entreprises dont le métier est de couper les êtres de leur propre vie biologique, en matière de toilettes (par exemple l'usage des toilettes dites « sèches »), il faudrait taxer lourdement les dangereux terroristes qui refusent de voir leur merde se transformer en argent ». Cette citation est extraite du chapitre 2, « De notre sensibilité », qui évoque les puanteurs qui empoisonnent nos vies. Et, thème récurrent, tout l'ouvrage s'inspire de cette expression dénichée dans « Le Capital » de K.Marx : « sensible et sensiblement suprasensible »...: car, oui, nous sommes ce réel du vivant suprasensible, contre l'abstraction du système monétaire marchand, que justifie l'imposture d'une « Science de l'Économie ».
Le premier chapitre a ce titre en forme de boutade « Où l'on se félicite que les anarchistes soient de piètres économistes » et se termine ainsi (extraits) : « Par « anarchie économique », nous entendons son sens populaire de désordre. Les soubresauts d'agonie de notre vieil adversaire libéral ont des conséquences catastrophiques pour l'ensemble des êtres humains et naturels qui doivent subir la pression de ses dernières forces.(...) Mais par « anarchie économique », nous entendons aussi, conformément à l'originalité profonde de la pensée libertaire, ces moments particuliers qui, grâce à la débâcle économique, rendent possibles de nouvelles associations et alliances potentiellement émancipatrices entre les êtres pour créer (ou ne pas créer) des richesses.(...) L'esprit de l'anarchie,qui intègre toute la négativité du!onde -à la différence des insupportables romances à l'eau de rose servies continuellement (solidarité, éthique, citoyenneté, vivre ensemble, etc.)- est le mieux à même de saisir les potentialités émancipatrices de notre situation. Lesquelles semblent totalement évanouies aux yeux des mouvements sociaux et politiques « sérieux », quelque soit leur couleur. Pour la simple raison que ceux-ci ont, pour leur malheur, scéllé leurs destins avec des forces aujourd'hui mortes (libéralisme, communisme, social-démocratie...) ».
*
Cet essai n'a que 130 pages et comprend 6 courts chapitres que j'ai d'abord « dévorés » d'une traite, comme d'autres peuvent le faire d'un bon thriller, avant d'actuellement le relire attentivement (j'en suis à mi-chemin, mais étais pressé de vous faire part de ma trouvaille). Je n'ai ci-dessus que cité quelques lignes des deux premiers chapitres, quitte à continuer cette présentation, si le cœur vous en dit : si vous en êtes comme moi, « baba » !
Voici, pour terminer cette fois, quelques lignes pêchées dans le choix d'extraits fait par l'éditeur :
« L'anarchie(...)est attentive à toutes les formes de sensibilité, de dénonciation sensible de l’horreur marchande (tels l’urbanisme pavillonnaire, le nihilisme de l’art contemporain, etc.) ; l’élaboration de savoir savants n’est qu’une forme de sensibilité, ou subjectivité, particulière. C’est pourquoi l’anarchie est portée tout autant par des écrivains, des poètes et des musiciens.
L’anarchie s’intéresse, comme à toute chose, aux pratiques coopératives et émancipatrices et reconnaît bien volontiers, lorsque tel est le cas, leur capacité à promouvoir localement des rapports plus libres entre les êtres. Ce qu’elle refuse c’est la prétention de certaines d’entre elles à se constituer comme source principale de ré-agencement du monde. C’était déjà vrai lorsque des « socialistes utopiques » allaient, en France ou au-delà des mers, constituer des colonies – des « communautés » dirions-nous aujourd’hui – destinées à illuminer et bouleverser le monde entier par effet d’imitation généralisée. C’est d’autant plus vrai dans le contexte contemporain où la marchandise a jeté ses larges filets. » Et enfin ceci, à méditer !:
Voici, pour terminer cette fois, quelques lignes pêchées dans le choix d'extraits fait par l'éditeur :
« L'anarchie(...)est attentive à toutes les formes de sensibilité, de dénonciation sensible de l’horreur marchande (tels l’urbanisme pavillonnaire, le nihilisme de l’art contemporain, etc.) ; l’élaboration de savoir savants n’est qu’une forme de sensibilité, ou subjectivité, particulière. C’est pourquoi l’anarchie est portée tout autant par des écrivains, des poètes et des musiciens.
L’anarchie s’intéresse, comme à toute chose, aux pratiques coopératives et émancipatrices et reconnaît bien volontiers, lorsque tel est le cas, leur capacité à promouvoir localement des rapports plus libres entre les êtres. Ce qu’elle refuse c’est la prétention de certaines d’entre elles à se constituer comme source principale de ré-agencement du monde. C’était déjà vrai lorsque des « socialistes utopiques » allaient, en France ou au-delà des mers, constituer des colonies – des « communautés » dirions-nous aujourd’hui – destinées à illuminer et bouleverser le monde entier par effet d’imitation généralisée. C’est d’autant plus vrai dans le contexte contemporain où la marchandise a jeté ses larges filets. » Et enfin ceci, à méditer !:
« Une forme sociale, la marchandise, née de l’imagination fertile des êtres humains, leur a échappé au point d’installer une domination qui les coupe des plaisirs et des contraintes nées de la vie naturelle et sociale. À la différence des grands prêtres traditionnels, les pseudo dirigeants contemporains avouent benoîtement, comme le plus plat des nihilistes, fonder leur œuvre sur rien. Aucun message divin, aucune providence, aucune finalité. Comment pourraient-ils dire le contraire puisque, simples supports déshumanisés permettant aux marchandises d’aller sur les marchés, ils n’ont de fait jamais rien fondé du tout. Se contentant de détruire mécaniquement, en eux et hors d’eux, toute forme de vie qui passe à leur portée. »
Sous l'casque d'Erby
Bonjour caillardeuses et caillardeux.
RépondreSupprimerEn veux-tu, en voilà. Non, je ne suis pas "baba" devant cette lecture. A mon âge !... En revanche, oui, je suis heureux de découvrir des personnes qui, de génération en génération, prennent le relais, portent le témoin dans une course où tout est recommencement, où chacun découvre la lune et fait tout ce qui est en son pouvoir pour continuer à la voir briller longtemps après sa mort, en admirant et en partageant sa lumineuse rotondité. Oui, je suis heureux d'entendre le printemps dans le gazouillis des oiseaux, à la suite de tant et tant de générations disparues, me réjouissant quand le ciel est clément, pleurant quand sous sa toile tendue des humains souffrent et meurent dans la boue pour satisfaire l’appétence d'une minorité sanguinaire... Anarchiste, moi ? Je n'aime pas les étiquettes qu'on se colle sur le front comme un code-barres, un être humain n'est pas un produit de consommation courante. Anar je l'étais avant même d'en connaître la signification et l'usage (parfois abusif) qu'on peut faire d'un idéal hautement noble, et non point le « chaos », le « désordre » ou le « trouble » sous lequel il est désigné par des ignorants ou ceux qui ont du privilège à perpétuer, de la corruption à cacher, de la confusion à propager, du sang à répandre et des mains sales à laver… Mais, va-t-y pas que je m'égare. Est-ce diable possible !…
La bonne journée à toutes et à tous.
Rassures-toi, jeune homme !... A mon âge à moi, je ne crois pas être "gaga au point de retomber en enfance", cet âge merveilleux où l'on est trop crédule, facilement "baba" devant un prestidigitateur, par exemple (cet illusionniste s'appelle plus poétiquement "gali-gala" en Égypte de mon enfance).
SupprimerSi j'ai repris ce mot en titre, c'est simplement par sympathie intellectuelle avec ce boute-en-train de Baba, enfonceur de "portes ouvertes qu'il faut toujours ré-enfoncer" (slogan de 68) car il est tristement vrai que, tous et chacun(e), avons tendance à "baisser les bras" dans le quotidien ("faut vivre..." chante Mouloudji) face à la machine-fric... du code-barres.
Que tu refuses de te coller au front l'étiquette anar en code-barres est digne de l'anarchisme réel (ni Dieu ni Maître) qui t'anime, à ta façon, moi à la mienne et Baba à la sienne : son bouquin est tout sauf un "programme politicard" à séduire le citoyen lambda, chose courante parmi les (piètres) prestidigitateurs de l'appareil "démocratique", paravent de la dictature du FRIC...
Bonne journée-z-aussi !
RépondreSupprimerJe constate que la confusion entre désordre et anarchie perdure, alors que ce sont presque des opposés. C'est dommage, car précisément, pour faire avancer l'idée et ce qu'elle sous-tend, il faudrait au contraire insister sur le fait que œuvrer ensemble pour un but commun est bien plus facteur de désentropie que ce brouillon de capitalisme ramenant tout à quelques-uns au prix du désordre généralisé. Le terrorisme d'État n'est-il pas un puissant facteur de pagaille, de destructions, d'agressions, de morts ?
C'est évidemment "pour mettre les pieds dans le plat", ou "prendre au mot", par boutade, que Baba rapproche les deux sens du mot anarchie. La confusion est faite par le terrorisme d'État et des Banksters, le vrai maître facteur de pagaille, etc.
SupprimerC'est un humour que je trouve, pour ma part, percutant : il relativise l'importance des grands mots si souvent piégés (cf. notre fière devise nationale!) par rapport aux réalités de nos œuvres émancipatrices si diversifiées, humbles et quotidiennes ET, à l'occasion d'une x-ième catastrophe sociale de plus (ex. Grèce) pouvant déboucher sur une émancipation collective, révolutionnaire... (c'était le sens du message de Raoul Vanegeim, à qui j'ai consacré précédemment un billet).
An’art chie dans la rue et dans les champs, comme les oiseaux et les crocodiles. Il changent de nid quand il est sale pour que d’autre vie s’en nourrissent jusqu’à épuisement. Il va
RépondreSupprimerLes chiotes sèches , c’est déjà du rangement . Qui dit rangement dit ordre et annonce, préposés , graine d’indispensable chef. Les surveillants s’invitent rapidement , humble suprématie pour le bien commun....Le chef ? Il a juste gueulé plus fort « Il faut chier droit, viser la paille! » Ça marche, nous sommes loin d’être BETE , nous sommes si sensibles.....
Oui, cheftaine !
SupprimerD'un strict point de vue c'est hors-sujet, mais pourtant pas tout à fait... concernant nos libertés fondamentales si menacées :
RépondreSupprimerhttp://www.altermondes.org/citizenfour-dans-les-coulisses-des-revelations-dedward-snowden/
Pas hors sujet du tout, Rémi. Au contraire ! Comme quoi il faut bien regarder où on plante les arpions, terrain miné !
Supprimer