Photo Jean Phi |
Mais
la poésie, je la reçois bien d'un vent, un paysage, une ville, une
chanson populaire hongroise, turque ou bantou dont je ne comprends
pas les mots... Je la découvre dans une chorégraphie, un tableau ou
l'œuvre romanesque d'un Le Clézio, Camus, chez tant d'autres
prosateurs, même réputés « lourds », comme James
Joyce, Bernanos, voire George Orwell...
Bien
inconsciemment, une belle dame m'a donné un jour la « borne »
physique dans mon actuel classement, séparant les deux domaines
principaux de ma bibliothèque littéraire : rayons supérieurs
« Poésie... » et inférieurs « Roman... ». Ce
cadeau-borne est un gros livre luxueux consacré à une collection de
papillons du Muséum de Paris, livre inclassable !! : ici,
son recyclage en poste-de-douane (mobile sur l'étagère, au grée
des arrivages ou départs!) entre Poésie et Roman me sied :
quand les soldats seront troubadours, les douaniers seront...
papillons !: totale Révolution !
Provisoirement
bien moins rangé que mon rayonnage « Poésie... », ce
vaste secteur « Roman... » fait lui aussi 5 bons mètres
linéaires de rayonnage, du franco-grec Vassilis Alexakis au
viennois-européen Stefan Zweig... Différence : le romanesque
me fournit beaucoup d'occasions de donner-recevoir des livres entre
amis visiteurs. Car, à tort ou à raison, j'estime ne pas avoir à
garder (sauf exceptions!) un roman lu et à faire lire !... Et
tant pis pour moi s'il me prend envie de relire Marguerite Duras ou
Mohammed Dib, dont le livre est donné ou « prêté » en
général sans retour !
*
Existe
plus à part un classement - car en principe non littéraire -,
démarrant au rayon le plus proche du plancher et se prolongeant dans
une étagère basse et sur des planches récemment installées dans
le couloir. Ce très désordonné troisième secteur est celui des
« Documents... ». Il fait aussi 5m, ... voire 8 avec ses
sous-catégories « domaine arabo-musulman » et
« doc-poche ». Là encore, la frontière entre ces
ouvrages scientifiques, écologistes, géohistoriques, politiques,
etc. d'une part et essais littéraires d'autre part reste, quoique
plus nette, fragile : il m'est arrivé de ranger, en toute
subjectivité, de « grandes plumes » comme Élisée
Reclus, Gaston Bachelard, Hubert Reeves, Théodore Monod ou Edgar
Morin parmi les littéraires, alors qu'ils sont d'abord de
grands penseurs, dans leurs domaines scientifiques respectifs, à
ranger en principe au secteur « Documents... »…
Élisée
Reclus (1830-1905) lui, est le plus inclassable de mes écrivains
favoris, poète, scientifique, révolutionnaire anarchiste. Depuis
Diderot et D'Alembert il est plus immense encyclopédiste de langue
française, je crois : capable de diriger son grand-œuvre, les
19 tomes de « La Nouvelle Géographie Universelle » (1875
à 1894), après, entre autres, avoir écrit « Histoire d'un
ruisseau » (1869), et avant sa dernière œuvre majeure
« L'Homme et la Terre » (6 vol., parus post-mortem de
1905 à 1908). Cela tout en voyageant beaucoup - et beaucoup à pied,
en observateur -, avoir fait le coup de feu en tant que Fédéré
dans la Commune de Paris (1871), avoir rencontré souvent d'autres
anarchistes célèbres, et avoir guidé bien des jeunes, dont
Alexandra David-Néel !: quel œuvrier !...
De
toute façon, comme toute révolution digne du nom, ma très modeste
« révolution » de vieux bibliothécaire privé est
destinée à être sans date de fin, se prolongeant peut-être
au-delà de ma mort par la dispersion, legs ou donation de cette
bibliothèque : la question n'est pas là. Elle est de savoir si
j'aurai assez de temps, avant de mourir ou d'être gâteux, de lire
avec joie les 60 à 80% des pages que je n'ai pas encore lu de mes
livres !! : Ils ont tous été feuilletés, certes, presque
tous lus en diagonale, plus ou moins. Et, plutôt plus que moins,
oubliés. Ils ont parfois été entièrement lus, voire re-relus,
outrageusement annotés, parfois. Mais
il a fallu cette mini-révolution pour m'arracher de la lecture sur
écran :
Rien
de tel qu'un papillon en marque-page d'un livre de papier, ce
luxe !... Merci à la gente dame de nos amours d'antan de
m'avoir rappelé cette vérité première : bisou-papillon à
toi ! Volons aventureusement vers les belles fleurs d'avenir !
Nota-Bene :
Bien
des gens ont très peu de livres, au prétexte qu'ils sont chers...
pas pour moi !
1-
L'essentiel de mon installation de bibliothèques ne m'a presque rien
coûté : j'ai récupéré sur le trottoir (ou par dons), non
seulement TOUS mes meubles (sauf un tabouret en solde), mais
étagères, planches et panneaux en pagaille. Une scie égoïne, un
marteau et quelques clous ont fait le reste : il n'y a même pas
de vis scellées aux murs, cela tient en force entre deux murs
latéraux, sur le plus grand de mes murs, avec simple tablette
anti-bascule, dépassant d'un rayon !
2-
Autant que possible, j'achète au prix minimum mes livres :
poches, occasions, par troc auprès de bouquinistes... S'il m'est
arrivé de « piquer des bouquins », il y a prescription :
c'était surtout au quartier latin vers 1964-8, notamment chez
Maspéro. Mais ayant eu la chance de le connaître à l'époque de sa
faillite (1971) quand j'étais ouvrier d'imprimerie, je lui ai fait
un chèque de soutien !
3-
Je n'ai ni bagnole, télé, machines « repasse-limace »
(dixit Vian) superfétatoires. Et j'use à fond mes modestes biens
d'usages (garde-robe, vaisselle, etc.). Mais j'ai quelques « luxes ».
Soit, dans l'ordre du coût : cigarettes, livres (à lire et à
écrire!), cinés, concerts, bistrots (de moins en moins d'ailleurs).
Et je m'en sors comme ça, ric-rac, avec 1150€/mois... C'est plus
que tant d'autres : oui !
Sous l'Casque d'Erby
Bon ce Jour, les caillehardeuses et caillehardeurs, et très cher Ptit Rem,
RépondreSupprimerC'est tellement confort avec mes lunettes !!! Un délice comme ce midi, où j'ai vu de mes yeux cette magnifique bibliothèque, que je ne reconnais plus, la grande classe Ptit Rem, je vais effectivement m'y attarder comme souvent et de repartir un livre sous le bras, ou mieux le bel oeuvrage sera à la place que j'occupe dans la cuisine et je vais de surprises en surprises. Cela fait chaud au coeur d'avoir un AMI comme Toa qui parvient à calmer tant bien que mal la fougueuse, punk, rageuse, indignée, écorchée vive, acharniste de l'Anarchie, révoltée, sur-voltée, dopée à la vichy celestin, jus de pommes, pulco, oasis, apaisée par quelques joints et des plaisirs simples. J'ajoute que grâce à Toa, j'ai repris le goût de l'écriture je t'en remercie du fond du coeur, c'est une thérapie pour une bizzarerie psychiatrique comme moi. Tu vois je n'arrive même pas à l'orthographier correctement tellement je ris.Toujours est-il que je te félicite car je n'ai pas été très démonstrative ce midi et pour cause. Et hop je suis la première !!! en tout et toc. A Bon Entendeur Salut (BASE)
Salut à Toa même, "fougueuse, punk, rageuse, indignée, écorchée vive, acharniste de l'Anarchie, révoltée, sur-voltée, dopée à la vichy"... j'abrège !!! : la suite de vive-voix ! ... entre amis rieurs et révoltés, sans gourourourou...
SupprimerSalut Rem, salut tout le monde ! Je suis émue par le mot de Val ! Et je me retrouve tellement dans ton billet Rem... Moi aussi, j'ai toujours privilégié les livres avant le reste, et les clopes, et celles qui sont parfumées aussi... Voilà, que demander de plus ? Un petit chez soi où on peut lire, écrire, fumer, boire un bon verre de rouge, s'offrir un bon petit plat tout simple mais goûteux, les amis, la petite famille... L'essentiel !
RépondreSupprimerPar contre, les alexandrins ne me barbent pas, et ça m'amuse même d'en écrire parfois ;-) La bise et bon dimanche à toutes et tous !
Tu évoques ton "essentiel" : soit, et je respecte ton choix. Mais, de fait (sans choix possible), ma vie a tant été bousculée par les guerres, soit ouvertes (Égypte, Algérie) soit larvées (sociales et culturelles) et même intimes que, pour moi, l'essentiel est d'œuvrer contre ce monde infâme d'injustices sociales et de soumissions... dès la famille et l'école, d'ailleurs.
SupprimerEt ma bibliothèque, surtout en poésie, m'est une soupape d'anti-stress, et mieux : une recharge d'énergie dans la LIBRE fraternité...
Ce n'est pas un choix, mais une constatation, après avoir vécu et été bousculée, comme toi et certainement tant d'autres, par les guerres, les blessures, les souffrances, les traumatismes, etc, et qui restent là, toujours en soi, à orienter nos chemins. Tu oeuvres, d'une certaine manière. J'oeuvre d'une autre manière, mais je sais aussi ce qui peut donner du goût à la vie. Sans cela, tout serait vide de sens et sans intérêt. Quant à la lecture d'oeuvres diverses, c'est ce qui fait grandir et c'est essentiel aussi... Quant à la recharge d'énergie, rien de tel que de s'immerger dans la nature, aussi insignifiante soit-elle.
SupprimerTa toute dernière phrase me rappelle que le dernier "chapitre" en retard de mon site Phoésie 3 se nomme justement : "FORCE NATURE", la vraie recharge d'énergie en effet !! Merci de l'ensemble de tes précisions ci-dessus... et œuvrons tous comme on peut, en relations égalitaires, fraternelles, vers la Liberté et la Justice sociale !
SupprimerBonjour caillardeuses et caillardeux. Jamais eu l'idée de ranger les livres par genre ou catégorie, mais en vrac, par ordre d'émotion presque, dirais-je. Ainsi, un Michel Zévaco peut se trouver à côté d'un autre Michel, Bakounine celui-ci, ou de Simone de Beauvoir, ou d'une édition du Kama-Sutra, ce qui est tout à fait compatible à mes yeux, ou, que sais-je encore, "les 21 jours d'un neurasthénique" d'Octave Mirbeau, la liste est inépuisable. Pour aller au plus droit, les livres chez moi sont rangés - ou pas - comme les gens dans la rue... Sinon, Rémi, pour ce qui est de "L'homme et la terre" d'Elisée Reclus", il y a eu deux éditions, celle de 1905 en 6 volumes dont tu parles et celle que je possède de 1930 (je crois) en 3 volumes...
RépondreSupprimerÔ combien je comprends et me touche le Erby du jour. La bonne journée à toutes et à tous.
Du moment que tu t'y retrouves, dans ta belle caverne (au grenier!) d'Ali-Baba-bibliothécaire...
SupprimerJ'espère la revisiter encore !
Merci Rémichhh pour cette petite visite littéraire de bon oeuvrier que tu es.
RépondreSupprimerJe pense à la chanson de notre poète commun , notre ami Léo. J’ai tut visité ce matin, je n’ai pas eu de temps hier, mon grand fils est arrivé.
Donc de Léo :
On m'a prêté quatre vieux murs pour y loger mes quatre membres
Et dans ce réduit très obscur, je voulus installer ma chambre
Pour lui donner un air coquet, je suspendis aux murs en pente
Les diplômes que j'ai manqués et mes décorations absentes
Sur une table les photos de celles que se refusèrent
Sur des rayons les in-quarto des livres que je n'ai su faire
J'ai mis derrière les fagots les grands crus de notre royaume
Les Chambertin et les Margaux dont j'ignore jusqu'à l'arôme
Et dans un vaste coffre-fort, rangés en piles régulières
Toutes les valeurs et tout l'or que j'aurais pu gagner naguère.
Par la fenêtre se glissant, voici qu'un doux rayon bleuâtre
Est venu remplir mon théâtre d'un mobilier étourdissant
Voici des tapis d'ambition, voici des tentures de rêve
Voici qu'un rideau se soulève sur un chevalet d'illusions
Voici des coussins de serments couvrant des fauteuils de promesses
Et puis des colliers de tendresse et des bouquets de sentiments
Voici le mirage de l'Art, voici des songes en rasades
Le divan de Schéhérazade et le clavecin de Mozart
La chimère en quatre secondes, décorateur sur champ d'azur
A fait de mes quatre vieux murs la plus belle chambre du monde.
La, la, la, la, la, la, la.
Je ne connaissais pas ce texte, magnifique !!!!!!!!!!!
SupprimerEt je découvre qu'il est en zique du jour ! : je l'avais déjà entendu... mais oublié !!
SupprimerTe laisses pas faire Erby .... C’est exactement ce qu’ils essayent de nous faire pour qu’on se taise
RépondreSupprimerJ’adore ton cochon !
Ah oui, l'Erby-du-jour!!: ... en particulier la vache mélancolique qui avoue ne plus avoir envie de dessiner... cependant que l'ingénu vol de l'ami papillon, à côté, indique silencieusement la réponse : "mais je dessine : c'est ma vie !!..." . Merci de nous surprendre, tous les jours, de ta belle lucidité utile, l'ami René !
RépondreSupprimerSinon, chacun de vos vigoureux trois commentaires précédents appellent une réponse de ma part. Ce sera pour plus tard : je vais d'abord reprendre du café réveil-matin et écouter échos des monstrueuses mochetés du monde des puissants, qui tente de nous asservir...
J'évoquais "trois commentaires précédents" car, Martine, je n'avais pas encore lu tes commentaires...
SupprimerRaison de plus de prendre pause-café avant de vous répondre !!!
La fourmi et la cigale
RépondreSupprimerUne fourmi fait l'ascension
d'une herbe flexible
elle ne se rend pas compte
de la difficulté de son entreprise
elle s'obstine la pauvrette
dans son dessein délirant
pour elle c'est un Everest
pour elle c'est un Mont Blanc
ce qui devait arriver arrive
elle choit patatratement
une cigale la reçoit
dans ses bras bien gentiment
eh dit-elle point n'est la saison
des sports alpinistes
(vous ne vous êtes pas fait mal j'espère ?)
et maintenant dansons dansons
une bourrée ou la matchiche
Raymond Queneau
Ah la matchiche !!! Ah la bourrée !!! : J'ai souvenir de vous avoir vu danser quelque chose du genre, Martine et toi, Rodolphe, dans une gaie parodie du "attrape-moi si tu m'aimes!", sur le (vague) gazon de votre jardin : vos poules étaient affolées...
Supprimerj'espère que tu as au moins un Jim Harrisson dans ta bibliothèque. Je pense qu'il fait le lien entre roman et poésie. Amitiés dominicales
RépondreSupprimerMême pas de Jim, désolé! et merci du conseil...
SupprimerMa pause-café s'est prolongée car la radio m'a causé de la mort de deux très grands écrivains engagés (à peine plus âgés que moi), André Brinck et Assia Djebar... tous deux absents aujourd'hui de ma bibliothèque, ces papillons de la Révolution !
RépondreSupprimerSi je ne me souviens pas avoir jamais eu ni lu un livre d'André Brinck (dont j'ai suivi de loin en loin le combat, auprès de Mendela), j'ai par contre beaucoup lu Assia... et je l'ai même connu en 1966, bien avant qu'elle soit célèbre, car elle s'était crânement invitée dans une réunion de militants de l'UNEF, décidant de je ne suis plus quelle x-ième grève dans un bidon Institut du blabla néocolonialiste où je fus un temps égaré!!
J'avais de la fougueuse Assia (="Consolation") Djebar (="Intransigeance") l'un de ses premiers ouvrages (roman prétexte à revendiquer la reconnaissance du rôle de la femme algérienne dans la Guerre d'Indépendance) titré "Les enfants du nouveau monde" : rien que ça !!!
Assia est la seule femme d'origine algérienne (et binationale) à être entré à l'Académie Française(2005). Son discours d'entrée fut bien sûr et surtout un réquisitoire contre l'atroce colonialisme français en Algérie. Cela ne plu évidemment pas à de nombreux aKKKadémiciens... et Assia boycotta, depuis, cet "auguste" cénacle... où elle était entré par DÉFI ! Bise à toi, la belle courageuse !!
Tout à fait par hasard, je suis tombé non pas exactement face à un lombric, mais face à un nouveau petit livre joli intitulé : "L'Homme et le ver de terre" !
RépondreSupprimerPour mes 10 balles (d'€) j'ai lu cette "FABLE" (mirlitonnement versifiée, soit, mais ça passe) de Marie-Laure Guihard, édité, maintenant dans ma ville de St-Nazaire (!) après Paris - retraite de son créateur oblige! - , "éditions Petit-Génie", car :
"Petit Génie de ceux qui savent que rien n’est acquis et surtout pas le rapport de l’homme et du végétal.
Petit Génie de l’alliance entre les sciences humaines et les sciences « dures » afin de contribuer à la transdisciplinarité."
Bref, il ne me reste plus qu'à faire connaissance de ce petit-génie d'éditeur qui a la bonté de venir jusqu'à un amoureux de papillons !!
Bref, allez en voir plus sur www.editions-petitgenie.fr ! bonne soirée à tous...