samedi 22 juillet 2023

Carte postale du Finistère

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Un tout petit oued du Finistère (1km² de superficie à tout casser), très arboré, d'un charme incroyable, sinuant le long d'un bras de mer poussé par la Manche jusqu'à Morlaix : Locquénolé.
Longeant la route que nous y conduit, on éprouve la sensation qu'une partie de la forêt est venue piquer une tête dans ses eaux, qu'elle s'est figée sur ses flancs, tel le cormoran séchant ses ailes après une bonne partie de pêche.
Un bourg légèrement bosselé, où trône une église superbement rénovée. Un « arbre de la Liberté » à l'entrée tend des bras protecteurs, comme pour signifier que si le monde bascule dans la folie, ici rien ne bouge et c'est très bien ainsi.
Dans l'un des passages opéré dans le muret d'enceinte, une plaque de granit d'une trentaine de centimètres de haut barre l'accès. Elle a été fixée pour empêcher l'Ankou de le franchir afin de voler l'âme des morts.
Maître de l'au-delà, l'Ankou fait partie du patrimoine imaginaire des Bretons.
Se véhiculant de diverses manières, selon que l'on est de l'intérieur des terres ou du bord de la mer, aucune ne contestant son statut, l'Ankou est du genre noctambule. Si d'autres travaillent le jour, lui, c'est pendant la nuit qu'il rend son quart.
Qu'il fasse un temps de chien ou un temps d'amourette, le grincement des essieux de son chariot fait trembler les grenouillères dans les lits clos ! Entendre le bruit ou distinguer dans le noir la silhouette de l'attelage annonce la mort inéluctable d'un proche.
Le père Alfred (Hitchcock) n'a rien inventé en matière de « sueurs froides ».
Le silence des églises – des églises comme celle-ci – est traversé par le feutre des conversations millénaires dont l'écho vous saisit sans que vous sachiez si elles sont réelles ou le fruit de l'imagination. Des murmures me parviennent depuis le seuil. Je me lève et quitte le lieu en contournant les intrus.
À l'extérieur, la lumière est d'un bleu intense. Le bruit du réel contraste à peine, tant la quiétude de ce bourg est apaisante.
Je dis au revoir à l'Arbre de la Liberté, posant instinctivement la main sur l'écorce, comme si mon empreinte pouvait empêcher l'Ankou de lui prendre son âme.
Je me dirige vers la salle dans laquelle a lieu le vernissage d'une exposition d'artistes où je suis convié. Ambiance convenue, mais agréable. Les pigistes de la presse locale, tout en décontraction, attifés « café de la plage », font du mieux pour briser la routine qui les accable.
Soudain, sans que l'on sache pourquoi, un des « guide-ânes » — c'est ainsi que Baudelaire désignait les faiseurs de comptes-rendus artistiques –, pigiste de la page locale du journal régional, dit de manière assez sonore : «  La France est la plus grande démocratie au monde ! » Il s'adressait à un exposant qui d'évidence a exprimé des doutes sur la question. Un blanc sans conséquence dans une journée en tous points remarquable.
Ce soir-là, j'ai dormi la fenêtre ouverte, bercé par le cri de la hulotte dans les bois proches.

Sous l'Casque d'Erby


12 commentaires:

  1. Le bonjour à toutes et à tous. Une petite pause et je repars. Cette fois direction Guimaec, toujours dans le Finistère et encore un vernissage. Utile et agréable. Pas le temps, juste ce qu'il faut pour y laisser quelques instantanés. Le bon weekend à toutes et à tous.

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  2. Salut Rodo. Dommage, je ne peux pas dormir la fenêtre ouverte, car c'est une porte, et j'ai déjà eu la visite d'un hérisson... mais j'ouvre dès mon réveil, 4 heures du matin par exemple. Fin prêt pour accueillir la fournée du jour de Volti à 5 heures, et celle de Robert Bibeau à 6 heures (il est alors minuit au Québec).
    Cela explique que quand je travaillais pour Dazibaoueb, dès 3 heures j'étais en lecture sur le site de la NHK en anglais, afin d'avoir le temps de traduire les dépêches intéressantes sur le désastre de Fukushima. Elles venaient juste d'être posées.
    Bonnes vacances ! Et n'oublie pas de goûter quelques huîtres de Prat Ar Coum, les meilleures !

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    1. Pour affirmer que les huîtres de Prat ar Coum sont les meilleures, c'est que je les ai comparées avec celles de la baie de Bourgneuf (entre les îles Yeu et Noirmoutier et le continent), celles de Saint Vaast la Hougue (nord-est du département de la Manche), celles de Marennes-Oléron (ici ce sont les seules qu'on trouve) et celles de Bouzigues (bassin de Thau). Pas eu l'occasion de voir avec celles d'Arcachon. Celles de Bouzigues ont un goût différent (c'est la Méditerranée). C'est en queue de peloton que je place les normandes.
      Pour les Marennes-Oléron, souvent je prends celles de Chaillevette, au bord de la Seudre. C'est comme à Prat ar Coum, un mélange entre l'eau de rivière et l'eau de mer selon les marées. Mais je trouve que le mélange des Abers (Aber Benoît et aber Wrach') est encore plus réussi. Mais Prat ar Coum, c'est un seul producteur, ce qui limite le tonnage. Au bénéfice de la qualité.
      .
      Un détail a son importance : ici le producteur de Chaillevette est présent toute l'année aux Halles de Niort, mais quand il fait trop sec en été c'est l'eau de mer qui prédomine, et les huîtres sont un peu trop salées. En revanche quand il pleut beaucoup, elles sont nettement plus fades : de ce fait le goût originel de l'huître prédomine, un peu aux dépens de la nuance que procure la nourriture planctonnesque de la navicule bleue (celle qui fait que ces huîtres sont vertes) qui a moins le temps d'être présente. Pour l'huître, la météo joue beaucoup. Pour les tomates, aussi.

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    2. Eh, peut-être certains ont-ils appris certaines choses sur les huîtres ! C'est pour nous un trésor régional, mais un trésor fragile comme souvent quand il s'agit du Vivant !
      Ceci dit, qu'on me propose une douzaine de Fines de claire N°2, 1, ou même Double Zéro, je suis preneur. Bon, pour les Double Zéro j'en ferai deux repas. Généralement ce sont celles que l'on propose cuites.
      Pour le moment je n'ai pas eu l'occasion de goûter le Graal des huîtres : les Pousse en Claire.....
      https://www.huitresmarennesoleron.info/pousse_en_claire.html

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    3. Et be, dès que possible, je m'en vas les goûter ! Merci pour l'info +++ !
      Oma

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  3. Salut les zhommes ;-)...Et bien, pas si simple d'en être là :

    « Et puis un jour on sait et on comprend beaucoup de choses, mais il est trop tard, car toute la vie aura été décidée à une époque où on ne savait rien. »
    Milan Kundera.

    Aussi rien ne vaut cette fébrile déambulation joyeuse en Bretagne ! Bon week-end les amis d'ici...
    OMA

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    1. Bonjour Oma.
      Ce commentaire me rappelle une chanson
      https://www.youtube.com/watch?v=orDR4JA91F4
      Jean-Claude, en toute amitié
      Si je te disais qu'il y a quelques jours, j'ai passé deux heures au téléphone, avec une amie que je ne verrai jamais, qui me parlait du milieu d'une île au milieu de l'Archipel des Cyclades, où elle vit au milieu de ses cent chats (je l'aide un peu à les nourrir, elle fait le reste). Ah certes son papa fut quelqu'un de formidable....
      https://www.youtube.com/watch?v=_NcxqItZT6g
      Elle m'a d'ailleurs avoué (faudra pas trop le répandre, sans doute) que ce papa fort méritoire n'avait pas de mémoire, ni des textes, ni des postures, et que chaque nouveau sketch était pour lui "l'occasion" de mois de répétitions quotidiennes. Cela ne lui donne que plus de mérite.
      JC

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    2. Ravie par votre passage amigo :-) Et du rappel de cette chanson, pur chef d'oeuvre, réécoutée avec une infinie douceur...Redécouvert aussi Bernard Haller et de ce fait, eu envie de partager ce lien justement reçu à propos d'un autre Bernard !
      çà vaut le détour, promis...
      https://youtu.be/D1Flva6maMY
      Belle semaine, amitiés Jean-Claude,
      Oma

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  4. C'est du côté de l'Élysée que l'Akou... de balai devrait faire un ménage devenu plus que nécessaire ! 8-(((

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  5. Bonjour les amies et les amis.Comme souvent en été, la Bretagne n'est pas de tout repos pour les sédentaires : activités diverses, visites des gens de passage qu'on a plaisir à retrouve, une oxygénation différente. Particularité cette année, je vais jouer les grand-pères, puisque je reçois mon petit-fils que j'aurais plaisir à garder. Bref, de la bonne fatigue. Vous comprendrez que mon temps est tout colonisé et que donc ma participation au blog s'en trouve altérée. Le bon tout à tous et merci de vos commentaires et votre présence.
    J'aime la citation de Kundera déposée par Oma. Quant aux huîtres, merci à Jean-Claude, expert parmi les experts. A tout bientôt.

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  6. Que du bonheur et de la tendresse en vue Rod ! Je suis presque sûre que tu trouveras les mots pour le traduire et partager ! :-) A très vite ...
    Oma

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