L’heure est grave, Noël est là et nous voilà, une nouvelle fois, pris au piège infernal. Et dire qu’il y a tout juste un an, nous nous apprêtions à faire de même !
Que nous soyons cathos, protestants, agnostiques ou athées, chacun y va de son couplet, l'orgie nous est commune. Inutile de la faire comme l’autruche, car si bien elle enfonce la tête dans le sable – pour y échapper – qu’en est-il d'un arrière-train exposé à tous les vents ?
Pour ma part, voici un petit – tout petit – conseil de lecture.
Pendant ma période de retraite blogosphérique, j’ai beaucoup lu. Je dirai même relu : Zévaco, avec les Pardaillan, Borgia et autres Nostradamus ; Léo Malet et son inclassable Nestor Burma, Zweig avec l'incontournable joueur d’échecs ; Van Gulik, son juge Ti et ses enquêtes dans la Chine impériale. Je me suis aussi accordé un sacré bon temps avec Flaubert et son Bouvard et Pécuchet. Magnifique, même si inachevé !
Mais l’auteur dont je m’en vais vous conseiller la lecture en ce Noël se situe dans le registre de la SF et il n’a pas à rougir de se trouver en si bonne compagnie.
Le diptyque Wang de Pierre Bordage fait partie de ces œuvres qui marquent durablement l’esprit. L’action se situe au 23ème siècle, autant dire maintenant, tant il y a dans le contenu des éléments de notre époque qui l’attestent de manière frappante.
Wang, le jeune héros chinois, vit avec sa grand-mère
Li dans un quartier misérable de Grand-Wroclaw en Silésie, une sous-provinces de la Sino-Russie, empire politique reconfiguré par l’alliance des deux grandes puissances, sur laquelle règnent des néo-triades. Transgresser leur loi, c’est mourir ou fuir.
Un rideau électromagnétique protège le bienheureux Occident, toujours aussi riche et puissant, des encombrants voisins, les migrants, cherchant par tous les moyens à le rejoindre. Cela a un prix, et quel prix ! Je vous laisse le soin de sa découverte.
Cependant, de temps en temps, ce rideau électromagnétique s’ouvre pour laisser passer le quota d’émigrés dont l’Occident a besoin pour mener à bien ses petites affaires en perpétuant son confort égoïste. Dire que les places sont chères est pur euphémisme !
Wang l’orphelin élevé par grand-mère Li, n'a d'autre choix que de prendre le chemin de l'exil, avec pour seul bagage les conseils prodigués par grand-mère Li dont le Tao de la Survie lui servira de guide tout au long de l’extraordinaire épopée qui l'attend de l'autre côté du rideau et l'aidera à surmonter toutes les épreuves.
L’énorme talent de conteur de Bordage, ainsi que son incroyable inventivité tiennent en haleine sans temps mort. Cette œuvre, plusieurs fois primée, a le droit de figurer dans toute bonne bibliothèque.
Si, comme souvent en cette période, vous êtes à la bourre et ne savez pas quoi offrir à un proche qui aime la lecture, ne vous arrêtez surtout pas au genre - la SF peut bloquer certains esprits - foncez ! car c'est une œuvre remarquable d'intelligence et de finesse politique ! Offrez ce très beau cadeau de Noël.
Wang 1 : Les portes d'Occident - L'Atalante. Bibliothèque de l'évasion - Octobre 1996 - 460 pages
Illustration de Gess.
Wang 2 : Les aigles d'Orient - L'Atalante. Bibliothèque de l'évasion - Mai 1997 - 464 pages Illustration de Gess.
Sous l’Casque d’Erby