lundi 2 février 2015

"Je crois à l'interculturel" - J.M.G Le Clézio


C'est sur LE 1, hebdomadaire que j'ai découvert il y a peu,  que  j'ai copié le texte ci-dessous, l'entretien que J.M.G. Le Clézio a donné à Eric Fottorino qui a lancé l'aventure de ce canard pas comme les autres, se présentant sur une seule feuille, qu'on déplie, tel un "origami", pour atteindre la taille d'un poster.
Dans le contexte  dangereusement confus que nous vivons, où l'on parle beaucoup de "valeurs", sans bien préciser lesquelles, la voix de Le Clézio résonne comme celle d'un homme de cœur que nous devons écouter.
 


Source
"Je crois à l'interculturel"

J.M.G. Le Clézio, écrivain
"Notre problème est que l’école française est figée sur ses certitudes de posséder une culture unique, immuable et universelle. Or il faut entendre toutes les voix. Il est nécessaire d’apprécier ce qui est différent chez l’autre. Je crois à l’interculturel. Les enseignants ont ce dur travail à accomplir. Lorsque j’ai reçu le Nobel, j’ai visité une école remarquable à Rinkeby, en périphérie de Stockholm. On y favorise la mixité avec des enfants venus du monde entier. Chacun est invité à apprendre une langue différente de la sienne. Si tu es d’origine turque, tu apprends le grec ou le portugais. Une scène m’a ému aux larmes : des enfants éthiopiens ont chanté le Santa Lucia en italien. Quand on sait les conflits qui ont opposé l’Éthiopie et l’Italie…
Je suis partisan d'enseigner le fait religieux à l'école. Il devrait même exister dans certains lycées un lieu pour la religion. Le lycée d'Etat où j'étais abritait une chapelle avec un aumônier. J'ai suivi ses cours et j'ai souvent porté la contradiction. On ne peut faire abstraction de cette dimension religieuse. On étudie Pascal, c'est un philosophe chrétien. Pourquoi ne pas étudier les philosophes du monde arabe, du monde juif ? Il faut casser l'idée d'une littérature-nation. On pourrait lire Cervantès en classe en même temps qu'on lit Racine. Ce qu'on peut recevoir de cette lecture de Cervantès est magique. Il en va de même avec les auteurs des grandes sagas du monde, je pense aux Upanishad en Inde. Pour accéder à la littérature universelle, il faudra revoir beaucoup de programmes. Mais je ne suis pas ministre... En revanche, je peux me rendre dans des écoles. Je l'ai fait dans la banlieue parisienne avec une poétesse indigène du Canada, Rita Mestokosho. Avant de commencer l'entretien, elle a invoqué les esprits. Toute la classe a ri. Rita a dit : "Je ris avec vous car je comprends votre surprise" Peu à peu elle les a captivés. Les jeunes ont voulu savoir ce que signifiait de vivre comme une indienne au Canada. L'ouverture qu'avait permis cet échange était un moyen de prendre en compte les autres cultures. Pas seulement de les tolérer, mais de les aimer, de trouver ce qu'il y a de bon en elles. A l'île Maurice, mon cousin prêtre, le père Souchon, célèbre des mariages entre musulmans et chrétiennes. Il porte une chasuble moitié blanche avec un morceau de croix, et moitié verte avec un croissant. Il dit : "Vous élèverez les enfants comme vous voudrez !"

Propos recueillis par Eric Fottorino

Sous l'casque d'Erby
 
 

7 commentaires:

  1. Bonjour cailardeuses et caillardeux. Et oui, il existe encore en ce pays d'autres voix que celles, haineuses, d'un BHL ou d'un Finkielkraut.
    La bonne journée à toutes et à tous.

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  2. La voix de Le Clezio m'accompagne depuis au moins quarante ans...
    C'est celle d'un poète qui a choisi le roman pour s'exprimer : avec lyrisme très maîtrisé... et avec un humanisme philosophique très concret.
    Ce beau gosse qui obtint très jeune la gloire d'un prix Goncourt avait tout pour briller dans le parisianisme mondain : il l'a fuit !!!!!!
    Vivant surtout au Mexique, époux d'une Mauritanienne, fidèle à son île Maurice natale, ce cosmopolite honore la francophonie et surtout la force de la lucidité humaniste : sensible aux plus humbles et humiliés, qui peuplent ses romans, par ailleurs très enracinés dans le réel géographique, comme "Désert", un magnifique roman parmi tant d'autres, si émouvants...

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  3. Le mulet Cavanna pète encore ... très fort ! :
    http://www.alterinfo.net/Le-documentaire-Cavanna-meme-pas-mort-accuse-Charlie-Hebdo_a110389.html

    ou le dessous des cartes de "l'entreprise Charlie"...

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    1. Merci Rémi pour ce lien dont je viens de lire le contenu. Rien de nouveau sous les magouilles internes, ce qui explique, comme nous ne cessons de le dire, la perte progressive de lecteurs lors des dernières années... Lien en clair, pour ceux qui cherchent à savoir vraiment. Disant cela, je précise que le père Cavanna n'avait rien d'un complotiste : Le documentaire "Cavanna même pas mort" accuse Charlie Hebdo

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  4. Lire ceci, me tire les larmes ....J’ai fait mes classes en Afrique. L’enseignement français imposé m’appris l’absurde et la colère. J’aime Le Clézio . C’est un humain de la terre

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    1. A propos d'enseignement absurdement imposé "aux colonies" :
      L'immense poète algérien Kateb Yacine a construit son œuvre en langues amazig-kabyle (sa langue des racines profondes), en arabe (sa langue de lutte de libération nationale) et surtout en français, qu'il revendiquait comme "prise de guerre" !...
      Et, à mon avis, la vraie langue française s'enrichit BEAUCOUP d'apports d'outre-mers-et-déserts, avec des Vietnamiens, Levantins, Maghrébins, Africains sub-sahariens, Antillais, etc. Plus, bien entendu des cosmopolites genre Le Clezio, ou des artistes genre Zebda...

      Autre conséquence absurde de ce temps des colonies : autour du lac Tchad sont des populations souvent très proches du point de vue ethnique, mais aujourd'hui divisées par des frontières imposées arbitrairement par les aléas des conquérants anglais et français : d'où ces deux "langues officielles"... et des parlers "pidgin" locaux, sortes d'argots de langues coutumières+franglais...
      Et, en prime, le pire : on est divisé, malgré la vitalité discrète de la tradition religieuse ancestrale (dite "fétichiste"), entre Islam, dans ses variantes opposées, et Chrétienté, dans ses variantes opposées (catho, protestants)... C'est sur ce BORDEL de BOMBE à RETARDEMENT du colonialisme que prospère le pire, Boko Aram!

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