vendredi 5 décembre 2025

La Sécurité sociale, victime de trahison ?

Pixabay
La Sécurité sociale a été fondée sur des principes qui n’ont rien à voir avec ceux d’un établissement bancaire. Ses architectes n’ont jamais pensé cette œuvre de solidarité nationale comme une banque, avec ses calculs d’intérêts, ses majorations, ses pénalités, ni comme une machine à profits réservés, dictée par une logique de rentabilité ultralibérale. Elle devait être un rempart collectif, pas un produit financier. 
Le débat actuel sur le budget de la Sécurité sociale place le gouvernement Lecornu devant un dilemme : recourir au 49.3 ou obtenir la « cohérence » des députés. En clair : vous obtempérez, ou l’on vous coupe le sifflet. Ce qui prouve, au besoin, que la classe politique est en voie de disparition !
À l’origine, la Sécurité sociale – pour ceux qui s’en souviennent encore – reposait sur l’idée d’une mise en commun des ressources, d’un patrimoine collectif garantissant qu’aucun citoyen ne soit laissé sans protection sociale, quel que soit son parcours de vie. C’est à cette condition que le mot « solidarité » prend tout son sens. Or, au fil des décennies, les gouvernements successifs, malgré des prélèvements toujours plus lourds, ont, par leurs choix politiques et une communication biaisée, contribué à dénaturer ce projet. 
On a orchestré – délibérément ou non – une amnésie collective des fondements de cette institution, laissant se succéder des générations de citoyens de plus en plus ignorants de son histoire et de ses principes. L’État lui-même se garde bien de transmettre ce véritable savoir social et politique, lui préférant une adultération par la dénaturalisation des valeurs. 
Cette érosion de la mémoire, cette déformation progressive de l’idée originelle au profit d’une vision comptable et individualiste, constitue une véritable trahison. À ce stade, une entorse de plus ne risque guère d’émouvoir une classe politique en roue libre. 
L’action du Conseil national de la Résistance, portée notamment par la volonté de Jean Moulin et de ses compagnons, avait pourtant réussi à dépasser les clivages pour instaurer une Sécurité sociale visant à assurer à chaque citoyen des moyens d’existence dès lors qu’il ne peut plus les obtenir par son travail. 
Aujourd’hui, cet héritage n’inspire plus que des discours convenus, quand il n’est pas purement ignoré, au même titre que d'autres valeurs qui ont fondé un pays jalousé et respecté, il n'y a guère longtemps. 
Ce constat vise d’abord ceux qui sollicitent la confiance des électeurs pour accéder aux plus hautes fonctions. La tâche serait si élémentaire qu’ils en viennent même à négliger l’essentiel : présenter un programme de gouvernement structuré, à l’image de ce qui a pu exister, par exemple, avec le programme commun de la gauche en 1981 et quelques autres textes fondateurs, pas nécessairement de gauche ! 
À cette époque, les scrupules n’avaient pas encore sombré dans les abysses de l’Atlantide politique. Et cependant, les auteurs de ces programmes savaient déjà qu’ils ne seraient pas appliqués dans leur intégralité. Ni même partiellement. Mais ils s'en donnaient la peine d'en présenter. 
Comment, dès lors, feindre la surprise face au désengagement actuel des citoyens ? Ce désintérêt ne tombe pas du ciel : il est le produit d’une entreprise d’abrutissement collectif patiemment menée par des élites qui se cooptent, se financent et se protègent. Car ce sont bien ces mêmes élites qui alimentent les candidatures et engraissent les caisses occultes des campagnes électorales. Comment attendre de ceux qui doivent leur ascension à ces pratiques qu’ils respectent ensuite la parole donnée ? Le contrat implicite est clair : je te hisse, tu me renvoies l'ascenseur ! 
Les promesses faites au corps social passent après les services rendus aux réseaux. Il est plus que temps de remettre du sens dans ce qu’on appelait autrefois le bon sens. Retrouver le fil de la mémoire, rappeler ce qu’est la Sécurité sociale et pourquoi elle fut créée. Refuser de la réduire à un algorithme !  Et par ricochet mettre sur la table le principe de souveraineté nationale, les deux allants de paire.  
Voilà la condition pour redevenir collectivement maîtres de nos propres institutions. Il est plus que temps de retrouver l'essence du bon sens !
 
PS Ce texte est le fruit d’un commentaire posté chez les amis « Les Renards Futés », sous les infos de la renarde du 4 décembre. Invité à développer, j’ai poursuivi la réflexion engagée chez eux et voici le résultat : une chronique non exhaustive qui tente de résumer ce que nous savons et qui s’ajoute à une triste et longue liste de trahisons sociales des élites et des représentants politiques. 
 
Sous l’Casque d’Erby 
 
 

1 commentaire:

  1. Le bonjour aux passantes et aux passants. J'étais loin d'imaginer, pas plus tard qu'hier, en postant mon commentaire chez nos amis Les Renards Futés, qu'il allait servir de base à l'article ci-dessus. Etranget et sinueux chemins de la vie. La bonne journée.

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