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Pour compenser, je me suis retrouvé avec deux ouvrages qui n'ont rien à voir, dans leur forme et leur contenu, avec celui que j'étais venu me procurer.
Le premier à être passé sous mes châsses est l’œuvre d'Emmanuel Pons : « Je viens de tuer ma femme ». Le titre est brutal et peut heurter, je vous l'accorde. Le contenu l'est aussi, un peu. Bien moins cependant qu'on ne peut l'imaginer, s'agissant ici d'humour noir. Avant de faire le procès de cet homme, beaucoup moins dangereux que la flopée de mafieux célébrant la mémoire des clampins envoyés à l'abattoir lors de la Seconde Guerre mondiale, dont on fait commerce encore et toujours, écoutons ce que cet homme, victime de lui-même, dit pour expliquer son geste.
Après avoir commis l'irréparable, Emmanuel (c'est le nom du héros) s'est donné pour mission de trouver des oreilles bienveillantes. Pas n'importe lesquelles. Des oreilles qui savent écouter se font rares en ce monde. Cela ne se trouve pas au détour d'un clic chez le Bon coin, ni au premier coude du premier chemin vicinal venu ! Une oreille complaisante. Une oreille amie. Une oreille complice, avant de se rendre à la police.
Le premier à être passé sous mes châsses est l’œuvre d'Emmanuel Pons : « Je viens de tuer ma femme ». Le titre est brutal et peut heurter, je vous l'accorde. Le contenu l'est aussi, un peu. Bien moins cependant qu'on ne peut l'imaginer, s'agissant ici d'humour noir. Avant de faire le procès de cet homme, beaucoup moins dangereux que la flopée de mafieux célébrant la mémoire des clampins envoyés à l'abattoir lors de la Seconde Guerre mondiale, dont on fait commerce encore et toujours, écoutons ce que cet homme, victime de lui-même, dit pour expliquer son geste.
Après avoir commis l'irréparable, Emmanuel (c'est le nom du héros) s'est donné pour mission de trouver des oreilles bienveillantes. Pas n'importe lesquelles. Des oreilles qui savent écouter se font rares en ce monde. Cela ne se trouve pas au détour d'un clic chez le Bon coin, ni au premier coude du premier chemin vicinal venu ! Une oreille complaisante. Une oreille amie. Une oreille complice, avant de se rendre à la police.
En attendant, il écrit une longue lettre où il explique tout, mais, souci, il manque de timbres-poste pour expédier ses aveux, ce qui n'a rien d'étrange à l'ère du tout digital. Depuis que la poste a été en partie privatisée et que le commerce de proximité agonise, plus rien n'est simple.
Fichus timbres ! Pour se les procurer, il lui faut se rendre à la maison de la presse, à trois kilomètres de son domicile. À pince ! Autant dire au bout du monde. Enfin, il se décide. En s'y rendant, il imagine la meilleure façon de mettre en scène sa future célébrité. On ne perd pas le nord. Impossible qu'avec un tel acte, il ne devienne une star. Du moins dans ce village de Normandie où il a débarqué avec sa femme pour fuir, il ignore quoi. Hésitant encore et encore, réfléchissant durement, tout en suivant le cours de la rivière voisine, la Durdent (ça ne s'invente pas), il broie du canevas comme on moud du blé. Puis...
Je n'ai pas lu ce livre, joliment écrit par un artiste-peintre, pour vous dévoiler le fin mot de la fin ! Si vous voulez connaître la chute et éprouver un plaisir délicieusement frivole, vous savez ce qu'il vous reste à faire...
« Je viens de tuer ma femme » - Emmanuel Pons - Arléa.
Sur la lancée, l'insomnie n'a pas que du mauvais, dans un registre différent, j'ai lu le second bouquin : « Déraison » de Horacio Castellanos Moya, écrivain né au Honduras, mais qui a vécu la majeure partie de sa vie au Salvador. C'est un petit livre dense et fourmillant qui vous mange la tête. J'aime les écrivains latino-américains, frères de langue et de cœur, envers lesquels l'Espagne (mais pas qu'elle) à beaucoup à se faire pardonner. Ils ont une puissance incroyable. Horacio Castellanos Moya raconte l'histoire d'un type qui a un ami qui lui veut du bien. Comme souvent avec les amis qui vous veulent du bien, si vous n'avez pas le temps de prendre la fuite avant d'écouter ce qu'ils ont à vous dire, que vous vous laissez prendre au piège de l'empathie, vous êtes perdu. Cet ami propose au héros, journaliste un tantinet paranoïaque, échoué là comme un tronc d'arbre sur une plage exotique, un boulot qui ne va pas arranger un état mental fragilisé par un parcours des plus chaotiques, qu'il accepte comme on s'accroche à une branche pourrie aussitôt après un naufrage.
Installé dans un palais archiépiscopal, au Guatemala, entouré d'un personnel inodore, son travail consiste à lire et à donner forme à un rapport d'un millier de pages sur le génocide perpétré par l'armée contre les indiens. Oups, vous avez dit oups ?!
De suite, on sent la tension, mais la vie n'est pas faite que de jubilation, n'est-ce pas ?... Il y a nonobstant dans ces pages tragiques des instants hilarants, tant l'absurde se montre à son avantage ! Au fur et à mesure qu'il avance dans la lecture, dans ses corrections, multipliant ses allées et venues au Portalito, la « plus légendaire des cantinas de la ville », pour écluser des grandes chopes de bière, sa dérive apparaît inéluctable. L'alcool ne suffisant pas à maintenir à flot un esprit instable devant le compte-rendu des viols, des massacres et de l'horreur de l'armée dans sa totale bestialité, il ajoute le sexe comme fantasmagorie quotidienne, s'y adonnant avec hystérie pour échapper au pire en conservant le meilleur, pense-t-il...
Palliatifs insuffisants pour oublier le récit de ses lectures, parmi lesquelles, la scène dans laquelle des militaires interrogent un muet, sans doute analphabète, ignorant que le pauvre bougre ne peut articuler le moindre son, afin de lui faire avouer les noms des complices de la guérilla à coups de « tu vas parler, nom de dieu ! » relègue le surréalisme au rayon des mondanités.
Il y en a beaucoup d'autres scènes puissantes dans les 150 pages de ce livre qu'on quitte sans l'oublier.
De suite, on sent la tension, mais la vie n'est pas faite que de jubilation, n'est-ce pas ?... Il y a nonobstant dans ces pages tragiques des instants hilarants, tant l'absurde se montre à son avantage ! Au fur et à mesure qu'il avance dans la lecture, dans ses corrections, multipliant ses allées et venues au Portalito, la « plus légendaire des cantinas de la ville », pour écluser des grandes chopes de bière, sa dérive apparaît inéluctable. L'alcool ne suffisant pas à maintenir à flot un esprit instable devant le compte-rendu des viols, des massacres et de l'horreur de l'armée dans sa totale bestialité, il ajoute le sexe comme fantasmagorie quotidienne, s'y adonnant avec hystérie pour échapper au pire en conservant le meilleur, pense-t-il...
Palliatifs insuffisants pour oublier le récit de ses lectures, parmi lesquelles, la scène dans laquelle des militaires interrogent un muet, sans doute analphabète, ignorant que le pauvre bougre ne peut articuler le moindre son, afin de lui faire avouer les noms des complices de la guérilla à coups de « tu vas parler, nom de dieu ! » relègue le surréalisme au rayon des mondanités.
Il y en a beaucoup d'autres scènes puissantes dans les 150 pages de ce livre qu'on quitte sans l'oublier.
Trempée dans les forges de l'enfer, la plume de cet écrivain d'Amérique centrale, qui n'a pas oublié son flamboiement en chemin, lâche une écriture majestueuse, d'une poésie sombre et belle. A lire. Absolument.
« Déraison » - Horacio Castellanos Moya – 10/18
« Déraison » - Horacio Castellanos Moya – 10/18
Sous l'Casque d'Erby
Bonjour aux Dames et aux messieurs. Lire c’est s’absenter du monde. Partir, on ne sait où, au pays du silence, à peine dérangé par le léger frémissement des pages que l’on tourne. Pour écouter le murmure d’autres mondes, la respiration d’un autre moi, se mêlant au vôtre, pour franchir les barrières du temps et de l'espace. Ce n’est peut-être pas assez pour certains, mais cela suffit à mon bien-être. Le bon week-end à tous.
RépondreSupprimerSalut Rodo !
RépondreSupprimerAh lire ! En fait si on enlève de ma vie toutes les heures où j'ai lu, il n'en reste pas tellement (je ne compte pas celles où je dors, où je fais la cuisine et où je mange, la vie n'est pas le mouvement perpétuel).
Bonjour Jean-Claude. Les temps ne sont pas à la lecture, ou alors une lecture qui n’en est pas une en soi. Pourtant, elle est un des piliers de la sagesse. Certains feraient bien de s’y atteler urgemment. Ils y apprendraient l’humilité, par exemple, le respect de l'autre. Mais comme pour tout le reste, certains se prennent pour Dieu avant de devenir saints. Le bon tout en ce jour sans pluie chez les druides.
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