samedi 24 août 2024

Être aveugle n’est pas être libre

Erby
Le battant des horloges de la vie oscille sans relâche d’un point cardinal à l’autre. Le costaud qui pense lui tenir tête a omis un détail : la durée de l’un et le déclin de l’autre. L’éternité ou, ce qui reviendrait au même, l’immortalité, sont des légendes qu’on lit pour endormir les enfants. On nous les a lues, on les lit à notre tour, perpétuant un rêve vieux comme la vie.
Sommes-nous seulement sûrs de vivre dans le présent et non dans une autre dimension ? D’avoir touché, senti, aimé, rire, pleurer, haït, rêver quelque chose de réellement palpable qui ne se soit pas évaporé dans les brumes du temps sans laisser de trace ou la sensation d’une croyance ? Ne sommes-nous pas que l’illusion d’une réalité cherchant sa matérialité dans la maison des esprits ?
Esclave du tic-tac du temps, l’humain cherche dans les nouvelles technologies les voies de la pérennité, de l’ineffaçable beauté, ignorant que l’apparence n’empêche pas la déchéance. C’est imperceptiblement que la vérité laisse apparaître la flétrissure des tissus abîmés.
Dans la course effrénée vers l’amour du soi, dont on lustre l’enveloppe, il ne restera qu’un tas d’ossements que les archéologues tireront d’un reste au cours de fouilles aléatoires. Les scientifiques détermineront alors s’il s’agit d’hommes, de femmes ou d’enfants, de manière objective et binaire. Amputé de son délire conceptuel, le non-binaire ira se faire brouiller des œufs dans le grand néant de son ego.
Ignorant pourquoi, je pense soudain à ce pauvre Faust qui, pour avoir troqué son âme contre l’apparence et un peu de temps pour tout assimiler de la vie, finit par le regretter amèrement. Ce qu’il voulait de toute la force de son âme, il a fini par l’abhorrer à force de toujours revivre les mêmes épisodes de sa terrestre vie. Les gens et les événements passaient, revenaient, disparaissaient avant de réapparaître avec un ennui métronomique.
Ni vainqueur ni vaincu dans cette lutte chimérique où, in fine, chacun reste à sa place, le temps dans sa durée implacable, nous à la nôtre.
À l’époque de la trépidation, des croyances extrêmes et de la sainte trinité – selfie, piercing et tatouage –, on se demande si courir n’est pas une sorte de chasse au trésor pour chasser les démons de nos placards. Un jeu dans lequel les gagnants ont le choix entre un prix unique et un prix unique : smartphone, écran plat avec bouquet numérique et cerveau en bon état de fonctionnement.
Est-il nécessaire de désigner le prix qui a les faveurs des gagnants ? Les organisateurs du jeu ont stocké le surplus de cerveaux dans des boîtes isothermes, attendant, qui sait, leur retour en grâce auprès d’une foule qui les refuse obstinément.

Sous l’Casque d’Erby 



5 commentaires:

  1. Bonjour à toutes et à tous. Chronique un peu étrange, direz-vous et je vous l'accorde, mais je n'ai pas voulu corriger le tir à la relecture. De temps en temps l'improvisation a du bon. Je pense. Le bon weekend à tous.

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  2. Salut Rodo, salut à toutes et tous !
    L'aveuglé ment, c'est bien connu. Quant à l'éveillé ouvrant bien grandes ses esgourdes et bien grands ses lobes frontaux, il a beau glapir dans des tas de dialectes animaux et végétaux, seul Skargo le luma inhumain daigne écouter. Un peu.
    Puisque tu vas dans la Drôme, et si tu la vois, peux-tu souhaiter le bon jour à notre amie Corinne Morel Darleux, de Die......
    https://revoirleslucioles.org/
    Je l'avais vue "en vrai" aux jours annuels de juillet, de Notre Dame des Landes. Sans doute en 2014.
    Bon voyage !
    JC

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    1. Bonjour Jean-Claude. Hélas, pour moi la Drôme c'est un déménagement avec retour fissa chez les druides où un mois de septembre lourd se prépare : expo, chantiers, re-déménagement chez des amis. Du très lourd en perspective. Rien que d'y songer, j'ai les articulations qui couinent !
      Il a abondamment plu par ici. Là c'est soleil et brise légère. Agréable. Au fait, je ne pars que mardi prochain.

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  3. Etrange coïncidence… A ce moment de nos vies bien essoufflées , la mienne en tous cas, sur France-Culture jeudi 22, une enquête, à écouter, sur la façon d'appréhender, de se préparer à quitter l'espace-temps qui nous a été accordé… Avec légèreté, humour parfois , tous les stades de cette "prépa" avec interview des intervenants "obligés" qui vont s'occuper de ce qu'il reste du "véhicule" de nos âmes … Bienvenue cette diffusion, bienvenue ta chronique… Merci Rod… Bon week-end à vous deux les amis…

    Trop bon ;-): "À l’époque de la trépidation, des croyances extrêmes et de la sainte trinité – selfie, piercing et tatouage" –, ( pas que…! Mais je l'aime cette... métaphore )

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/COMMENT-SE-PREPARER-A-MOURIR-3129485

    Oma

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    1. Bonjour Oma. C’est une sorte d’allégorie que j’ai caillouté là. Une opposition entre ce monde d’avant qui s’efface progressivement au « profit » d’un nouveau dont la dépersonnalisation fait craindre sinon le pire, du moins de bien grosses surprises. En mieux ? C’est le minimum que je peux souhaiter à notre descendance. A elle désormais de faire mieux que nous n’avons su, pu ou voulu faire. Cela étant, ce papier est une réflexion rapide qui ne fait que constater certaines dérives et dégâts. Sans plus. La Bise.
      Merci pour le podcast France Culture. J’irai Tendre une oreille tout à l’heure.

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