mercredi 3 décembre 2014

Papiers collés – Georges Perros


Je n'ai aucun critère dans le choix d'un livre. Aucune directive ne me guide vers tel bouquin plutôt que vers tel autre. Le hasard est ma seule nécessité. Aucun éditeur pour me contraindre à parler de tel ou tel navet pour les besoins libéraux d'une entreprise prenant le livre pour un objet et l'objet pour de la littérature ou de la philosophie. Parfois c'est bien, voire très bien, et cela me rend heureux. Souvent, c'est très mauvais et cela me met en rage. C'est pour cela que je préfère le terme de chronique à celui de critique. Critique de quoi ?!...
Quand je file dans mon grenier, je cherche un peu de quiétude et le plaisir solitaire du silence qui m'entoure, à l'écart des doigtés politicards des uns, loin du propos raciste des autres et de cette obscénité qui pourrit la vie des sociétés.
Sentir l'odeur indéfinissable du papier qui dort. Entendre le bruit d'une respiration apaisée, me demandant quel phénomène est à l'origine de ma présence dans cet espace à la fois minuscule et immense me donne une pêche de tous les diables. Cela est pour moi la source d'un plaisir dont je revendique le besoin. Qu'on le veuille ou non, une bibliothèque est aussi vaste que l'univers et aussi discrète que les choses qu'on ignore. Quand Rémi Zetwal a appris il y a un moment déjà que j'allais toucher un mot sur Georges Perros, il s'est dépêché de me proposer un titre de sa bibliothèque, soulignant de sa voix usée par des plaisirs iconoclastes : “tu le lis et tu me le renvoies.” Ma réponse est toujours la même : “Évidemment ! Tu me connais !” C'est ainsi que je me retrouve avec tout un rayon de bibliothèque rempli de livres empruntés !
Georges Perros n'était pas un homme de choix mais de préférence. A la capitale, il a préféré la Bretagne. A un mauvais ouvrage, il préférait un bon article. La subtilité qui sépare (ou réunit) ces deux termes le définit beaucoup mieux que ne pourraient le situer des dizaines d'études. Comme un livre est une histoire de sensations, celui de Georges Perros l'est assurément autant que n'importe quel grand livre de n'importe quel très grand auteur.
Ces “papiers collés“, publiés après sa mort, est le troisième d'une quête permanente du bien-être dans la pénombre de son contraire. Voici donc un livre rare. Un livre en trois volumes qu'on lit sans aucun souci d'ordre ou des règles. Rien ne nous oblige à tout lire d'un coup. Ni, non plus, à entreprendre sa lecture, par le début. Vous l'ouvrez n'importe où, vous lisez, c'est tout. Un livre qui s'est construit au hasard de l'humeur de l'auteur. Sans doute pendant la période où il travaillait en qualité de lecteur chez Gallimard. Quel boulot ! Gagner sa vie en perdant ses yeux et parfois son temps, lisant des choses qu'on chercherait plutôt à fuir. Y a pas à dire : il n'existe pas de travail heureux ! Pour se distraire, pour combler une halte ou remplir un vide, il jetait des notes sur un cahier, comme pour libérer son esprit d'on ne sait quel malaise. D'où un sentiment de tristesse et parfois de ras-le-bol !
Né à Paris en 1923, Georges Perros a été comédien à la Comédie Française avant de devenir lecteur de la NRF, grâce à l'intervention de Jean Grenier. Il était aussi l'ami de Gérard Philippe dont il lisait des manuscrits pour le TNP (Théâtre National Populaire).
Ayant préféré la Bretagne à Paris il s'installe avec femme et enfants à Douarnenez où il meurt à l'âge de 55 ans. C'était un jour comme un autre. Un jour où « l'horloge sonne. C'est le temps qui tâte son pouls. »
Les “papiers collés” que je viens de terminer est publié dans la collection l'imaginaire de Gallimard. Un gars qui écrit, entre autres choses magnifiques : “notre postérité c'est le présent“, on se dépêche d'aller le découvrir.



 

20 commentaires:

  1. Bonjour les caillasseux-ses. Un bon livre, voilà qui nous lavera de tous les mensonges qu'on distille urbi et orbi !

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  2. Bonjour toutes et tous ! Merci pour ce beau billet. L'actu pourrie commençait à me rendre dépressive...

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    1. Ah oui, Elly, pour un beau billet - donc nécessaire ! - c'en est un...
      Ayant l'honneur d'avoir visité la "grotte d'Ali-Baba-ès-bouquins-trésors" du sieur lediazec, je confirme : là est son paradis !
      Et ces "Papiers-Collés" du motocycliste Georges Perros est digne d'y figurer... même si cela fut "emprunté-sans-retour" à un quelconque Zetwall... Rémi ou pas !
      Oui, c'est le genre de bouquin à lire de préférence au p'tit bonheur du hasard des pages. Cela est le cas, aussi, de Scutenaire, autre vagabond-de-la-pensée-iconoclaste, et de tant d'autres poètes authentiques, comme Andrée Chedid, Abdelatiff Lalaoui, etc....
      Tiens, bien que cela ne soit pas poésie (mais sûrement nostalgie de poésie, impossible en temps de guerre), il y a aussi à picorer à plein bec une œuvre dite "mineure" (par rapport à "1984") de George Orwell... C'est "Dans le ventre de la baleine" : recueil de 14 petits essais plus ou moins autobiographiques, dont "Comment j'ai tué un éléphant", etc.
      Oh-là brigand lediazec, t'ai-je envoyé-"prêté" cette pépite ???

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    2. Et - comment ai-je pu l'oublier ?! - du même Orwell, il y a aussi les "80 chroniques 1943-47" rassemblées sous le titre "A MA GUISE"... : dès le titre, on est invité à "picorer à sa guise"!...

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    3. Je corrige le "massacre" que j'ai fait dans l'orthographe de son nom... et précise le titre du "livre à picorer"
      - du marocain Abdellatif Laâbi, ‘Le livre imprévu’ (La Différence)

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    4. coucou Rem*, je retiens ce nom car j'avoue ne pas le connaître ce poète... Mais Andrée Chedid, oui, et quelle grande poétesse ! Parmi tant d'autres... Sans ça, j'ai toujours dans ma grotte et qui m'attend le polar de Lediazec, je sens que ça va être un beau moment de lecture poético-polar !

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    5. "Poétesse"???... J'ai eu le bonheur d'avoir eu une compagne qui avait et la fibre poétique et celle de l'humour. Elle s'est un jour définie comme "pythonesse-poétesse-suissesse'' (référence à Racine)... ou ''femme-poète-hélvète", au choix. Et, depuis, je nomme "poète" toute personne ayant fibre poétique (et humour : Perros en avait beaucoup!).
      Ma compagne a été tuée par le crabe-cancer (pire que le python) et s'appelait Cosette. J'ai un jour félicité le mensuel féministe (plein d'humour et de poésie) Causette d'avoir astucieusement pris ce titre voisin des pauvres Cosette (celle de Hugo et celle dont je fus compagnon) et la rédaction avait publié ma correspondance. Vive Cosette-Causette...

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    6. @ Chris. Pour l'heure les retours son positifs, mais j'ai toujours des doutes. Ne faites pas attention aux quelques coquilles égarées, le correcteur attendait sans doute l'arrivée du Beaujolais nouveau... Ce que je lui pardonne.

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    7. @ Rémi. Je note " A ma guise", d'autant que je suis fada de tout ce se rattache au genre "chroniques", surtout si elles sont bien saignantes. Il y a longtemps je lisais, dans un registre totalement différent, je le suppose sans mal, avec gourmandise, oui, messieurs !, Sainte-Beuve, un monument de mauvaise foi, talentueux et acidulé à souhait !

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    8. @ Rémi, oui, poétesse... Histoire de marquer le féminin, mais "femme-poète", ça marche aussi !

      @lediazec, votre livre est pour le moment sur liste d'attente, car j'en ai une pile à lire, mais j'ai bien envie d'en faire une chronique dès que je l'aurais lu ! Quant aux "coquilles", je ne suis pas puriste, et puis l'erreur est humaine...

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    9. Bonjour à toutes et à tous. Je passe rapidement, les préparatifs de l'expo battent leur plein !
      @ Chris. Une critique de votre part (bonne ou mauvaise) j'en suis flatté...
      A toute.

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    10. VAL (Véritable Artisane Libre)5 décembre 2014 à 02:49

      hello les caillaisseuses et eux !!!
      Effectivement, cela méritait qu'on s'y attarde comme m'a dit Rém* ce midi, aussi ai-je pris mon temps pour apprécier ton bel hommage à COSETTE et Causette, les références littéraires échangés avec toute la fine Fleur de la cervelle (serv'ailes qui se servent des deux, merci mon Papoumoureux !!!) l (whaou !!! ),Quel papier !!! et quels échanges. Cela me donne des leçons extraordinaires et la petite "écri-oeuvrière" (clin d'oeil !!!) se délecte d'avance.J'invite des amis récents à consulter le blog pour changer des jeux à la mord moi le "sert-vaut", des infos truquées, (Ils sont une main pour moa -c'est volontaire- et moi un doa pour eux !!! Lequel ??? Ben cela dépend !!!) je vais bien trouver un moyen (maintenant plus rien à foutre alors je trouve des solutions saugrenues, faites maison ou dénicher !!!) néanmoins je ne vous l'ai pas dit mais moa petite VAL a désormais une activité (Cela mérite un ptit coup de gueule de ma part bientôt !!! -teintée en Black pour le moment -je suis en arrêt maladie jusqu'au 15 janvier- qui se développe et la fin de l'année est propice aux expos de mes créations diverses, Le crochet de VAL Crée, donc oeuvre avec ses ptites mains et ses neurones dès que son inspiration est là, : souvent le matin. Bref, même débordée je vais trouver des moments dans la journée pour me taper une Picorette Poétique, Cela me donnera sans doute pleins d'idées !!! Merci d'avance.Rod. Pour ta gouverne le Bôjôlaid d'habitude -belle cuvée cette année mais faut du bon c'est comme tout !!!- c'était jeudi dernier !!!Toujours est-il que je suis over-bookée. L'heure tardive explique tout non !!!
      Elly, personnellement je l'ai mis sur ma pile, j'ai fini derechef l'autre et en avant pour Rod, un pur bonheur moa qui suit fan de polar je dois dire qu'avec le style, la finesse, la recherche, la pointe d'humour et la poésie dans le suspens de surcroît !!! WHAOU !!! Je te le dis tout net qu'ensuite tu seras comme moa à espérer la suite, et pareil pour les recommandations de lecture à qui veut bien l'entendre. La bise
      Hello RDD (J'aime bien les trucs en trois lettres, mais pas sigles de l'éducnat à tour de bras et pas de signification entre parenthèses, etc... Pareil pour les bouquins !!! La Bise
      Hello Did si je puis me permettre, (bons souvenirs d'un cher ami dcd -3 lettres que je n'aime pas- qui avait crée un mensuel papier "ARTSENS") j'adore la blogoboule, perso si j'y pense j'aurais dit blogobulle, en tout cas bien joué. J'aime bien aussi inventer des mots ou reprendre des anciens soit-disant obsolètes !!!
      12 minutes avant 3h alors PiPi, Petard et Poésie etc... pour faire de beaux rêves !!!

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  3. Eh bien ! ce n'est pas tous les jours que l'on a le plaisir d'entendre parler de Perros, dans la blogoboule (j'ai décidé unilatéralement que "blogosphère" avait fait son temps…) ! Merci pour ce billet, donc, qui change agréablement des délires antisionistes d'hier (je dis "antisionistes" pour rester courtois…).

    Le résultat assez étrange de ce que vous dites, c'est que j'en viens à me demander si je ne serais pas, à mon insu jusqu'ici, le fameux Rémi Zetwall. Car, j'étais, moi, persuadé d'avoir les Papiers collés dans ma bibliothèque… et voilà qu'ils en ont proprement disparu ! C'est limite fout-la-trouille…

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    1. A la bourre aujourd'hui, et ce jusqu'à la fin de la semaine, because expo collective de l'ArTche des sens... Didier, j'adore le terme de blogoboule. Belle trouvaille. Ça passe une fois le mois sur Canal TacTac en crypté ?...

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  4. Quel beau billet qui exprime ce que je ressens quand je suis en présence d'une bibliothèque. D'où mon plaisir à aller emprunter des bouquins à la bibliothèque municipale, souvent au petit bonheur...
    Par contre, j'aime bien qu'on me rende mes bouquins pour les prêter... ;-)

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    1. Merci DPP. Les librairies et les bibliothèques, je ne vois pas le temps filer. On peut fermer et me laisser dedans, dans le noir, que je ne m'apercevrais même pas...

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  5. Né natif de Douarnenez, j'ai eu le bonheur de fréquenter Perros et je lui avait consacré un tout petit billet il y a quelques temps. http://lescenobitestranquilles.fr/2011/12/commentaires-sur-entre-lespoir-et-le-fromage/ merci de nous le remettre en mémoire.

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  6. VAL (Véritable Artisane Libre)5 décembre 2014 à 10:52

    Salut Erwann,
    Quelle chance tu as eu de côtoyer Perros (Guirec aussi ???),je vais de ce pas lire ton petit billet. Bonne Journée La bise

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  7. merci pour ce conseil de lecture. C'est quelqu'un que je ne connais pas

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  8. Zâââlut caillasseux, caillasseuses. J'arrive (enfin, hier) du congrès du M'PEP qui fut, ma foi, fort intéressant. J'attends les conclusions officielles pour en dire plus. Un certain nombre a quitté le groupe, ce qui rend les choses plus faciles pour les restants.

    En tout cas, j'ai découvert ce matin un bel article repris par mon copain Jojo. J'espère que chacun en fera son miel. Il y a de belles figures, même aux États-Unis !

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