Souvent je m'attarde sur des livres
dits sérieux, mais il est un genre que j'aime et sur lequel je
m'attarde rarement : le polar.
De passage sur Nantes, dans une autre vie, B.mode – un sacré
blogueur et ami – de feu Ruminances, m'avait offert quelques séries noires dont un Thierry Jonquet me disant grand bien : « La
Bête et la Belle ».
En cette période trouble de débats pauvres
en programmes, où chacun cherche à tuer chacun, la relecture tombe à point
nommé, puisque là, la mort n’est violente que dans l’imagination, un peu comme
on le dit parfois de l’amour : platonique ! Sauf, que les gens finissent par mourir bel et bien.
Je connaissais Jonquet de nom, mais
je n'avais jamais ligoté le moindre missel. C'est bien la peine de clamer qu'on
aime le polar et de négliger le local, sous prétexte que des monstres tels Chester Himes, James Ellroy
et autres Dashiell Hammett trônent au panthéon du crime longtemps après leur
disparition.
Comme il n'est jamais trop tard pour
combler les lacunes, j'ai lu le Jonquet. J'ai aimé le style d'écriture et sa
façon de jouer avec les miroirs, de vous guider dans leur labyrinthe avec trois fois rien. Mais ne vous y trompez pas, ces riens forment un tout inaliénable et même très aliénable : s'il est facile d'y pénétrer, ça l'est beaucoup moins pour en sortir.
L'histoire n'étant que le support
sur lequel on colle l'adhésif d'un univers qui nous est commun et que l'auteur
distille un peu à la façon d'une parabole mettant aux prises le
conteur et le lecteur-témoin, je me suis embarqué dans une croisière à la
Costa, sachant d'avance que vous ne coulerez pas avec le mastodonte, tout en
restant le témoin privilégié du naufrage. C'est là tout le plaisir du frisson :
à vous de voir si ce conte est une histoire imaginée où le fruit pourri d'un
arbre dénaturé.
Il y a dans l’histoire une
cité-champignon, comme le rupin en a fait construire tant dans des terrains
vagues, pour chasser le manant des beaux quartiers, empochant au passage des sommes colossales ; une usine de bagnoles
avec des plans sociaux à répétition et des syndicalos qui prennent l’eau pour
réguler le pastaga ; des licenciements massifs, des pneus qui brûlent dans
les cerveaux et des cerveaux qui brûlent leur gomme à force de tourner à vide, l'odeur de carburant collée aux fringues, sinon à la peau.
Il y a une nature déracinée et du béton qu'on coule à la place des champs de
blés. Il y a la vie, les rêves et la mort qui rôde. A chaque pas, le survivant, ombre sinuante, peut se vanter d'avoir réussi un miracle : sauver sa peau !
Il y a, bien sûr, un commissaire
blasé qui rêve de retraite dans son mont Ventoux natal, qui aime le boulot bien
fait, même si ça le fait chier de brasser du vide dans la fosse à purin du côté
de la Normandie, une région qui ne lui cause pas.
Il y a un Coupable, un témoin muet,
des poubelles à ne plus savoir qu'en faire, des morts à alimenter le journal
des faits divers et des crépuscules qui ne veulent pas s'en aller sans imprimer
une trace durable dans les annales du subconscient collectif.
Il y a, aussi, un « emmerdeur », dont on ne sait rien d'autre sinon
que la gamelle dans laquelle il graille est pleine de bactéries et que c’est
dégueu ! Mais c’est son boulot, c’est
souvent ce que l’on dit dans les rédactions pour expliquer les traces de
dégueulis sur la moquette.
Tout ça jusqu'au rebondissement
final – une belle surprise – avec le regard de celui qui sait mais fait
semblant d’ignorer, tant l’idée de savoir qu’il s’agit d’une fiction et non de
la réalité est rassurante.
Un monde de merde, le nôtre !
Sous l’casque
d’Erby
Le bonsoir aux caillardeuses et aux caillouteux. Et on dit que le crime ne paie pas ! J'en deviens maboule !
RépondreSupprimerJonquet est un grand. J'espère que tu as d'autres bouquins de lui sous le coude.
RépondreSupprimerSalut les potes !
RépondreSupprimerJe ne connais pas Jonquet. En revanche, un type qui vient parfois au café La Perle en a écrits, des polars. Il est surtout connu pour ses albums de photos.
Incidemment, il est aussi cousin germain de Yves et Marc Pajot, les navigateurs qu'on ne présente plus.
Bonjour Jean-Claude. J’ai lu de lui « Les vacances de monsieur Tati », offert par l’ami Rémi à l’occasion d’un séjour à Saint-Nazaire sur les lieux du tournage du film « Les vacances de monsieur Hulot ». En revanche, j’ignorais tout de ses polars publiés sous le pseudo de James Fortune… On en apprend tous les jours.
SupprimerAvez vous remarqué que pour écrire son slogan vengeur, l'adorable petite vieille a dû déplacer entre 3 et 5 fois son déambulateur !... Salaud de Fillon même pas de respect pour les têtes blanches !... 8-(
RépondreSupprimerMaintenant que tu le dis, oui, c'est évident... Sinon, j'adore ce crobard, bien plus parlant qu'un grand développement discursif. C'est votre grande force à vous les crobardiers !
SupprimerSur son blog, Yannis Youlountas évoque aussi la bêtise. EXTRAIT :
RépondreSupprimer"BÊTISE DE LA PURETÉ, PURETÉ DE LA BÊTISE - Déchirez-vous si vous voulez
pour savoir si voter, c’est hallal, et si s’abstenir, c’est cachère.
Crevez-vous les yeux réciproquement pour avoir bouffé ceci ou cela.
Dénoncez-vous à chaque poignée de main avec des voisins de lutte
idéologiquement hétérodoxes. Faites les beaux, les purs, les parfaits…
Mais fichez-moi la paix (...)"
C'est un peu cela, Rémi, que nous ne cessons de répéter depuis 10 ans entre Ruminances et Cailloux. Pendant combien de temps encore ?...
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