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Je ne voulais pas écrire ce papier. J’ai tourné autour
comme un malade sans rémission. Il m’aura fallu du temps. Il y a des choses que
la conscience ne digère que très lentement. Ce monde ne manque pas d’air, cet
air qui le fait vivre et qui pourtant l’étouffe. Cette chaleur partagée si
essentielle à la vie.
Les amis, qu’on finissait ou qu’on finit par oublier, qui
vivent-là, accrochés aux branches d’une racine interminable, semblable à celle
de la vigne s'enfonçant dans le sol pour étancher sa soif et qui, à force, revient à la vie. Tout comme une brise familière, ils partent
pour un long voyage, ce dont nous rêvions du
temps où tout cela nous semblait si lointain en trinquant au bonheur d'on ignore quel millésime.
Qu'elle est belle l’utopie du temps !
Puis vient le jour où, enfin, vous apprenez que cela est bien
réel. Parce que nous venons au monde avec la fibre qui tisse ce Tout auquel nous
sommes attachés jusqu’au dernier coup d’aiguille à tricoter sans même le savoir.
Je l’ai dit et répété, je n’écrirai pas le moindre mot sur la mort d’un Ami !
Pour dire quoi ? Que ce copain insupportable est mort. Merde alors ! « Si
j’y croyais, qu’on me la coupe », qu’on s’dit, tout en sachant qu’on ne
fait que se mentir tout au long de l'imminence. De la paille ou de l’allumette qui
est le témoin qui est la victime ? Celui qui fait coucou l’air satisfait d’avoir
damé le dernier pion, à qui on rend hommage et salamalecs, ou celui qui reste
en rade en pensant qu’il n’a pas tout à fait fini de se faire chier dans ce monde,
mais qui est heureux d’être à sa place plutôt qu’à celle du mort ?...
Daniel Geoffre, Ye-Lin, du nom d'artiste qu'il s'était choisi, n’est plus. Nous sommes nombreux à lui avoir rendu notre petit hommage. La
famille. Les amis. Les copains. A évoquer nos quatre cents coups, dont chacun a présenté le
meilleur aux funérailles !...
Ah, le con ! Il le
savait, Daniel, qu’il finirait par avoir le dernier mot ! Nous aussi, nous
le savions, espèce de malin ! Mais on jouait à l'ignorer. Avec une
pudeur aussi humaine que « bourgeoise ». Par honte de ne pas chercher à le savoir ou parce que nous ne le savions que trop bien ?... Par manque de savoir-vivre ou par manque de savoir, tout
simplement ?... Ou bien par peur de ce que finira par nous arriver parce que la vie n’est qu’une surprise sans surprise ?...
Que dire après cela ? Qu’il était chiant, imbuvable,
gonflant, insupportable, nombriliste... l’ami Daniel ?
Mais bien sûr ! J'en suis témoin !
Sous l'casque d'Erby
Bonsoir les caillardeuses et les caillardeux. C'était un ami.
RépondreSupprimerLa bonne nuit à toutes et à tous.
Relisant ton beau billet, après avoir ci-dessous rédigé mon commentaire, je relève ceci d'écrit dès après ta première phrase :
Supprimer"J’ai tourné autour comme un malade sans rémission"
C'est-y que tu faisais allusion sous-jacente au "malade Rémi" sous le scalpel du chirurgien, lorsque tu "tournais autour" ????
Salut Rodo.... je ne le connaissais pas, mais je prends part à ta peine. Nous continuons à marcher, mais il est toujours pénible de voir, de temps en temps, quelqu'un s'arrêter au bord du chemin.
RépondreSupprimerSacré Rodolphe !!!... Oui, tu me l'avais juré-craché que tu n'écrirais pas sur ce sujet qui nous brûle le cœur, tous deux... : MERCI d'avoir osé si sobrement, dignement, passer outre ta "promesse"... merci.
RépondreSupprimerOui, je t'avais chargé d'être mon "ambassadeur" aux funérailles de Daniel, faute de pouvoir physiquement en être... et tu as transmis mon message qui se limitait à narrer la façon si cocasse dont Daniel est devenu mon plus ancien ami intime, il y a plus de 35 ans...
Plus tard dans la journée je reviendrai ici, si possible, à cette vieille anecdote. Car je ne connais pas meilleure façon - pour moi - que de "photographier" une seule anecdote typique pour CHANTER LA VIE d'un être aimé qui passe à trépas...
Le hasard fait que nous avons appris, Rodolphe, la mort de Daniel il y a quinze jours... au moment même où - silencieusement - je "fêtais" (!) les trente ans - 30 ?, Hier!! - de la mort de ma compagne Cosette (que Daniel et toi avez connu), ma moitié d'orange...
Il se trouve aussi qu'il y a 15 jours je me préparais (mal!) psychologiquement à subir mon opération chirurgicale : autant dire que Cosette et Daniel furent de mes rêveries, rêves et cauchemars sur mon lit d'hôpital...
Il se trouve enfin que je suis le survivant le "plus vieux de la bande" (cf.Brassens ;: les copains d'abord) : moralité ?... Je suis devenu immortel (ou fou) !
Voilà un passage – ici très résumé – de l'anecdote relatée dans le message que j'ai rédigé pour lecture aux funérailles de Daniel :
SupprimerTu veux goûter de mon casse-croûte ?
C'est par cette insolite invite que je fais connaissance de Daniel, sans doute à l'automne 1977, il y a 38 ans ou presque.
Cela se passe à l'aube, sur une grève d'entre deux villages côtiers de Bretagne. Solitaire, je viens d'un bout de la grève vers l'autre solitaire. Qui est occupé à relever ses lignes de « pêche à la traîne » placés la veille au soir. M'approchant, je constate avec stupéfaction que le pêcheur gobe, tout vivant, tout cru et tout entier, de petits poissons juste décrochés de l'hameçon : et c'est ce casse-croûte de l'aube qu'il m'offre à partager... Ce sont là mœurs surprenantes, mais c'est surtout occasion de très vite nous trouver des « atomes crochus » comme des hameçons !
A l'époque, Daniel habite solitaire une ancienne baraque de chantier, un petit kilomètre plus haut, dans le bois... Et l'on devient amis-voisins. Mais Daniel a un vélo, aussi. Sur lequel il va à St-Brieuc (20km) prendre une fois par semaine le train pour Paris... ou plus exactement à l'Université de Vincennes, apprendre le chinois, sa passion !
Je me souviens l'avoir taquiné avec ses "chinoiseries", dont il ne pouvait s'empêcher d'agrémenter ses toiles.Mais le Chinois était, de toute évidence, "Sa" Culture !
SupprimerUn bel hommage Rodolphe, qu'il eût aimé lire... Mais....quisas? ;-)
RépondreSupprimerOdile
Merci Odile.
SupprimerTu aurais pu écrir ainsi
RépondreSupprimerô mage ! ô des au revoir! ô vie et liesses ennemies !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette fin de vie ?
Et ne suis-je blanchi devant la mort du guerrier
Que pour voir en un jour flétrir tant d'amitié ?
Daniel, qu'avec respect toute la Bretagne admire,
Daniel, qui tant de fois a sauvé ...et bien pire,
Tant de fois c'est assis au trône de son roi,
Trahit donc ma quenelle, et ne fait rien pour moi ?
ô cruel souvenir de nos gloires passées !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle d'initiés fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe l' horreurs !
Faut-il de notre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans errance, et vivre dans la tombe ?