![]() |
Pixabay |
À la vitesse de la lumière - Javier Cercas
De temps en temps, on prend une phrase en pleine figure. Une vraie. Une dure. Une de celle qui te fait tanguer. Qui s'engouffre comme houle déchaînée s’abattant sur le pont d’un rafiot. Qui résume le monde comme aucun livre. Pourquoi celle-là et pas une autre ? Ça me colle un doute. Je sens sa moiteur glissant sur ma peau comme une nappe de pétrole dandinant à la surface des océans.
Le doute est l'habit de lumière à l’ombre des certitudes. Sans lui, je me sens nu et bizarre. Mon cerveau prend froid. Puis, vient l’excès de gamberge. Ce tout et ce rien qui s’empare de mon tout, que je ne puis chasser sans me sentir inhabité.
Avez-vous déjà été saisis par une pensée vide ? C'est ça le doute. Un esprit à la recherche d’un crâne à pourvoir. Depuis le temps que je lui file des coups de pied. « Dégage ! », que je lui dis méchamment. « Fous-moi la paix ! »
Parfois, il fait mine de s'en aller. Pour le calmer, je lui parle avec douceur. Je m'en excuse presque. Mais, la bête est sournoise ! Quand elle vous tient, elle ne vous lâche plus. Après une bonne raclée et un bon paquet d'insultes, toute chiffonnée, je la vois s'éloigner. Je redeviens le maître des airs !
Je le vois s’éloignant, tête baissée, me tournant le dos, sinuant sur le sentier érodé par la culpabilité. Sa reptation me fait l’effet d’une morsure ! J'ai un peu les jetons. Voir le doute me quitter ainsi, sur un coup de tête, c'est stupide. Que vais-je devenir sans lui ? Je le rappelle !
Même s'il m'agace, on ne peut pas se quitter comme ça. Dans le doute, il est enrichissant d’avoir un doute.
Je voltige d'une page à l'autre. Prudemment. Rien à voir avec la frénésie de l’addict, prenant pour argent comptant tout ce qu’on lui conte à longueur de pixels. J’y vais parcimonieusement, au rythme des floraisons saisonnières. Je joue à saute-mouton avec les mots. Je ne suis pas un vorace des syllabes ni un dévorateur de syntaxe. Je flâne avec bonhomie à la recherche des idées perdues. Dès lors que l'une s'agite et prend l’espace comme un origami emporté par la douceur de la brise, je suis un homme comblé.
J'ai une montre de gousset à l'arrêt. Les aiguilles se sont immobilisées à minuit pile. Je refuse de remonter le mécanisme. Minuit est une heure symbolique. Le point de bascule entre l’avant et l’après.
Un tour de curiosité sur les réseaux, ces annuaires des choses aussi graves que frivoles, alternant la poussière du temps au brouillard du néant avec une incroyable désinvolture. Ça erre dans l'agitation ou l'indolence. Le charter des bonnes et des moins bonnes destinations. La boîte à chaussures dans laquelle s'entassent factures, déclarations de revenus, taxes, impôts, état civil et, in fine, une vie entière. La vie dans une boite à chaussure !
Un défilé baroque. Un cortège bigarré de brèves tirant à hue et à dia, marchant vers un point aléatoire, mais inéluctable. Comme une utopie s'accroche à une suivante pour en saisir une nouvelle. Qu'est-ce qu'une utopie ?
Serait-ce ce panache de fumée auquel nous donnons un corps, une âme, une vie et une matérialité crédible ? À qui nous prêtons des sentiments qu’elle n’a sûrement pas, mais qui réchauffe les cœurs au cœur de l’hiver. Qui se dérobe sous nos pieds, sans crier gare, se dissipant dans le smog des fascinations fugitives.
Je sursaute. On frappe à la porte.
- Oui. Vous désirez ?
- Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis demain… Nous nous sommes déjà croisés à maintes et maintes reprises.
- Quand ? Où ?
- C'était demain !
- Déjà !
Sous l’Casque d’Erby
Le bonjour aux passantes et aux passants. Comme disait Pierre Dac, "Rien n'est moins sûr que l'incertain." Ôtez-moi ce doute de la tête et vous verrez que les choses n'iront pas mieux pour autant. Le bon week-end à toutes et à tous.
RépondreSupprimerSalut ROD, j'aime ... ♥ Minuit est une heure symbolique. Le point de bascule entre l’avant et l’après. Un repère souvent, marqueur d'un indicible et fugace sentiment de la fragilité d"'Être"...
RépondreSupprimer«Les gens comme nous, qui croient à la physique, savent que la distinction entre le passé, le présent et l'avenir n'est qu'une illusion obstinément persistante.»
Je le crois aussi, depuis lgtps, ( même si j'ai un doute ;-), comme Einstein ici, et quelques autres...pour qui le temps n'existe pas. Beaucoup à dire sur le sujet !
Oma
Bonjour Oma. Cette modeste réflexion établit, par analogie, un parallèle avec notre époque d'incertitudes. Du moins, c’est ainsi que je l’ai pensé. Nous traversons une période de grande vulnérabilité. Paradoxalement, les discours n'ont jamais été aussi affirmatifs. "Voici l'unique vérité", qu’on nous martèle avec force, du plus important décideur à la plus modeste victime. Comme si l'anxiété, supplantant le questionnement et l'incertitude, pouvait nous protéger contre ce conflit généralisé vers lequel les classes dirigeantes poussent le monde. Simultanément, ce pouvoir profond, poussant l'humanité entière vers la mort, semble désormais contraint de rendre des comptes devant la justice.De ce que je découvre, une bonne brochette de salauds est convoquée devant les tribunaux au mois d'octobre prochain pour s’expliquer sur des crimes réels dont ils sont responsables.
SupprimerOn verra. Rien n'est plus têtu que le doute. Bises.
Une brochette ? Pas encore vu moi ! Ah que si les juges en avaient des.... ;-) On peut rêver non ?
RépondreSupprimerTiens donc, pour illustrer, conforter tes paroles du jour :
“Le grand problème dans le monde c’est que les personnes intelligentes sont pleines de doutes alors que les personnes stupides sont plein de certitudes.” Charles Bukowski
"Quand on est con, tout comme quand on est mort, on ne s'en rend pas compte, c'est pour les autres que c'est difficile".
"Croire l’histoire officielle, c’est croire des criminels sur paroles." Simone Weil
Et celle-là qu'elle est bonne :-) :
"L'homme a invente la bombe atomique, mais aucune souris au monde ne construirait un piège a souris. (😉) - Albert Einstein
Bonjour Oma. A propos de brochette, il n'y a que celles que je cuisine qui me conviennent. Nous sommes en plein délire propagandiste. Le tout et son contraire balancé en pâture aux pauvres bestiaux que nous sommes. Ces animaux de compagnie à qui on jette un os pour les distraire, pendant que les grandes affaires se décident ailleurs. Je ne suis pas optimiste (pas du tout !) sur le sort que l'on nous réserve. Bises.
SupprimerIls n'y arriveront pas ces maléfiques....Le monde bascule et va les engloutir ! JE LE VEUX. Et puisque tu évoques les animaux, jamais un mot dans les médias sur tous ces animaux révulsés de douleur en cramant dans les forêts en feu, jamais un mot, et je les imagine parfois moi, avec effarement, les oiseaux, biches, écureuils et tous les autres....
RépondreSupprimerUn coucou à JC en pause.... :-)
Bizzz Rod