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La sale humeur que je traîne dans
la poussière du grenier !
Marre ! Ras-le-bol ! Monde
à la con !...
Je filais au hasard d’un truc à me
mettre sous les châsses, m’arrêtant sur un autre, le bulbe en confettis… Le « truc » en question étant un bon
bouquin pour soulager la misère. Oui, mais lequel ?... On dit que le hasard
n’existe pas… On dit tant et tant de choses…
Je posais une main sur « La métamorphose » et je la retirais
aussitôt. Quand on a le bourdon…
Je continuais ma progression dans le
maquis. Puis, juste là, entre un complexe «
sociologie du langage » et un Jean Paulhan, le magnifique voisin briochin, Louis
Guilloux : « La maison du peuple »,
préface d’Albert Camus ! Autant dire que j’avais déniché deux pour le prix
d'un.
Né et mort à Saint-Brieuc
(1899-1980), Louis Guilloux était un homme qui n'a jamais joué des coudes pour « chourer » la place du voisin
dans le marigot de l’édition. Trop noble pour cela. Un humble au talent
impeccable et à l’orgueil de classe chevillé au corps. Un homme qui se méfiait
des honneurs autant que des médailles. Un gars fier de son travail. Qui
n'aimait pas la guerre et qui la combattait farouchement. Un homme libre pour
qui la seule révolution valable est la révolution sociale. Pas celle des spécialistes atterrés qui ne la
conçoivent qu’à travers le moule de l’Etat ! Le peuple devenant, in fine, le mouton qu’on pèle !
Il était l'ami d'écrivains tels Gide,
Malraux ou Camus…
Socialiste libertaire (anarchiste
pour être précis) il trouvait dans la géographie de ses racines la protéine pour
bâtir un monde sans guerres ni religions. Un monde sans Etat, dans lequel la structure
est à la base et non au sommet de la pyramide du pouvoir.
Je prenais le livre et rouvrais ses
portes avec l'appréhension de celui qui pénètre un royaume qu'il connaît et redoute.
J’absorbe et je digère cette colère sourde née de la domination insolente et de
la violence du riche sur le pauvre avec des artifices renouvelés.
Quand on vient de la basse, il faut
beaucoup de talent et de courage pour libérer la parole, harponner le mot
juste, atteindre ce niveau de « vérité »
qui sans cesse se dérobe au seuil de l’esprit. Cette parole qui vous a vu
naître, vous a bercé, vous a fait vivre, vibrer, quémander, rêver, souffrir et haïr,
qui vous aide à rester debout et humain sans ne rien renier, ni rien devoir au
mensonge.
C'était l'époque où l'on parlait
échoppe, varlope, allumeur de réverbère et autres bricoles du genre, comme
ressemeleur de chaussures. Cet autre monde qu’on pensait révolu et dont le
capitalisme mondialisé d’aujourd’hui remet en question partout, sans se soucier
des charniers qu’il planifie pour le seul bonheur d’un gang de cinglés.
Un temps où les gens de
mauvaise fortune faisaient le trimard, le trottoir pour les filles, le
vagabondage pour les garçons. Mélangez le tout et vous avez le cocktail d'un
monde où le courage ne suffisait pas pour rester debout. Un monde sanguinaire, le
même que celui de maintenant en somme !
Paradoxe de l'histoire. A l'époque, les
ouvriers se battaient pour construire de leurs propres mains la maison du
peuple. Ils prenaient sur leur temps de repos (le dimanche, ce fameux dimanche
qu’on veut désormais nous sucrer) pour bâtir un lieu de vie commun. Un espace
pour lire, pour penser, s’affranchir, se battre et rêver. Un lieu à la hauteur
des revendications ouvrières et du combat qu'ils menaient. Aujourd'hui, nous
avons cet espace, mais il n'y a plus d'ouvriers !
De la prise de conscience à la
trahison, espoir, luttes et déceptions formaient les rigoles d'un même champ.
La couleur était au rouge. La couleur était au noir. Le rouge du drapeau. Le
rouge du sang versé pour une vie, pour une cause, pour porter haut les couleurs
de sa dignité. Le noir pour porter le deuil, la souffrance, l’humiliation. Pour
ne pas oublier le temps des persécutions et des exécutions sommaires !
Un roman de culture, un roman
d'émotion, dans lequel les notions d'amitié, de solidarité, de respect, de
fraternité et d'humanisme se frayaient un chemin dans les ténèbres.
J'ai eu des larmes en relisant « Compagnons », dédié à Jean Guéhenno.
Deux fois que je pleure en lisant Louis Guilloux !
Sous l'casque d'Erby
Bonjour aux caillardeuses et aux caillouteux. L’actualité étant ce qu’elle est, pourrie jusqu’à la racine, quoi de plus naturel et d'actuel que de relire Louis Guilloux ?...
RépondreSupprimerLa bonne journée à toutes et à tous.
Voilà, ça fait du bien, du Grand Lediazec, alors qu'il n'y a rien de petit chez lui !
RépondreSupprimerSalut camarade ! On se prépare de notre côté à une fin de semaine en famille, cela devient rare.
En revanche, il y a déjà deux semaines, c'était aut'chose !
Ton cher grenier à malices, lediazec, t'aura encore une fois délivré une pépite, "La Maison du Peuple" - et l'occasion d'un beau billet consacré à Louis Guilloux!
RépondreSupprimerCela me ravive le très émouvant souvenir des deux visites que j'ai pu faire, en 1977 je crois, à cet écrivain : habitant de fraîche date à Saint-Brieuc et n'y connaissant (de réputation, pour l'avoir lu) que lui, je lui écrivis pour demande d'entretien, ce qu'il m'accorda. Ce furent deux ou trois heures d'entretien chaleureux, fraternel, assez "décousu", sur les mœurs sociales locales, la littérature prolétarienne... Concrètement, je lui dois grande leçon d'humilité, donnant courage de "refaire sa vie", de l'ouvrier-imprimeur parisien à chômeur puis charpentier... tout en continuant d'écrire, d'aimer, fraterniser, lutter...
Il me souvient que Guilloux m'apparaissait comme très vieux et fatigué, donc lointain : il avait mon âge et ma fatigue actuels. Mais je n'ai certes pas sa sagesse ni sa sérénité...
Rem*
Il y a un peuple qui se lève... et se fâche : les Grecs ! https://unitepopulaire-fr.org/2016/10/21/grece-mobilisations-font-echouer-des-encheres-video/
RépondreSupprimerAu fait, j'ai signé ! Vive Fakir, vive Paul Magnette, vive la Wallonie !
RépondreSupprimerEt puis, c'est le jour de crier notre indignation indéfectible : c'est il y a deux ans qu'un militant de plus a été (tué, exécuté, assassiné, rayez les mentions inutiles).
RépondreSupprimerSalut, Rémi !
Beau texte, très beau même ! Je m'en vais de ce pas me plonger dans ce livre de Guilloux que je ne connais pas... En ce qui concerne la colère et l'envie de faire entendre sa voix, pas d'âge, pas de limite !
RépondreSupprimerMerci et bonne découverte !
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