mercredi 23 juillet 2025

Il n’existe pas de bonheur parfait

J'en ai marre d'écrire sur la crise. Sur un monde en pleine déroute ! J'en ai assez des banquiers, des traders, des politiciens corrompus, des tricheurs, des malcomprenants, des aveugles, des sourds, des idiots et des idiotes, des intelligents, des souffreteux, des cinéphiles en carton et des films en confiote !
Marre de fulminer mon bonheur dans l'indifférence générale. Qui ça intéresse, un bonheur plein, un bonheur total ? Je le proclame, le vocifère, le murmure ou le crache : marre d'être heureux ! Je n’en peux plus ! Un seul réconfort cependant : contempler la tronche de cake des amis militants devant ce qu’ils estiment être une pure aberration !
Passez votre chemin, cohorte de pisse-vinaigre et de béni-oui-oui du catastrophisme tous azimuts. Laissez-moi respirer mon bonheur en paix. Je n'ose plus écrire « bonheur à un euro », car presque plus personne ne veut de ce laiton de malheur !
Je lis les journaux, les magazines… Les bulletins paroissiaux — si si, ça existe encore —, même s’ils deviennent rares. Le programme de télé et la vie des starlettes sur papier glacé qui se prennent pour des étoiles.
Je suis abonné aux plateformes vidéo avec lesquelles je tartine mon intelligence jusqu’à la rendre aussi obsolescente qu’un produit de consommation courant ayant dépassé la date limite. 
Je suis comblé, sans états d'âme. Je regarde passer le temps avec une béatitude quasi mystique. Me mouche sans ennui quand le rhume me prend en n’importe quelle saison. Pour le surmonter, je me fais vacciner une, deux, six fois, si nécessaire. Pour mon bien et pour le confort des autres, ce sont les consignes. N’est-ce pas là l’aboutissement d’un bonheur sans nuages ? Par exemple, quand mon thérapeute conseille l’hydratation régulière de mon corps, je fais la queue pour aller piquer une tête dans la Seine, maintenant qu’elle a été « proprement » nettoyée !
Fou, dites-vous ? Pas du tout !  Si d'autres le sont, tant pis pour eux ! J’emprunte des sommes rondelettes pour l’achat d’un véhicule électrique. Je veille à la pérennité des glaciers !
Je repose le paquet de revues à mon retour de chez le buraliste. Sur le haut de la pile, le dernier Vanity Fair, avec, en couverture, Scarlett Johansson, la Lucy du film éponyme qui a fait dresser tant de queues de par le monde, en cet été où on nous annonce qu'elle « ose tout » !
Si ce n’est pas du bonheur, je me coupe un bras ! Attendant l’heure où je vais me prélasser, lisant les confidences de la star, je file dans mon jardin contempler la beauté des pavots qui éclosent. L'année dernière, j'ai perdu un méconopsis bleu (cf. l’illustration). J'ai eu mal à l'âme pendant un temps incroyablement long. Comme si sa mort avait déclenché la mienne propre. Il ne reste de sa disparition que la nostalgie de son éphémère présence. Qui n'a pas vu ce pavot, originaire de l'Himalaya, d'un bleu de rêve, a manqué un rendez-vous important avec la beauté ! Hélas, la plante est capricieuse, fuyante, vulnérable sous nos latitudes. Elle a un comportement de bisannuelle. Elle ne fleurit que rarement la première année. J'ai passé un temps infini à suivre son épanouissement. À la choyer. Elle a besoin qu'on s'occupe d'elle. La deuxième année, madame fleurit, puis disparaît… Elle est d’humeur instable. Pour la pérenniser, il faut bien l'entourer, lui couper les fleurs fanées. La montée à graine l'épuise et peut provoquer sa mort. Une sensible à caractère mélancolique. Ce n'est qu'au prix d’une attention redoublée que vous pouvez espérer avoir dans votre jardin une plante majestueuse que le visiteur découvre avec surprise et émotion.
Je promène un spleen nonchalant au cœur d’un été accablant. Je parcours les brèves, passant d'un déficit au suivant ; d’une bonne nouvelle à une très bonne nouvelle, avec la conviction que sans pouvoir créatif, l’homme hypothèque le peu de respect de lui-même qui lui reste. Nous échappons, malgré des raisons qui la justifieraient, à l'ire insurrectionnelle d’un peuple au comble de son bonheur. Un bonheur qu’il néglige tant l’étourderie lui ôte l’empathie.
Cependant, la France n’est pas perdue, comme on le proclame abusivement. Elle déborde de bonheur. Dommage que cette valeur ne soit pas cotée en bourse !
Que voulez-vous : Il n’existe pas de bonheur parfait !

Sous l’Casque d’Erby


10 commentaires:

  1. Le bonjour aux passantes et aux passants. Confidence pour confidence, cela m'a fait du bien cette chronique à la légèreté équivoque. J'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que moi à l'écrire. Le bon tout à toutes et à tous.

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  2. Bonjour à tous, salut Rodo !
    Je me contenterai a href="https://www.dicocitations.com/auteur/9196/Desmond_Tutu.php">d'ajouter les paroles d'un sage.
    JC

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  3. Bonjour à tous, salut Rodo !
    Je me contenterai d'ajouter les paroles d'un sage.
    JC

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    1. Bonjour Jean-Claude. Hélas, j’ai l’impression que les propos du sage Desmond Tutu ne suffisent plus à nous apporter du réconfort. Mes échanges récents avec des personnes très différentes me confortent dans l’idée que si rien n’est pas tout à fait perdu, rien n’indique non plus, bien au contraire, que l’esprit des gens va s’ouvrir comme un bouton de fleur au printemps. Pourtant, chaque jour charrie son poids de raisons de faire sauter le couvercle qui nous tient à l’intérieur du faitout, le feu au cul. Si je n’y croyais pas, ne serait-ce qu’un brin, au sursaut d’une nation agenouillée pour se dresser contre l’oppresseur, cela ferait longtemps que j’aurais cessé de me persuader que l’espoir est encore possible.

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    2. Réponse à JC "Je me contenterai d'ajouter les paroles d'un sage".
      Merci JC , je n'avais jusque là jamais lu ces belles maximes, moi qui en collecte tant précieusement.... "Il vaut mieux allumer une lumière que maudire les ténèbres"...
      Lao Tseu, tao te king
      S'applique ici, le plus souvent !!! ♥
      Oma

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    3. Pour aller plusd loin Oma, je donne ici un lien vers ce que les Africains appellent l'Ubuntu.
      Pour résumer, Desmond Tutu ajoutait :
      — Une personne Ubuntu est ouverte et disponible pour les autres, dévouée aux autres ; elle ne se sent pas menacée car elle a confiance en elle-même – cette confiance vient de la reconnaissance qu’elle appartient à quelque chose de plus grand. Cette personne se sent diminuée quand les autres sont diminués ou humiliés, quand ils sont torturés ou opprimés.

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    4. Bonjour vous deux. Heureusement que nous avons ces baumes pour nous consoler des horreurs qu’on nous oblige à supporter. Pour nous convaincre que tout n’est pas entièrement pourri au royaume des vivants. C’est peu et c’est beaucoup. Sans ce maigre et pourtant nécessaire viatique, que deviendrions-nous ? Je n’ose pas y penser.

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  4. Bonjour à vous amis, Je te découvre cette fibre jusque là discrète : "Qui n'a pas vu ce pavot, originaire de l'Himalaya, d'un bleu de rêve, a manqué un rendez-vous important avec la beauté ! Hélas, la plante est capricieuse, fuyante, vulnérable sous nos latitudes. Elle a un comportement de bisannuelle. Elle ne fleurit que rarement la première année. J'ai passé un temps infini à suivre son épanouissement. À la choyer. Elle a besoin qu'on s'occupe d'elle. La deuxième année, madame fleurit, puis disparaît… Elle est d’humeur instable. Pour la pérenniser, il faut bien l'entourer, lui couper les fleurs fanées. La montée à graine l'épuise et peut provoquer sa mort. Une sensible à caractère mélancolique. Ce n'est qu'au prix d’une attention redoublée que vous pouvez espérer avoir dans votre jardin une plante majestueuse que le visiteur découvre avec surprise et émotion."
    Bien beau et "émotionnant".... ♥
    Oma

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    1. Bonjour Oma. J’aime les jardins. Leur ambiance me procure un bien et un soulagement que je ne m’explique pas. C’est tout pareil à mes passages dans les églises. Même seul, je sens des présences qui vont au-delà de moi-même et de mon imperméabilité aux croyances, quelles qu’elles soient. Un jardin, c’est la vie présente, la vie passée, la vie en devenir. Les fleurs sont les anges qui constellent l’espace pour un bonheur durable. Du moins, c’est ainsi que je vois et imagine cette partie protégée de ma vie intérieure. Bises.

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    2. Coucou les petits amis ! De mon côté, je continue à apprécier "un chant d'église" signé J.S.Bach, on aime, ou pas ! C'était un de mes profs d'autrefois qui, par hyasard avait mis sur son tourne-disque la face 2 qu'il n'avait jamais écoutée, et en avait été charmé ! Comme la chambre où je bossais hors des cours était contiguë avec la sienne, j'en profitais avec les fenêtres ouvertes.
      Ce chant respirait une telle joie, que c'en était presque explosif à mon goût !
      Je vous le fais partager si cela vous agrée.
      Sur des images en fond de la Sagrada Familia de Barcelone....
      Au fait Rodo, je me demande si je ne t'avais pas donné déjà le lien.......
      JC

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