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En échange de quelques pesetas, ma mère déposait au guichet, pour une période d'un an et un jour, des bijoux et autres breloques. Le jour d'après, nous n’avions ni bijoux, ni pesetas !
Une fois la « mauvaise passe » traversée (dans le délai légal d'un an et un jour), on revenait, on remboursait avec un petit intérêt et on récupérait son bien.
Souvent, ces objets ne valaient pas tripette, mais le montant récupéré permettait de rembourser la dette chez l'épicier et de reprendre le lendemain la formule consacrée : « Tu me marqueras ça. »
Combien de fois, me suis-je entendu dire par Don Arturo : « Tu diras à ta maman qu'elle passe me voir rapidement… »
Sympa, Don Arturo, un puits de délicatesse sous une blouse grise, trop large pour ses épaules. Sous-entendu : il faut casquer.
Il ne faisait ça pratiquement jamais. Je me souviens sentir mes joues prendre feu. La honte m'envahissant. Une colère horrible s'installait en moi. Je ruminais du sordide comme un dément. C'est ainsi que la conscience politique m'est venue. Par la misère et par la honte.
Quand je vois aujourd’hui l’État créer de la dette pour le plaisir pervers de nous expédier directos au Mont-de-piété et vers l’au-delà si nécessaire, je me dis que le rupin n’a jamais voulu autre chose que nous pousser vers le trou, exigeant bonne volonté pour le creuser.
C'était le moment choisi par ma pauvre mère pour éviter de passer devant l’épicerie pendant un laps de temps variable. Cela l'obligeait à faire un grand détour pour se rendre dans les quartiers chics faire du ménage.
Pour le Mont-de-piété, c'était moi qui m'y collais. Elle avait honte et peur de croiser quelqu'un qui se dépêcherait d'aller raconter dans le quartier que la señora Maria était au moins aussi pauvre que les autres. Comme si on cachait le magot sous le tapis !
Ce terme de Mont-de-piété ramène à la surface des choses d'un autre monde, pas si éloigne de celui que l'on nous prépare avec l'U.E.
Dans mon oued (60 000 habitants quand même) le Mont se trouvait dans la rue la plus fréquentée, la calle real. Le point de chute des pauvres de la ville.
Situé au rez-de-chaussée, l'endroit était sombre et crasseux. C'est là que j'entendis pour la première fois parler de carats. Plus il y avait de carats dans le bijou, plus il pesait, plus nous pouvions espérer du flouze.
Nous arrivions, nous déposions notre colis sur le comptoir, le monsieur tout gris qui officiait saisissait, disparaissait derrière un rideau, revenait et vous disait un montant. Sans discussion. À prendre ou à laisser. Tous ceux qui contestaient et qui tournaient les talons, l'air indigné, revenaient plus courbés que jamais, quelques minutes plus tard.
Conservez bien le bon, disait invariablement monsieur Grivert, si vous le perdez… Il finissait sa phrase d'un geste de la main en direction du bordel qui s'entassait autour et au-delà de sa guérite et qui grimpait le long des murs jusqu'au plafond, votre bien ira rejoindre les oubliés.
La pauvreté. Son indignité. Son indécence. À côté, juste à côté, étalée au grand jour, fière et insolente, la richesse qui vous nargue en s'étalant avec insolence. Celle des militaires. Des policiers. Des fonctionnaires, des cadres de la dictature franquiste. Les privilégiés qui vous toisaient avec mépris.
Aujourd'hui, le Mont-de-piété s'appelle le « Crédit municipal ». Nous sommes en France. Rien à voir avec la pauvreté. La couche de vernis ne change rien, mais ça rassure les frontons de la république ! Le crédit municipal sonne beaucoup mieux que Mont-de-Piété, n'est-ce pas ?
De même, une femme de ménage ne fera jamais aussi clean que technicienne de surface. Pourtant, le boulot reste le même. La misère est toujours aussi lourde à porter !
Au-delà des formules lancées dans le cadre des campagnes électorales, les salles bondées des Crédits municipaux de France ne sont pas occupées que par des professionnels du chômage et autres profiteurs de la caisse d'assurance maladie. Ni par des migrants chanceux. Ces gens sont des citoyens qui racontent une histoire. Une histoire que les spécialistes (jamais à court de formules) nomment le « mal endettement » !
Créé il y a deux siècles pour « protéger le citoyen des usuriers », le mont-de-Piété (appelons les choses par leur nom) fonctionne aujourd'hui à plein régime.
Un signe, s’il en fallait un, du délitement qui prouve jusqu’à quel point la société française est sous assistance respiratoire. Prise au piège de la société de surconsommation et d’un pouvoir missionné pour nous enfoncer dans la boue, elle tend à disparaître dans les marais de l’histoire sous l’applaudissement des victimes !
Révoltant est le mot qui vient aux lèvres devant une telle infamie sociale à l'ère du tout progrès. Que les banquiers malins, les politicards corrompus et autres marionnettistes du globalisme criminel prennent garde. Car si les gens donnent l'impression d'être des zombis (et parfois, cela est hélas vrai), la moindre pression peut faire céder le barrage le plus solide.
Ça n’est pas la goutte qui remplit le verre, c’est elle qui le fait déborder !
Sous l'Casque d'Erby
Le bonjour aux passantes et aux passants. Pas facile de rompre la monotonie en variant les sujets. Je fais ce que je peux, et surtout ce que ma conscience me dicte. La bonne journée.
RépondreSupprimerSalut Rodo !
RépondreSupprimerAh, tu reviens sur cette invention – une de plus – de notre copain Théophraste, avec la Gazette. Je pense que pour certains cela sauve la mise, hélas !
Bonne journée, à l'ombre des petits zoziaux que j'entends se réveiller gentiment. Je vais de ce pas leur apporter quelque chose, surtout de l'eau.
Bon jeudi (déjà !).
JC
Bonjour. Les miens (des zoizeaux) sont déjà à la graille dans le poulailler. Ils sont rigolos. Eux n'ont pas besoin d'aller chez ma tante !
SupprimerAh chez mon fils on ne voit guère les zoziaux, malgré la présence caquetante (discrète) de quatre poules naines.
RépondreSupprimerAvec les 5 chats plus ceux des voisins, ce serait un peu compliqué ! Oui, les poules et les chats s'entendent très bien.
Une chanson pour nous tous, y compris les poètes !
RépondreSupprimerBeau texte qui me bouscule le palpitant !... Comment a-t-on pu en arriver là en un demi-siècle !?
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