vendredi 3 avril 2015

Poèmes d'une Communarde de Paris et d'un Résistant de Gaza

Source
Paris-1871 & Gaza-2014 (suite 4 et fin)

Pour introduire au dernier volet de cette série, rien de tel que cette pensée d'un poète-philosophe, trop oublié, retrouvée par le plus grand des hasards (p 48 de mes archives 2010, pour les curieux !) : « Il m’arrive souvent de ‘'voir’' devant moi le chaos du monde présent, accompagné d’affolement public (…) et de regarder cela comme on voit arriver un typhon sur la mer. Dans ces moments je me demande si l’affolement du monde préfigure une fin apocalyptique dont on aurait l’obscure cons-cience, ou s’il s’agit seulement pour le monde de s'adapter au changement d’échelle. Il n’y a pour moi aucune réponse, sinon sur un tout autre plan. Le poète connaît une permanence, celle de l’émotion positive, de l’émerveillement. S’il la perd, il est perdu, comme un nageur épuisé disparaît à la surface des flots.(...) » - Pierre Jean Jouve -''En miroir'' (réédité en 10/18).
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Ce poète à « l'émotion positive » est de toute époque mais se révèle pouvoir être d'une force très exceptionnelle en période farouche. Or il y a beaucoup de poètes aujourd'hui en Palestine comme il y eut beaucoup de poètes autour des années 1870 en France. Et Louise Michèle était elle-même poète avant d'être révolutionnaire : « Il y a peut-être beaucoup de vers dans mes Mémoires ; mais c’est la forme qui rend le mieux certaines impressions, et où aura-t-on le droit d’être soi-même et d’exprimer ce qu’on éprouve, si ce n’est dans des Mémoires ? », écrit-elle dans ses magnifiques Mémoires, mises en ligne! Voici une seule strophe du poème intitulé « A mes frères », écrit « prison de Versailles, 8 septembre 1871 » (2°partie, chapitre IV) :
Nous reviendrons, foule sans nombre ; / Nous viendrons par tous les chemins,
Spectres vengeurs sortant de l’ombre, / Nous viendrons, nous serrant les mains,
Les uns dans les pâles suaires, / Les autres encore sanglants,
Pâles, sous les rouges bannières, / Les trous des balles dans leurs flancs (…)

143 ans plus tard, voici comme un écho :
Dans chaque Palestinien, il y a une révolution. Dans chaque Palestinien, il y a une résistance. Dans chaque Palestinien, il y a un appel à la paix. Le Palestinien est né résistant. Le Palestinien a bu le lait de la résistance. Le Palestinien rêve de la résistance. Le Palestinien grandit résistant. Le Palestinien vit résistant. Le Palestinien meurt résistant. La résistance est palestinienne. (...) Avec sa résistance, Gaza, l’immortelle, est un rayon de lumière
Qui éclate au dessus de l’obscurité de l’occupant.
Avec sa résistance, Gaza libre est l’exemple de l’humanité entière.
Avec sa résistance, sous les décombres, les cadavres de Gaza tuent le silence des vivants.
Avec sa résistance, Gaza la vie est à la une des médias.
Avec sa résistance, Gaza l’espoir crie haut et fort sa victoire.
Avec sa résistance, Gaza la pacifiste dénonce l’étourdissant silence ravageur.
Avec sa résistance, Gaza la patiente dessine le chemin de la justice.
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Le Palestinien de Gaza Ziad Medoukh est responsable du département de français à l'université Al Aqsa et coordinateur du Centre de la Paix de Gaza. Bilingue, il traduit lui-même ses poèmes, et est un des rares Gazaouis qui arrivent (difficilement) à sortir et revenir de la bande-prison... Il diffuse ses recueils de poèmes lors des réunions publiques où, en France, il intervient vigoureusement... un peu comme le fit Louise Michel à son retour du bagne de Nouvelle-Calédonie. On peut le lire sur le site Palestine-Solidarité dont il est l'un des parrains. En août 2014 sous le déluge de feu israélien, il écrit « Gaza résiste, existe, persiste et espère... », 50 poèmes de Gaza, de la Palestine, de la vie, de l'espoir et de la paix, dont ci-dessus courts extraits.
Ce poète est trop jeune pour figurer dans l'anthologie « La Poésie Palestinienne contemporaine » qui s'arrête aux années 1970 dans l'édition de 1990 que j'ai - rééditée aux Temps des Cerises en 2010. Vigoureusement saluée par Jean-Louis Coët, elle recueille quelques poèmes de 38 auteurs, choisis, présentés et traduits par Abdellatif Laabi,  lui-même poète marocain de langue française, excellent. Ici, son introduction révèle le lien profond, original, entre société et poésie palestiniennes. Ce « phare » de la vitalité du monde arabe a à faire face aux intégristes isla-mistes mais aussi chrétiens ou juifs... se traduisant sur le plan réel par le terrorisme sioniste si protégé par intérêts occidentaux et vassaux arabes locaux. Ces derniers, dictateurs apeurés de leurs peuples si solidaires de « la Flamme Palestinienne », les manœuvrent par surenchères nationalistes et/ou religieuses : d'où le chaos guerrier actuel... visant (aussi) à faire oublier la cause Palestine...
Mais l'ardente poésie arabe, mille fois plus populaire qu'en France aujourd'hui, persiste et signe. Et pas qu'en Palestine, d'où on ne peut qu'écrire partant du plus enfoui et douloureux : la terre usurpée. Et tout réinventer dans l'urgence. Mahmoud Darwish fut - à son corps défendant - vedette de cette créativité si multiple, souvent tendre, imagée, mais toujours lyrique, tendue, fière, digne. Rendant même force au slogan, ici si usé (« tous unis », etc.) car si dévoyé par manœuvres politiciennes...
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« La plume de paix des Palestiniens est plus forte que le feu de haine des occupants, comme la lumière de l'amour l'emporte sur les ténèbres de l'horreur. » Parmi ses nombreuses activités, Ziad Medoukh termine ainsi la postface d'un ouvrage récent, mais paru juste au début de l'attaque d'Israël sur Gaza en 2014 : le monumental reportage de Marie-Jo Parbot « GAZA la vie, passionnément – paroles d'assiégés ». Bien que datant de 2013, on trouve dans ce beau livre très illustré une foule de témoignages qui sont typiquement gazaouis. Notamment l'importance sociale des femmes, et leur courage face au machisme, hélas encouragé par l'Islam. L'auteure s'entretient avec bien des jeunes, filles et garçons : comme partout au monde, cette belle jeunesse a des pulsions hédonistes - dont elle est frustrée, là bien pire qu'ailleurs. Moins par la rigueur du Hamas (Israël tente d'acheter chez de jeunes naïfs ses renseignements...) que, bien sûr, par la rigueur du blocus : tous rêvent de voyager, de voir d'autres cieux et peuples et l'un d'eux le résume ainsi : « Il ne nous reste que la fuite en nous-mêmes pour faire évoluer notre réalité »... ce qui n'empêche pas ce même jeune d'être réaliste en déplorant d'avoir deux gouvernements (dirigés par le Fatah à Ramallah et le Hamas à Gaza). Mais dans tout le peuple palestinien les deux forces coexistent, car, dit un autre Gazaoui : « C'est faire un beau cadeau aux Israéliens que d'être divisés. Un homme politique israélien a énuméré les victoires d'Israël : la guerre de 48, celle de 67, la division Fatah/Hamas ! »
Il est certain que l'accord en cours pour rétablir l'an dernier un seul gouvernement palestinien a provoqué la si sanglante attaque terroriste d'Israël sur Gaza. Certain que la Résistance Palestinienne, comme sa poésie, en sort plus unie et radicale que jamais, au cœur du peuple, sinon à son sommet. Et l'avenir est au peuple palestinien, aux peuples du monde, tous poètes !


Articles précédents :

Paris-1871 & Gaza-2014 (1° partie)
Les révolutions ne meurent jamais (2° partie)
Silence de plomb et menace d'asphyxie (partie 3)


Sous l'casque d'Erby




9 commentaires:

  1. Bonjour caillardeuses et caillardeux. De la belle ouvrage, cette suite finale avec, on l’imagine sans mal, points de suspension !...
    Autre chose qui n’a apparemment rien à voir avec le sujet de Rémi, mais qui en explique plein d’autres. Dans un article publié dans le 49 du UN, Christian Salmon, chercheur sur les arts et le langage de l’EHESS, rapporte les propos de Karl Rove, le « spin doctor » de George W. Bush, d’une conversation entre Ron Suskind et le président à propos d’un papier du journaliste publié dans le Wall Street journal sur la communication de la Maison-Blanche auquel Dobeliou Bush avait peu goûté. Voici un court extrait de l’échange entre Suskind et Number One :
    « Vous croyez que les solutions émergent de votre judicieuse analyse de la réalité observable ? J'ai acquiescé, écrit le journaliste, et murmuré quelque chose sur les principes des Lumières et l'empirisme. Il me coupa : « Ce n'est plus de cette manière que le monde marche réellement. Nous sommes un empire maintenant, poursuivit-il, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons d'autres réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c'est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l'histoire. Et vous, vous tous, il ne vous reste qu'à étudier ce que nous faisons… »
    On ferme le ban, au cynisme s'ajoute l'insolence et roule charrette !

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    1. Le Dobeliou Bush ne faisait là que remanifester crûment le rêve hégémonique yankee : après la conquête du Far-West, celle de la Planète... de guerre en guerre, avec au Moyen-Orient son "État-Satellite" Israël à la conquête de la Palestine et plus...: d'où l'importance mondiale de la Résistance Palestinienne.

      De temps à autre, un président un peu plus réaliste que d'autres "va t'en guerre" absolus, essaie des pauses par compromis. C'est le cas des acrobatiques "accords sur le nucléaire iranien" en ce moment, qui met en fureur Netayahou et les Républicains US...

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    2. Ce n'est pas Dobeliou qui a prononcé cette forte sentence. Il n'est pas assez futé pour ça. C'est un de ses conseillers qui l'a dit. Dobeliou, lui, a, répondu à Joe Biden, qui après lui avoir fait part de ses doutes sur l'aventure irakienne en exposant les divers problèmes (la situation explosive entre sunnites et chiites, la difficulté de sécuriser les champs pétrolifères, le démantèlement de l'armée de Saddam…) lui a demandé, le voyant impassible, indifférent, comment il pouvait être aussi sûr d'avoir raison alors qu'il ignorait tout des faits : "mon instinct, mon instinct".

      Une réponse qu'il a souvent faite lorsqu'on lui demandait des explications sur ses décisions, qui entraient souvent en conflit avec les faits. Son instinct, ses tripes…

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    3. J'avais eu comme un p'tit malaise en retranscrivant la phrase que j'atribue, à tort, à Dobeliou, pour les raisons que vous écrivez le concernant. Merci de la précision.

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  2. Saluzatous !
    Je ne peux m'empêcher, à la vue de la production du jour de l'ami Erby, à cet homme qui voudrait tant reprendre pied à l'Élysée, ce qui serait à nouveau l'État Long.....

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  3. @lediazec - Je m'aperçois avec consternation que j'ai omis de corriger un passage dans le texte que je t'ai envoyé et que tu as bien mis en ligne, merci. Il s'agit du début du second paragraphe, qui, corrigé, devient :

    Ce poète à « l'émotion positive » est de toute époque mais se révèle pouvoir être d'une force très exceptionnelle en période farouche. Or il y a beaucoup de poètes aujourd'hui en Palestine comme il y eut beaucoup de poètes autour des années 1870 en France. Et Louise Michèle était elle-même poète avant d'être révolutionnaire (etc., la suite inchangée)

    Je ne sais si tu peux procéder à cette modification tardive. En tout cas, telle est mieux exprimée ma pensée sur l'analogie, ici sur le plan de "l'émotion positive de la poésie" entre ces deux situations dramatiques de luttes de classes, révolutionnaires...

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    1. Bonsoir. Corrections en place depuis 13 heures. Plus claires, certes. En zyque, pour ne fâcher personne, je n'ai pas hésité, à balancer 25 vidéos sur Marc Ogeret. Que les mécontents prennent RdV avec mes avocats. Désolé, mais ils sont tous clandestins !...

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    2. Merci jeune homme! J'ai ouï (et approuvé, oui) un certain nombre de des 25 videos...
      Puis j'ai collecté mes 4 articles sur ce thème pour les envoyer à mon réseau d'amis... avec l'espoir, entre autres, d'élargir l'audience de "cailloux..." vu que le brouillard (et les arts embrouillés) ont tendance à s'alourdir, ces temps!

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  4. http://www.wikistrike.com/2015/04/la-palestine-nouveau-membre-de-la-cpi-veut-poursuivre-israel-pour-crime-contre-l-humanite.html

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