jeudi 11 décembre 2014

Marko, poète et écrivain

Marko est membre de l'ArTche des sens. Il vit et travaille à Prague. Taquiner les mots, par la prose ou par la poésie, est sa façon personnelle d'accrocher les pensées, les étager, sans ordre défini, dans le but, du moins c'est ainsi que je l'ai perçu, de se trouver en cherchant, partageant et s'enrichissant de la richesse du monde intérieur-extérieur, ce territoire infini qu'il explore avec exigence et bonheur.
Jo, illustrateur et ami de Marko, réside en Hexagonie, quelque part dans le midi. Entre les deux compères l'échange est intense et la complicité évidente, comme vous le verrez dans les liens au pied de l'article.
Aimerez-vous autant que moi ?...

Illustration de Jo, ami de Marko
Voici la poésie, c’est ainsi que je l’ai apprise, au coin d’une rue, au détour d’un imprévu. Je me rendais dans le pays merveilleux de nulle part, dans ces terres propices au départ. Chemin faisant avec mes amis, je me portais volontaire pour la fuite. Laissant à chacun le soin de décider pour lui-même, je m’en allais joyeusement vers moi-même.
J’ai arpenté les falaises de ma conscience dans une perpétuelle quête d’essence. Je ne savais pas bien où aller et laissais les hasards me guider. A la croisée des chemins, je consultais mon cœur. Rarement de bonne humeur, aveuglé par tant de douleurs, il aurait bien pu faillir à sa tâche. Ma raison bien piètre pour compenser sa sagesse, je me reportais à d’anciennes études pour retrouver la sollicitude de celui-ci. Contes, légendes, livres et chansons, se mirent à peupler mes visions.
Je découvris de nombreux paysages, beaux, réels et présents. Je décryptais dans ces images des reflets, des reliefs et des réflections de mon Être le plus profond. Diluant ma recherche dans le temps et les espaces, dans l’étendue des états de conscience et de révérence, je m’approchais d’une nouvelle dimension.
Une contrée de lettres et de Verbe s’offrait à moi. Épris de tendresse, je me penchais sur leurs émois. Tant de sagesse et de tristesse, tout avait été dit depuis si longtemps, se pouvait-il que si peu aient entendu? Pourquoi tant de beauté négligée dans le temps, tant de lumières refoulées? De l’amour condamné à la racine, du toujours ressenti comme ennui; trop de choses qui nous chagrinent, mais le retour vaut bien ces chandelles d’épines.
Qui s’y frotte s’y pique bien sûr! Que pensez-vous? Que faites-vous face à la misère qui chaque jour croise vos pas? Misère physique, psychologique ou matérielle, qu’importe? La mort frappe à la porte pour répondre à l’inconnu, à l’injustice et au superflu. Elle se diffuse, s’infuse et ne s’excuse jamais de venir troubler les rêves des artisans de nos cauchemars.
Voici la poésie, il n’est pas question de faire des rimes. Seulement de s’enrager à ramener à la surface la profondeur de nos espaces. Seulement à dégager de la crasse les rêves des amants. Je veux du bleu, du plaisir, de l’avenir, et je m’inquiète de la fureur cynique qui ôte la magie de nos quotidiens. Monde d’injustices que l’on justifie, élancé dans les précipices béants du pouvoir et de la folie.
A première vue tout semble bouger si vite, mais imperceptiblement se perçoit la dimension immobile. Équilibres, substitutions, évolutions, transformations en ensembles instables, éphémères, parfaits et harmonieux. Les détails pèchent à vue d’Homme, mais c’est que trop de bipèdes ne parviennent à transcender et dépasser leur nature primitive. Ils ne voient pas les failles éclatantes qui habitent les mirages auxquels nous dévouons une part de nos courtes vies terrestres. Ils ne perçoivent ni la plate-forme, ni l’envol sidéral et sidérant que nous promet l’existence. Un voile intégral sur leurs cœurs, leurs yeux et leurs oreilles, ils n’ont pas perçu les charmes de l’éternel, ils n’ont ni entendu sa musique, ni chanté sa chanson, ni dansé sur ses pas. Cette danse légère qui déploie les lignes de la conscience, la transe de l’égaré en quête d’infime et d’insouciance.
Au quotidien la conscience se forge, s’éveille, s’abrutit, se modèle, se libère, ou s’emprisonne. Au quotidien, de manière consciente ou inconsciente, la conscience s’agite et nos esprits se débattent dans les lignes du langage pour tenter d’exprimer l’inexprimable équilibre. Les mots sont encombrants pour exprimer le sens et l’expérience, pour témoigner de l’invisible qui nous habite. Seul l’instant peut parfois permettre de sonder les profondeurs de notre être entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, le visible et l’invisible, l’ignorance et l’expérience. Conscience et inconscience s’embrassent alors pour dépasser les finitudes physiques, rencontrer l’ombre de la mort et tendre à un nouvel équilibre, un envol.
C’est un paradoxe important du culte contemporain de l’éphémère que de négliger l’instant éternel. Secondes, minutes, heures et années défilent sans accroche sous les pas des jouisseurs du néant, incapables de s’y ancrer, de s’y plonger et de briser les mirages qui bornent les portes de l’univers. Effacer les mirages et se confronter au vide, quitter le cocon de sa raison, sortir de la chrysalide funeste des quotidiens. S’envoler au-delà des pays et des religions, des idéologies et des croyances, et admettre que l’on ne peut rien savoir, mais seulement faire l’expérience.
Des voix multiples et dissonantes proposent des lignes de langage sur lesquelles nous n’avons d’autre choix que de surfer et nous mouiller. Mais il faut apprendre à briser les vagues, à tracer son propre cap, naviguer à vue, à jamais seul sur la mer de brumes, avant de créer et d’atteindre sa propre mer. Plus on approche de soi-même, plus on est en mesure de percevoir les limites extrêmes de la connaissance, l’infini des possibles, et la convergence des chemins. Plus un être se rapproche de lui-même, plus son énergie se répand dans le temps et l’espace, comme un caillou dans un étang. Dans la mer universelle, les vibrations, se rejoignent, se coupent, et réagissent au rythme de musiques quantiques, dont l’harmonie dépasse nos capacités de compréhension actuelles, mais pas de perception inactuelle.
L’obscurantisme est une maladie humaine répandue à travers les temps et les âges. Peu importe le nom des dieux, des religions, des idées, des symboles ou des drapeaux, ils ne font trop souvent que tromper et asservir les âmes fragiles. Et pourtant, le mystère de notre présence devrait suffire à préserver nos innocences. Nos structures mentales sont incapables d’appréhender ce mystère et d’expliquer pourquoi nous sommes vivants ici et maintenant sur cette terre et dans cet univers. Nous sommes en revanche tous capables de ressentir les expressions d’une énergie qui nous dépasse, dans les joies, les peines, ou dans l’ivresse.
Le seul fait d’exister et d’un jour mourir oblige de faire face aux questions du vide et de la transcendance. Le nier est refuser toute chance de transcender nos angoisses et nos limites face à la mort et l’éphémère. Toutes les réponses ont d’ailleurs déjà été exprimées dans une multitude de contes, de légendes, de chansons, d’histoires, de philosophies, de poésies ou de religions. Il est à croire que toute cette sagesse peine à se faire entendre, alors qu’il suffit de s’arrêter un peu…
Est-il si compliqué de comprendre que nous mourons tous un jour ou l’autre? Est-il si compliqué de comprendre qu’il y a d’autres choses à accomplir que de puérils achèvements matériels? Parfois j’aimerais que la mort montre plus souvent à chacun son doux visage, celui de la consolation, et non seulement celui de la peur et du vide. N’ayez pas peur d’elle, elle est moins méchante que nous: vivez donc à présent, partagez, semez et récoltez les présents. Rendez grâce à la vie, avant que l’inconnu ne vienne vous prendre un jour dans ses bras glacés. Il n’y a pas de prophète, de sage, de philosophe ou de poète qui saura vous indiquer le chemin plus sûrement que vous-même. A peine sauront-ils vous aider, car seule l’expérience intime d’une énergie sans appel doit guider nos perceptions et notre spiritualité.
La seule voix valide est la lumière issue du plus profond de nous mêmes qui vient éclairer de sens aussi bien le plus beau poème que le texte le plus insignifiant. Le plaisir et les perspectives offertes ne seront certes pas les mêmes, mais chacun doit devenir, puis rester maître dans son propre monde, dans le royaume de ses perceptions. Pour le reste, il nous faut cohabiter et partager avec autant de royaumes et de mondes qu’il y a d’hommes, de femmes, et autres formes de vie médiatrices d’énergies. Là encore, moins on connaît ses profondeurs et son appartenance à la totalité, moins on est enclin à coopérer avec autrui.

ML (2010)




L’alchimie  


Nos mains transpirent d’or,

Mais d’airain se couvrent.

Fondues dans le décor

Que nos sens réprouvent.

L’alchimiste se découvre

Et dépasse l’impassible ;

Dans sa folle quête éprouve

La richesse des possibles.

ML (2006)


***


Le Rêve de l’Alchimiste
 
Unique éther de nos brumes,

Notre chimie s’évapore,

Dans l’infime se consume

Et se brûle dans nos décors.

Un subtil mélange choisi

Par les Temps et notre Terre.

Fébriles échanges sans prix,

Que ceux de nos mystères.

Le rêve de l’alchimiste,

Démiurge dans ses yeux :

Sans cesse explorer ses pistes,

Sans atteindre leur précieux.

En des formes et formules

Vides se détache son art.

Seule la quête le stimule,

Sa fin dévoilera sa mort.


Son site  et un autre où l 'on peut voir le travail de Jo.




Sous l'casque d'Erby

Zarkoooooo ! Zarkooooo !...

6 commentaires:

  1. Bonjour les caillasseuses et les caillasseux. Le vent décorne du bœuf par ici que si ça continue on ne parlera plus des cornus dans la région !

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  2. Ah oui, Erwann avait le même constat ce matin. Ici il n'est pas très fort.

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  3. C'est une "mine d'or" que ce couple d'amis Marko et Jo !
    Merci de nous l'offrir... Quel beau, magnifique texte et quel puissant dessin !
    Tout à l'heure, mal réveillé malgré l'heure (10h!), j'ai cru voir l'envol d'un oiseau blanc sur la tête du portrait, en guise de ses cheveux fous !
    Cela a prolongé mes rêves matinaux, aussi invraisemblables et beaux...
    Faut vous dire qu'hier soir c'était la fête :
    A l'impromptu, des amis (merci!) m'ont emmenés à une soirée de musicien(ne)s, sorte de cabaret pour des chansons parfois inédites et souvent des reprises (Ferré, Caussimont, Leclerc, Brassens, Brel et Gaston Couté, etc.). Gérard Lambert (libraire de feu ''La Voix au Chapitre") en était, qui chanta Woody Guntry!... : rentré vers 1 heure du mat, j'ai tourné en rond et en silence 2 heures dans ma casbah, HEUREUX, avant d'aller dormir-rêver.
    Faut dire que, ne buvant plus d'alcool, j'avais bu beaucoup de café - et du bon !

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  4. Salut caillasseux.ses ! A la lecture de ce billet, je ne dirais pas mieux que Rem* !
    Un très bon début de week end à toutes et tous !

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