vendredi 28 novembre 2014

Où donc est parti ''l'État-Providence'' ?

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Le boulot du prolo de base... ? Le point commun du très ingrat boulot-prolo est d'être au bas de l'échelle hiérarchique du travail-salarié, ce statut général à tous les échelons... à gravir péniblement et avec très peu de succès. Double peine pour le prolo-de-base !
Ici, de nos jours, ce prolétaire se nomme ''agent de production'' au lieu d'ouvrière-ouvrier ''O.S.'', dans ce qui reste des grandes, moyennes, petites et très-petites usines ou fabriques... Ou sur les chantiers de construction, d'infrastructures, de travaux agricoles, etc. : mais ce secteur traditionnel de la classe ouvrière d'hier est en déclin aujourd'hui, entraînant une croissante armée de chômeurs, dit ''personnel à la recherche d'emploi''. Et pourquoi ? Parce que ''c'est comme ça'' ! 
Tel est le début du plus gros chapitre de mon essai en chantier ''Œuvrières et Œuvriers'', qui évoque d'abord longuement le secteur privé, avant le secteur public, dont voici une ''page arrachée'', provisoire.



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L'État (ou ''les pouvoirs publics'', municipaux compris) est lui aussi un gros faiseur de prolos, en tant qu'employeur direct. Sans entrer ici dans le dédale infernal (et bureaucratisé) de la pyramide étatique, l'on constate déjà que cet État-Providence, censé être ''social'', ne favorise guère plus que le privé le prolétariat qu'il embauche, et beaucoup, au tout bas de l'échelle. Ce prolo a au mieux plus de sécurité de garder son (ou du) travail par statut de fonctionnaire. Protection de plus en plus contournée par des contrats d'emplois précaires (stages, CDD...) et par la sous-traitance. C'est le cas du personnel ''basique'' d'entretien de locaux et matériels de fonctionnement (parc auto, etc.). Mais, pire, c'est le cas du personnel envoyé à vil salaire et en ''bouche-trou'' sur des postes à remplacer, par exemple de pédagogues de l'Éducation Nationale : tant pis pour la compétence, tant mieux pour l'équilibre du budget, délice du supérieur... Ces tours de passe-passe sont courant notamment dans les grands services qui furent hier ''domaine public'' et sont bradés par paliers au ''privé'' : hôpital, enseignement, poste, rail, route, air, mer (pour ''continuité territoriale de la Corse''...) et énergie (même centrales nucléaires). Plus - sinon encore les Services des Impôts et les Services-Secrets - la police (pour P.V. de parking, etc.) et l'armée. Oui, la Grande Muette n'a rien à dire sur sa sous-traitance de prolos-civils : dame, il n'y a plus de service militaire, pépinière de gratuits larbins... en casernes, ou de (presque) gratuits patriotes lancés au casse-pipe, aux champs d'horreurs !

Enfin, comme dans l'industrie, l'agro-industrie, le commerce, etc. du ''secteur privé'', le licenciement par ''plan (anti-)social'' est de mise dans ''le secteur public'' - au nom de la sacré-sainte réduction de la ''dette d'État'' et du rendement. Tant mieux pour l'armée (qui devrait être supprimée), mais pas pour les vrais services publics (hôpital, école, rail, poste, énergie...) : là comme ailleurs, les emplois deviennent précaires ou sont rognés, supprimés : c'est le cas notamment des services semi-privatisés comme l'énergie ou la Poste, qui a perdue 80 000 emplois en dix ans, avec l'introduction des robots !
 

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''L'État-Providence'' mérite de moins en moins ce surnom. Pour rappel, il vient des époques (1910, 36, 45, 68...) où le prolétariat se fit menaçant des pouvoirs capitalistes et où l'État calma le jeu par des lois sociales (à commencer par les 8h/jour et repos le dimanche, plus tard les congés payés, puis les 35 heures) et des organismes comme la Sécurité Sociale, les CCAS, Pôle-Emploi, etc. Mais ce sont là lois et bureaucraties opaques, contournées voire bafouées : l'État est plus que jamais en protection de la classe bourgeoise possédante (et désormais valet du capitalisme mondialisé, branche impérialisme US-OTAN). Entrons dans le détail du personnel étatique, qui, prolo ou pas, est censé être au service du citoyen, plus souvent prolo que pas (j'ai déjà évoqué, à propos de l'école et l'adolescence, le cas du personnel de l'Éducation Nationale).



1- Une armée d'assistantes sociales est censée aider l'pauv'prolo à faire son chemin dans la bureaucratie administrative. Il arrive qu'elle (c'est rarement un homme) s'y perde et elle est débordée de boulot ingrat mal payé, proche du SMIG : prolo spécialisée pour aider prolo paumé, en somme. Pour anecdote, il m'est arrivé de remonter le moral d'une assistante censée me remonter mon dossier : elle avait plus besoin de moi que le contraire !...



2- Santé : J'ai eu besoin par contre des soins d'infirmières (autre métier peu masculin). Même si elles sont mieux payées que le prolo-de-base, car techniciennes très ''pointues'', elles restent largement sous-payées par rapport à des techniciens aussi ''pointus'' ailleurs. Et par rapport aux médecins, pas toujours plus compétents (et souvent arrogants envers elles). Elles restent surtout humaines et simples : comme le prolo soigné. Aidées en cela par les aides-soignantes et les femmes de service, très souvent admirables de dévouement à l'hôpital. Lequel se ''modernise'' à en oublier son statut social : se croit usine à gérer !

Personnel hospitalier comme tout personnel basique des services publics (administrations d'État comme municipaux, etc.) se retrouvent donc à faire grève, à manifester avec leurs homologues du ''privé'' : c'est la même classe laborieuse face au même démon capitaliste. Elle revendique plus sur ''avoir plus...'' que sur ''être plus digne'' sous l'influence de syndicats réformistes. Mais l'aspect qualitatif revient en force, signe des temps d'inquiétude justifiée ! : Même les flics font grève !



3- Police et Justice : la police est censée assurer la sécurité du citoyen, la justice de trancher, non plus des têtes, mais des casses-tête de litiges, ''au nom du peuple souverain''. Dans les faits, nos p'tits magistrats sont dépassés de l'empilement des dossiers, faute de personnel (d'huissiers surtout), et soumis à des pressions occultes de puissants. Dans les faits, les p'tits flics d'antan sont devenus, soit des ''municipaux'' (en sous-traitance, en somme, de la police nationale), soit d'arrogants ''chasseurs'' de tout ce qui bouge, avec sigles barbares genre ''BAC, BRI, GIPN'' etc, et bien sûr CRS, de plus en plus ''robocops'' à l'inquiétante mode yankee. Et pire pour gens-d'armes, G.M. et autres soldats des combats contre ''l'ennemi-de-l'intérieur'', ces émeutiers, ces désordres du vilain, du vil-prolo en légitime noire colère... Notez que les ministères de la Défense et de l'Intérieur se disputent la Gendarmerie : la solution serait de la supprimer carrément, ainsi que les ministères, d'ailleurs!



4- Le service militaire obligatoire n'a été, en France, supprimé (sauf à le rétablir en cas de guerre, si...) qu'en novembre 2001, onze mois après le début de ce siècle : hier. Analyser l'importance historique de (feu) l'enrôlement forcé de tous les jeunes hommes sous ''les drapeaux'' ?...: 5000 pages seraient un minimum ! J'ai préféré lire (en diagonale !) les 5 petits volumes réjouissants de ''l'Anthologie de la Connerie Militariste'' de Lucien Seroux, (éd.AAEL, Toulouse, illustrations des couvertures de Tardi). Mais voici extrait de correspondance d'un ami de ma génération (73-83 ans), qui fut comme moi ''appelé'' a faire la si sale guerre d'Algérie : ''(…) Nous étions cette génération qu’on appelait à l’époque ''les mutants'' de la révolution industrielle. Fini la petite entreprise et les manufactures. Il fallait disait-on savoir se préparer à évoluer avec son temps. Plus de place pour tous à la ferme. Le petit commerce et les petits artisans c’était une fin annoncée. Pour notre génération il fallait se préparer à des mutations - professionnelles d’abord et par voie de conséquences géographiques très souvent. Et c’est là que le service militaire prenait tout un autre sens Car souvenez-vous ! La peur d’être réformé, c’était en réalité la peur de se voir fermer certaines portes d’emploi et notamment dans les fonctions publics mais aussi dans plusieurs entreprises qui ne voulaient pas embaucher des ''malades'' (''mauvais patriotes''). Et donc le service militaire était considéré comme l’un des sésames nécessaires et nous partions quoique cela nous en coûte(...)'' : ces quelques lignes résument la ''mutation'' prolétarienne forcée de l'époque 1956-62 de la guerre d'Algérie, et la difficulté immense de se faire réformer ou, bien pire, de déserter. Elles ont parues dans le débat interne de l'association dont je suis (sur un million de troufions qui ont ''fait'' l'Algérie !...) un des 200 membres : la 4acg, ''Anciens Appelés en Algérie et Amis CONTRE la Guerre'', donc animée de dignité de témoigner. Dans mon essai ''Le Piège'' (disponible chez moi - avis!), j'aborde la question de la désertion du strict point de vue autobiographique : question fondamentale de rester DIGNE dans une guerre (coloniale ou non), si indigne. Vieille question réactualisée sans cesse par l’inouï interventionnisme US et ''alliés'' (Vietnam, Afghanistan, Irak... demain Ukraine?). Les désertions et mouvements anti-guerre - plus ''robotisation'' de certaines armes - ont entraîné aux USA, en France et ailleurs, la fin de la ''conscription obligatoire''... mais pas la fin du racolage de pauvres prolos au chômdu à qui l'on fait croire un ''métier d'homme'' (il y a même des femmes!)... Mais, dans l'immense majorité des pays, ''l'appel sous les drapeaux'' reste obligatoire et souvent lourd : 2 à 3 ans en Chine, Russie, Algérie et autres pays arabes... Ainsi qu'en Israël - où les ''soldates'' patrouillent avec les mecs à étrangler la Palestine... Et, désormais en Israël, tout comme avant-hier en URSS (Afghanistan) ou hier en Russie (Tchétchénie), le mouvement ''refuznik'' est particulièrement courageux ! : quoi ? Des prolos qui refusent de tuer d'autres prolos ??? Mais si ça continue, ça va être l'anarchie !!! Ben oui, fier officier, et te v'la au chômage... 
 


*C'est nous les Canuts, nous sommes tout nu !*

Après l'écrasement, par l'armée, de la seconde révolte lyonnaise des Canuts (artisans de la soie), en 1834 - moins de 3 ans après la 1° -, Casimir Perier (président du Conseil), s’exclame :''Il faut que les ouvriers sachent qu’il n’y a de remède pour eux que la patience et la résignation''. Cette boucherie fut prémonitoire de ce que fera Thiers en 1871 contre les Communards de Paris...


Sous l'casque d'Erby

 

7 commentaires:

  1. L'État, mon bon monsieur, ce n'est bon que pour ceux qui ont l'heur de bénéficier des ors de la République (ceux qui ne servent à rien, quoi). Les autres, il n'en faut plus : ils seraient bien capables d'aider les malheureux à s'en sortir, et les affaires publiques à bien tourner. Ils ont même de la conscience professionnelle, et une haute idée non d'eux-mêmes, mais de la fonction à laquelle ils contribuent. C'est insensé ! A cause d'eux, de ces piétailles souvent payées au SMIC, l'État tourne encore, et ce n'est toujours pas le chaos. Comment s'en débarrasser ?

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  2. Reçu hier soir info de mon cher DHR. Non, vous avez bien lu, DHR et pas DRH, bien plus qu'une nuance!... Voilà le lien pour l'info :
    http://cooperativedhr.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=125&Itemid=108

    Il s'agit de la création (avec DHR) d'un court-métrage contre, sûrement, celui (le capitaliste) qui s'adresse au ''bon monsieur'' du commentaire de Bab. Et c'est une nouvelle réjouissante d'avoir pu réalisé ce film...

    Mais, en prime, au bas de cebillet de DHR, il a une vidéo à ne pas louper : le gag pédagogique-hilarant de trois p'tites nanas qui dézinguent LE système des boursicoteurs du CAC-40... : un régal!!!

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  3. VAL (Véritable Artisane Libre)28 novembre 2014 à 10:37

    Hello les caillaisseuses, et eux !!!
    L'état providence, il danse sur la vie des prolos que nous sommes sur le 2ème album de manu valls !!!
    Tu parles du service public, Mon Rem*, c'est la cata et j'ai un exemple concret. Une femme de 49 ans qui a bossé 20 dans une mairie, se retrouve en foyer logement, parce qu'elle n'en pouvait plus... Poubelle la vie ???
    Au fait j'ai recopié le lien pour DHR car pas d'accès direct (ASUS ferait-il des siennes ce matin ???)
    Sur ce la bonne journée à toutes et tous, la bise avec

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  4. De toute façon l’État n'a jamais été, dès sa naissance, que Providentiel pour les puissants, pour la bourgeoisie comme on dit, il en est le garant, le larbin bien disposé, le peuple ne servant que de caution pour continuer de jouer la partition de l'illusion « démocratique ». Il n'est que la marionnette vivante avec laquelle tout ce beau monde s'amuse... Il est beau (et digne, et lucide) d'être convaincus que sans nous ils ne sont rien, martelant comme des malades que nous ne sommes que des jouets entre leurs mains pour « conscientiser » des humains sous contrôle, hurlant notre abjection, argumentant pied à pied, enfilant leurs méfaits comme on enfile des perles, cela est insuffisant pour les démolir, je le crains... Et ça n'est pas parce que nous y voyons clair dans leurs funestes combines, que nous appelons de toutes nos petites forces ce tant attendu Grand Soir que pour autant la lumière viendra…

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  5. VAL (Véritable Artisane Libre)28 novembre 2014 à 11:01

    A écouter : SAEZ "Putains vous m'aurez plus" et le reste aussi !!!

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