jeudi 20 novembre 2014

Le scientifique en... artiste-œuvrier!

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Il semble que le scientifique soit très ''intégré à la bonne société'', loin de toute marginalité sociale. Il ou elle l'est très souvent en effet. Mais à sa façon, assez ou très originale, fréquemment. Voire géniale (ou vicieuse!) parfois...
Outre son sérieux bagage de connaissances acquises par de très studieuses et longues études, le scientifique aura toujours besoin de sa pensée structurée, du ciment de sa raison logique, à grand renfort de langage mathématique, ardu et magnifique. SOIT. MAIS il aura besoin de sa grande curiosité d'esprit, donnant parfois si magnifique intuition créatrice. Laquelle surgit souvent à l'improviste. Parfois de façon incongrue, même liée à une étourderie - cas d'une plaque photo-sensible oubliée dans l'obscurité d'un tiroir à proximité d'un échantillon de radium : Les Curie découvrirent ainsi le phénomène de la radio-activité en général, via sa forte présence dans certains minéraux...
Ce langage savant, logique-structuré et ouvert à l'intuition s'exerce en tout domaine. Cas d'une équation en mathématique, tout aussi ''pointue'' qu'une savante observation concrète. Que ce soit dans l'immensité du ciel étoilé vu par télescope, celle du tout-petit vu sous microscope, ou de l'infiniment petit - boson de Higgs, etc.. Ou dans l'immensité contenue dans un mètre cube de pré, un œil de pieuvre, un comportement colonial de coraux, un ou une ceci-cela... Vivent le rationnel plus l'intuition du savant et du chercheur! C'est à sa façon un artiste et un œuvrier !


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Le scientifique a aussi SA GRANDE LIBERTÉ, plus ou moins limitée, combattue, par diverses autorités de tutelle, etc.. Mais ''il en impose'', de par l'importance de son apport scientifique et son prestige (s'il est mérité...). Prestige qui va bien au-delà de sa spécialité. Ainsi en est-il de ''grandes gueules'' comme le pacifiste Einstein, le poète Gaston Bachelard, les ''doux'' Albert Jacquard, Théodore Monod, Hubert Reeves, etc., devenus vulgarisateurs de la science et lanceurs d'alerte compétents ! Merci !
Et merci à Alexandre Grothendieck, qui vient de mourir à 85 ans, génie des mathématiques de l'envergure d'Einstein, dit-on. Après le choc de mai 68 (il se fait chahuter par des ''enragés'') il renonce à la recherche pure pour la vraie écologie politique (groupe pionnier ''Survivre''), puis ne voulait voir personne. Ceux qui veillaient sur lui, refusaient de vous donner le nom de son village. Avec chemins aussi compliqués qu’une équation à n inconnues !...


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Tout savant le reconnaît humblement : chacun doit beaucoup à l'équipe scientifique d'étudiants et chercheurs qui l'entourent, y exerçant en général une autorité très naturelle, loin de l'autoritarisme du businessman. Une œuvre collective en naît, féconde. Pouvant irriguer toute œuvre collective dans divers secteurs de vie sociale.
Ce n'est là qu'un schéma qui, dans les faits, peut s'avérer faux et nuisible : cas par exemple de recherches en labos ou études de terrain qui sont soudoyées par la corruption du big-business, ou par le double-jeu du faux savant qui ne pense qu'au fric - cf. chez des (al-)chimistes, les scandales récents de Servier (affaire du médiator) ou de Sanofi-Avantis (affaire acomplia), entre autres!... Hélas, ces quelques scandales révélés ne sont que petite partie émergée de ce monstrueux iceberg qu'est l'industrie chimique florissante - depuis le gaz sarin de 1915! - au grave détriment de notre santé. Fabrice Nicolino en parle courageusement dans ''Un empoisonnement universel'' (comment les produits chimiques ont envahi la planète), paru aux éditions LLL en 2014...


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S'agissant de sciences, on ne pense communément qu'aux secteurs en vue dans la recherche fondamentale, mathématique, physique-chimie, santé, etc. Et peu aux sciences dites humaines (elles le sont toutes !) comme l'histoire, la sociologie, la psychologie - et leurs nombreuses branches. A cheval sur ces pôles de sciences ''dures ou molles'' (autres bizarres appellations) règne la géographie. Outre le fait que cette méga-science a ses racines enfouies au plus profond des besoins de l'humanité primitive, elle a longtemps engendré une foule de disciplines anciennes, les unes très scientifiques (géométrie...) les autres très mystiques (mythologies...) et leur mouvant entre-deux (épopées lyriques para-historiques, astrologies para-astronomiques...). On a pu dire avec pertinence que ''la géographie est mère des sciences et des arts'' (Braudel?). En tout cas, elle a retour en place fondamentale - et en recherche fondamentale - aujourd'hui. C'est un signe des temps d'inquiétude, dû à nos calamités : dérèglements climatiques, épuisements et empoisonnements des sols et des mers, etc. ... et in fine prolifération de la misère sociale !
Désormais la géographie est révolutionnée par toutes ces récentes prouesses, mathématiques-informatiques, spatiales et sous-marines (pour la cartographie, la climatologie - cf. le GIEC), etc. Mais elle s'appuie aussi sur la floraison de toutes branches de la sociologie - cultures, migrations, ethno-sociologie, socio-économie, psychosociologie, etc.. Elle s'appuie encore sur le renouveau des recherches en préhistoire et histoire des peuples, mais aussi en archéologie, géologie, j'en passe. Ces techno-sciences et sciences-humaines combinées accroissent certes nos connaissances, mais reste le danger qu'elles soient détournées de leur seul but souhaitable : libérer les hommes d'obscurantismes divers et variés, anciens (religions révélées...) ou modernes (religions du Fric et du Productivisme, de l'homme-robot...). La science de la géographie est prudente, s'appuie toujours sur le terrain concret, se méfie par exemple du concept de ''géo-stratégie'' qui sert à toutes les élucubrations, parfois, d'ignares géographes et vains idéologues. Bref, depuis toujours, la géographie est humanisme et fut toujours détournée à faire la guerre.
L'immense géographe de la fin du 19° siècle Élisée Reclus fut homme multiple, de terrain et de bibliothèque, comme homme d'engagement concret (combattant communard en 1871 !) et du vigoureux débat intellectuel du mouvement anarchiste, bref un exemplaire œuvrier. Voici un très bref extrait de son discours ''L'Anarchie'' (réédité en 2013, éditions 1001 nuits, 2,60€) :
''Comment pourrait-on vivre sans maîtres ? Disaient les esclaves, les épouses, les enfants, les travailleurs des villes et des campagnes, et, de propos délibéré, ils se plaçaient la tête sous le joug comme le bœuf qui traîne la charrue.(...) Nous appellerons des hommes nouveaux (...)''.

Note- Le mot TRAVAIL vient de ''la machine où les animaux sont, pour souffrir des opérations douloureuses (…donc) on appelle travail les douleurs de la femme qui enfante.'' !! - Gilles Ménage, Dictionnaire Étymologique. 


Sous l'casque d'Erby


10 commentaires:

  1. Bonjour les caillasseux-ses. Article intéressant comme souvent chez Rémi quand il s'agit de gratter la surface pour faire briller l'or du temps. Pas le temps de trop commenter aujourd'hui, because réunion de l'ArTche des sens pas plus tard qu'incessament sous peu.

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  2. Salut les caillasses ! Ah, je suis heureux ! J'avais donné il y a quelque temps la référence à un bouquin de Bernard Charbonneau, "l'État", dont Rémi avait extrait une belle page. Après des recherches, et une longue attente, j'ai pu enfin en obtenir un exemplaire - d'occasion bien entendu. Certes il est un peu corné, mais il est là tout entier ! Je vais m'y pencher, et le prêter bien entendu. Vu le mal que j'ai eu pour l'avoir, il ne doit pas circuler encore beaucoup d'exemplaires.

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  3. Merci Rodolphe d'avoir pris le temps de mettre en ligne ce billet - toujours extrait de mon chantier d'écriture, en "page provisoire". celle-ci je viens de la remanier en fonction de la mort d'Alexandre Grothedieck : il a fallu cette mort pour que l'on reparle de lui... et comme beaucoup, j'ignorais tout de l'existence de ce génial savant, anarchiste de conviction profonde dans son engagement écologique, après avoir renoncé à sa carrière scientifique : quel homme ! - les deux liens, sous l'image et sous son nom, sont longs mais passionnants, raison pour laquelle je commenter assez tard...
    Bon marathon, Rodolphe entre four et moulin : entre Cailloux et Artche (ou le contraire) : tu es plus "surbooké" qu'un businessman!!

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  4. La leçon a tirer de tout cela, c'est que les savants – et parmi eux les génies – redeviennent des hommes tout à fait ordinaires, c'est-à-dire soumis à la bêtise, aux approximations, aux raccourcis, aux aveuglements idéologiques, etc., exactement comme vous et moi (mais surtout vous…). C'est ainsi qu'Einstein s'était fait vertement remettre en place par Ortega y Gasset lorsqu'il s'était mis à raconter n'importe quoi sans savoir, à propos de la Guerre d'Espagne. Albert Jaccard en est un exemple encore plus caricatural. (Mais, évidemment, comme tout homme ordinaire, il se peut qu'un scientifique de haut niveau ait des raisonnements justes et fondés lorsqu'il s'aventure hors de son domaine.)

    C'est du reste très curieux, cette croyance en l'omniscience du savant. Qui irait soutenir que tel chef de cuisine triplement étoilé a un avis pertinent sur la composition des gouvernements et l'équilibre des forces politiques, sous prétexte que, devant ses fourneaux, il sait lier les sauces et doser les saveurs ?

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    1. Qui irait soutenir que tel chef... D.G. soit génial donneur de leçons,? ... dégueu as usual le baveux !

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    2. Ah, mon Didier, mais c'est le coup d'émotion et de griffe que se cachent certaines vérités. Un peu à l'instar de Grothendieck, s'enfuyant dans les bois à la vue de son semblable l'humain-mécanique, bonnette au vent, pour le chasser comme on traque un vieux sanglier pour célébrer non pas son travail, mais son image ! Puis, il y a le magnifique Ortega y Gasset... Et ton amour de l'Espagne que je sais sincère... Et puis il y a la science et les scientifiques, devant lesquels je ne m'inclinerai jamais... Cela étant, un homme bon, reste un homme bon. Mais pour cela on n'a pas besoin d'être scientifique pour le sentir et le savoir.

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    3. Rodolphe - Connaissant mal Oretega y Gasset j'ai été voir wiki et (entre autres) j'ai lu ça :
      Bien qu'il ne l'ait jamais annoncé publiquement, sa sympathie allait plutôt au camp franquiste pendant la guerre civile, comme le révèle sa correspondance privée. Il rejette en fait à la fois le fascisme et le communisme, mais redoute par-dessus tout ce dernier, car il assimile l'esprit révolutionnaire à l'idéalisme rationaliste, et considère que "l'action directe", moyen d'expression privilégié par les masses (ouvrières) est illégitime et violente. Il a donc choisi le camp de "l'ordre" contre celui de la "révolution"
      Alors je préfère, nettement, le scientifique radical Grothendieck au sinueux philosophe...
      Même si je rejoints - mais sur l'analyse concrète du combattant anar Orwell en Catalogne! - le FAIT que communisme et fascisme soient les deux variantes du même monstrueux Big Brother...

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  5. J'ai lu une interview quelque part, peut-être sur Reporterre, d'un de ses amis qui racontait que ce génie des maths avait pris la décision de se retirer dès qu'il a su que ses recherches étaient en partie financées par l'armée.

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    1. C'est en partie exact, DPP : Grotehdieck a quitté le poste qu'il avait à cause ce ce financement (même marginal) de l'armée...
      Mais ce n'est qu'une des péripéties qui l'ont conduit à "jeter le bébé avec l'eau du bain'' lui reprochaient des amis.
      En fait le 1° choc fut de se faire traiter de "mandarin" par des enragés en Mai 68 alors qu'il était venu à eux en grand-frère anar fils d'anar !
      On lit tout cela dans (ou via liens complémentaires) un deux liens du billet, sous l'llustration et dans le texte du billet.

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