mercredi 30 juillet 2014

La passion des femmes _ Sébastien Japrisot

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Malgré une grande activité, physique et intellectuelle, je ne peux pas dire que mon bonheur soit comble. Maudite actualité qui m'enfonce la tête dans la béance de l'actualité avec son cortège d'horreurs et de manipulations criantes.
Quelque chose m'étouffe, comme si soudain une fissure s'ouvrait un chemin au cœur du volcan pour éclater à la surface. Quand le malaise fourmille, pris de panique, je file sur le bord de mer et je regarde la ligne paisible de l'horizon pour décrypter le message imaginaire qu'elle offre aux esprits fatigués.
Les vagues, comme les livres, ont toujours une explication pour toute chose. Coupé du monde, je cherche dans le désordre de mes livres la note de hasard qui prolongera la ligne d'océan qui m'apaise.
De Sébastien Japrisot, je ne connaissais que les adaptations cinématographiques, des films, « l'été meurtrier », « les enfants du marais » ou encore « Compartiment tueurs » de Costa Gavras. Jamais lu un livre de Japrisot. C'est pourtant celui-ci qui m'attendait dans mon grenier, tout en haut d'une pile. Je l'ai saisi, ai lu les premières lignes, l'ai embarqué, monté à bord et me suis laissé dériver avec le courant jusqu'aux confins de sa lecture.
« La passion des femmes » se lit comme un polar, se médite comme une quête métaphysique et s'illustre comme un film dont la bobine ne cesse de projeter du flash-back sur l'écran de vos pensées. Un livre n'est que cela, une succession de retour sur bobine : un homme, une plage, une décharge de chevrotine qui macule de sang un polo blanc, la vie qui file et qui défile, huit femmes et autant de destins... Un métal des plus sûrs pour sertir les pierres merveilleusement cruelles de la vie, du rêve et des cauchemars qui l'illustrent.
« Ce jeune homme obstiné – c'est ainsi qu'il se désigne quand il parle de lui – avance en titubant le long de l'océan, courbé sur sa blessure, et il ne sait ni d'où il vient ni où il va... » C'est peu et c'est déjà beaucoup pour chercher à suivre l'empreinte que ses pas laissent sur le sable.
Au fil de la lecture, nous allons découvrir, au hasard du regard qu'on lui porte, que chacune des femmes possède sur le jeune homme la facette d'un autre personnage. D'une autre intrigue. Est-ce vraiment lui, ou s'agit-il, simplement, du profil que la narratrice fait d'elle-même ?...
Qui de Emma, de Bélinda, de Zozo, de Caroline, Frou-Frou, Yoko, Toledo ou Marie-Martine a appuyé sur la gâchette par deux fois ?... Crime individuel ou folie collective ?... Mais le mort est-il vraiment celui qu'on cherchait à tuer ?... Celui dont on voulait effacer la trace ?... Des questions et un seul bonheur, celui de la lecture.
C'est en lisant ce livre, où chaque histoire est une nouvelle, un portrait croisé de la victime et de la narratrice du moment, que vous saurez ou ne saurez jamais rien...
La seule chose que je sais, après que les mouettes se sont tues, est que « par-delà les dunes et les pins de la forêt, une cloche sonne à nouveau, comme elle le fait de plus en plus impatiemment depuis quelques minutes, et ce jeune homme aventureux bien évidemment ne bouge pas – mais il ouvre quand même un œil... »
Et le couchant à soudain allumé un phare dans les ténèbres.


La passion des femmes - Sébastien Japrisot - collection folio - 5/6€ environ


Sous le casque d’ERBY      


16 commentaires:

  1. Je crois savoir (lediazec ou Martine le confirmera) que cela fut (EXCELLEMENT!) écrit lors du si rapide repos de l'auteur du billet et qu'il l'a programmé pour ce matin, laissant 2 jours de lecture à nos lecteurs pour mon billet précédent (Gaza=Bayonne...)
    Merci l'artiste de la plume et l'artisan au taf !!

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  2. Si cela ne donne pas forcément envie de lire ce roman (à part la S-F je ne lis guère que des études politiques), cela confirme l'immense talent de notre Rodo pour présenter un ouvrage. Bien dit, bien vu !

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  3. Belle entracte dans ce monde de brut !

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  4. VAL Véritable Artisane Libre30 juillet 2014 à 10:02

    Merci cela tombe à pic j'ai terminé "La sagesse de nos colères" De la colère qui détruit à la colère qui construit de Marc Pistorio, donc Sébastien Japrisot, oh oh je vais te lire !!!
    Bonne journée pluvieuse, les caillousseuses et sseux

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  5. une belle idée de lecture. Salut à la bande de caillouteux

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  6. L'auteur du billet a pris la poudre d'escampette ! ... comme on le comprend.
    Hum ! l'ai toujours dit !
    À la simple lecture de son rapport édifiant sur les risques que prennent les hommes à la fréquentation de la gent féminine, on conçoit qu'il y ait des raisons de se contenter d'admirer ... mais de loin, avec une longue-vue, par exemple .....

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    1. Étant pris par la visite annuelle de ma chère fille cadette, je n'ai pas eu le temps hier de critiquer cette généralisation abusive de la 'gente féminine" par la gente masculine" des hommes, lesquels, normalement, désigne l'ensemble des deux sexes... : je sais qu'il ne s'agit que + ou - d'une boutade, mais elle renvoie, à mon avis, à toute une lourde et nauséeuse tradition machiste, sexiste, sur la quelle est fondée le "bon vieux patriarcat" ("Dieu-le-Père") c'est à dire l’orthodoxie du Capitalisme...
      Je pense qu'il existe des hommes (de l'un ou l'autre sexe!) foncièrement différents individuellemeny et que TOUTE généralisation schématique (par sexe ou autre : religion, niveau de connaissance, climat...) est facilement abusive !

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  7. Ah ! Rem*,
    je te reconnais bien là, à tenter, désespéément, l'apparemment faible, et c'est tout à ton honneur. Pour la part, la longue vue ... Y'a eu meurtre, quand même. On a trop tendance à l'oublier

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  8. Désolé ! un peu pressé de dire mes sottises ... je ponds un texte incompréhensible
    je le remets donc corrigé
    Rem *, je te reconnais bien là, à tenter, désespérément, d'innocenter l'apparemment faible, qui serait légitimé de "se défendre", et c'est tout à ton honneur. Pour ma part, la longue vue ... Y'a eu meurtre, quand même. On a trop tendance à l'oublier

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    1. Je ne parlais (pas plus que toi dans ton commentaire de 16h12) de l'intrigue du roman, mais de ta dernière phrase, trop "généralisante"...
      Quant à "tenter, désespérément, d'innocenter l'apparemment faible" , je ne m'y reconnais pas...du tout...! Ce n'est qu'une caricature qui me fait hausser les épaules!

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    2. Ouh là ! Hou là ! Un peu de "distance", quand même ! Tu devrais essayer la longue vue, tu verrais, c'est pas mal du tout à l'usage ! il y a des angles intéressants.
      "Je ne parlais (pas plus que toi dans ton commentaire de 16h12) de l'intrigue du roman" !
      Pas du tout :16h11 ... Donc je dois admettre que tu me fasses savoir de quoi je causais ... Intéressant ...
      Il y a un billet sur un bouquin, lequel a pour titre la passion des femmes, qui sont semble-t-il 8 à s'agiter dans ce roman autout d'un bonhomme qui prend une bastos quelque part sur une plage, alors qu'il portait un polo blanc. Blanc et rouge, ç'est assez bon ; ça fait penser au rocher Monégasque, ou à la Suisse. Mais peu importe, ce ne semble pas être le centre de l'intrigue? Allons jusqu'à admettre que celle aurait très bien pu se dérouler n'importe ailleurs. Reste les 8 donzelles, le bonhomme - avec ou sans polo - et la bastos. Si ça, ce n'est pas une affaire de relations homme-femme, alors de quoi parlons-nous ? Que la bastos y sot en quelque sorte comme le personnage principal autour duquel tourne tous les autres n'est pas non plus une simple affaire de genre (de valeur d'échange) : il est, peut-être même la vérité de ces relations, laquelle est aussi celle de notre société. Qu'une femme particulière n'ait rien de commun avec la catégorie genre féminin, peut-être, mais je n'y crois guère, ne serait-ce qu du fait de la pression sociale qui veut que ... À partir de là, la découverte de chacun constitue l'aventure humaine, un parcours singulier dont personne ne saurait dire vers où il mène, mais qui commence sans doute par quelques a priori réciproques.
      Au-delà de la question "gent féminine", il y a celle de la question de la "victime", ou du faible. La métaphore, l'analogie éclairent parfois d'autres questions et nos rapports à ces questions.
      En tout état de cause, ce qui me fait me dresser des quatre fers est cette propension à considérer que les femmes - je ne parle pas ici de gent féminine, abstraction douteuse, mais dont la réalité est bien les conditions quand même qui sont faites aux femmes et CE QU'ELLES EN FONT - sont a priori AU-DESSUS de tout soupçon. Tiens ! nous voici revenus au canevas du roman. je ne l'ai d'ailleurs jamais quitté. Un bon roman, certainement, et je remercie lediazec de l'avoir signalé à notre attention, brillamment d'ailleurs.

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  9. Pour ma part, je suis en train de lire un livre déjà un peu ancien, "1Q84". C'est de la SF, bien sûr. Mais c'est bien observé. Contexte particulier : c'est japonais.

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    1. Et là nous avons à faire aux petits pieds des geishas pour faire bander les hommes, ceci pour semer ma petite graine de femme dans le dialogue entre pim et rem.....

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  10. Hors sujet, mais en rapport avec l'actualité (avec un peu plus de rapport, j'ai d'abord mis ce commentaire sous mon article "Bande de Bayonne", mais c'est déjà ancien!)...

    En contradiction avec la politique électoraliste de collaboration du PCF avec le PS, le communiste Patrick le Hyaric, directeur de l'Humanité, écrit bien. Voici quelques extraits de son article (31 juillet 2014) sur le centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès :
    (...)  « Au moment où les multiples crises d’un capitalisme mondialisé et financiarisé font vaciller le monde, générant de nouvelles inégalités, surexploitant les hommes et la nature au point de menacer les écosystèmes, les récupérateurs de Jaurès devraient méditer cette sentence: «  Il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples,  c’est d’abolir la guerre économique ». Cela les conduirait à cesser les négociations, conduites dans le plus grand secret, autour du Traité transatlantique. Ceux qui s’attachent à commémorer Jaurès pour mieux le « vitrifier » veulent le rendre inoffensif ; cacher sa passion dans l’action, pour la justice sociale et l’égalité réelle, la complexité et la modernité de sa grande œuvre.
    Celle-ci porte le nom du combat patient et acharné pour l’unité socialiste et populaire. Elle montre aussi le chemin de la transformation sociale, sociétale, écologique dans le cadre d’un processus unitaire, « ce que Marx a nommé magnifiquement l’évolution révolutionnaire » écrit-il en octobre 1901.  « Elle consiste, selon moi, à introduire dans la société d’aujourd’hui des formes de propriété qui la démentent et qui la dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la disparition du monde ancien ».(...)
    Extrait du discours du même le Hyaric sur le lieu de l'assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 2014 :
    (…) « Certes Jaurès n’est pas pour nous un modèle, si tant est que nous devions en avoir un. Mais, comme d’autres, de Marx à Gramsci, de Mandela à Allende, c’est un éclaireur, un ouvreur de pistes sur des terrains de plus en plus minés par une féroce guerre idéologique. » (…) Lors de son discours le 25 juillet, six jours avant son assassinat, dans le quartier de Vaise à Lyon, il déclare : « Quoi qu’il en soit citoyens et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. » Son message n’a pas été  entendu à l’époque. Mais son message demeure. Il garde, un siècle plus tard, une valeur qui mérite que l’on s’y arrête (...) ». Restons fidèles aux dernières lignes de son dernier éditorial, paru le jour de sa mort : « Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrières. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir. » (...)

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  11. Bonsoir, amis de la caillasse. De retour en Armorique où l'oxygène est régénérateur ! Vanné, mais content ! Merci de vos commentaires, mention exceptionnelle à Rémi et Pim qui m'ont régalé. Et merci à notre cher Babel dont je connais la passion pour la SF, un encyclopédiste en la matière. Incollable, le père Jean-Claude.
    Sur ce, je m'en vais décompresser. Messages particulier aux juifs et aux palestiniens : et si les deux peuples se donnaient la main pour foutre en l'air une fois pour toutes les extrémistes des deux camps qui les tient en otage et qui pourrissent la vie de tout le monde ?...

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