vendredi 7 mars 2014

Le banquet des léopards - Alphonse Boudard

Place à Alphonse Boudard. Ni oublié, ni méprisé, juste en dormance. Un tour dans mon grenier, en cette période de ragotons, et, hop !, la main du hasard qui vous alpague les châsses, vous attise la fringale, pour une bamboche de morfale.
De l'Alphonse, je n'ai pas ligoté beaucoup de missels, « La métamorphose des cloportes », « Les combattants du petit bonheur », « Le banquet des léopards ». C'est ce dernier qui m'est revenu aux lampions en farfouillant dans mon tas. J'ai aussitôt tilté et te l'ai alpagué, histoire de sabouler le présent avec les fringues du passé, savoir si le plaisir éprouvé n'a pas subi d'altération avec la vase du temps. J'ai aussi en tête quelques péloches où il ciselait la bavette à Gabin, Ventura, Signoret, Delon ou Belmondo.
Alphonse est né et claboté entre deux siècles, 1925-2000. Venu au monde de père inconnu, sa mère, mineure au moment où il pointe ses mirettes en ce monde craspouille, le confie aussitôt à une famille de cambrousards du côté de Bellegarde, dans le Loiret, où il grandit comme il put entre ses deux protecteurs, jusqu'à l'âge de sept ans où la mater le récupère pour l'expédier aussitôt chez la grand-mère dans le 13ème arrondissement de Paris où il perd définitivement l'accent des carnutes qu'il avait contracté du côté d’Orléans.
La guerre 39-45 arrive pour le jeune ouvrier typographe qu'il est devenu. Pourquoi s'est-il engagé dans la castagne du côté du Général ? Pourquoi a-t-il basculé dans les affaires louches et la chourave après la guerre ?...
Le fait est que cézigue se retrouve au placard. Une quinzaine d'années pendant lesquelles il alterne l'air frais de la rue et l'air confiné des ballons. C'est pour occuper l'ennui – il a le sens de la comprenette – qu'il lit tout ce qui passe à portée de louche : Céline, Balzac, Stendhal, Proust, les biographies, la Bible, les grecs, les récits de voyages. Tout. Ça lui met le feu au bocal et pas qu'un peu ! Déjà la pointe du bic s'enfonce dans le frontal pour lui tailler un bout de célébrité. C'était ça ou rejoindre l'armée de la Loise comme un baltringue.
D'ailleurs « Le banquet des léopards » s'ouvre sur la cellule 206 où l'Alphonse lit la Chartreuse de Stendhal dans son paddock, le passage où Fabrice del Dongo se fait la malle de la tour Farnèse. Ça donne de l'espoir. Pendant ce temps, son colocataire, Karl, se paluche face au mur des chiottes avec frénésie. Un obsédé, le Karl. Homme, femme, chèvre, bourrin, tout lui est bon, pourvu qu'il y ait le spasme de la petite mort au bout, et le soulagement avant le recommencement. Un alsacien enrôlé de force, qu'il disait, chez les nazis. Il avait pris pour son kouglof d'ergastule, le Karl, et sauvé in extremis le calcif d'un essorage radical.
Alphonse place sur son bureau l'album de clichetons dans lequel il va chercher la pitance de ses émotions et pour faire passer le tout nous fait écluser jusqu'à plus soif. Les maîtres pinardiers sont nombreux chez l'Auguste et, sous la calbombe, ça s'offre le luxe de quelques châteaux du meilleur palais. C'est chez Auguste-le-faussaire, le génie de la Lanterne, que l'Alphonse a connu au gnouf pour une affaire de peinture fraîche, des Utrillo et des Matisse que les auteurs avaient eu l'outrecuidance de peindre post-mortem. Auguste règne sur sa boutique, La Lanterne magique, verre en main, au milieu de son véritable trésor, la fraternité, entouré d'artistes louches, de personnages aux couleurs vives et au commerce frauduleux. Alphonse ne juge personne, il se contente de dégoiser l'histoire de sa vie...
Puis, arrivera Vulcanos-le-mage, une autre vieille connaissance de l'Alphonse, un personnage hors-cadre. Trop grand, trop massif, trop tout. Il occupera l'espace à coups de voyances et de chibre ! Il sera consacré le jour du banquet des léopards...
Quel banquet ! Moment de rare grandeur ou quand la littérature embrase l'éthologie pour une cuisson à point, tout comme le service trois pièces de Vulcanos-le-mage.
La poésie est le chemin le plus direct pour atteindre les étoiles. 

Le banquet des léopards - Alphonse Boudard - 4-5€


Sous l'casque d'Erby

Times is mauvais !...

9 commentaires:

  1. Bonjour les caillasseux. Vendredi. Déjà !
    Temps de misère philosophique. Prenons ce merlan de BHL, perruquier de la finance, qui, après son intervention débilotte en Ukraine est parti au Danemark s'en prendre aux danois, qui par milliers étaient descendus dans la rue protester contre l’entrée de la Goldman Sachs dans le capital d’une entreprise publique. Je cite le passage qui intéresse : ... "Mais le sujet dont on parle le plus ces jours-ci, à Copenhague, c'est, hélas, l'affaire Goldman Sachs - c'est-à-dire l'entrée de la célèbre banque d'affaires américaine au capital de Dong Energy, la grande compagnie d'État danoise fournisseuse d'énergie. On a beau dire et répéter qu'il s'agit d'une prise de participation minoritaire. On a beau rappeler, et rappeler encore, que Goldman Sachs était le mieux-disant en termes de savoir-faire autant que d'investissement. Rien n'y fait. C'est comme si le diable en personne était entré dans le royaume. C'est comme si l'on voyait soudain poindre le visage même de l'Antéchrist. Et rien ne semble devoir arrêter le déferlement d'antiaméricanisme dans un pays qui passe pour vacciné contre cette passion rouge-brune. Autre signe des temps ? On se croirait en France - c'est tout dire." Crayonné à Copenhague
    Raison pour laquelle il est préférable de lire en ce début de week-end Boudard que d'écouter de telles atrocités !

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  2. Mais bien sûr, ami Rodo, Goldman Sachs est bien (pour un athée) l'équivalent de l'antéchrist, celui qui place l'Homme d'Or au-dessus du Sax, ce qui est pour le moins inconvenant, convenons-y. Quant aux convenus, eux, ils peuvent repartir......

    Le ciel s'annonçant fabuleux, fabulons en chœur......

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  3. Ce BHL me fout la gerbe !Comment est t’il possible que ce margouillat puisse être libre de divulguer toutes ses âneries

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    1. Bonjour les Caillouteux,
      comme toi M Art IN pour BHL ;0)))
      Petit clin d'oeil pour le Weekend : Michael Grab
      http://www.youtube.com/watch?v=uySzxBl7O5A
      diapo sur site: http://www.gravityglue.com/
      Amitiés @tous

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  4. Ah ça fait du bien, cette brute fraîcheur du style Boudard, dans cette brute actualité si rance ! Merci les artistes Alphonse et Rodo !!

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